Les grandes banques mondiales ne se sont toujours pas affranchies de l’influence de l’industrie du pétrole : 1.350 milliards d’actifs à risque

Et si l’un des obstacles face à une politique climatique ambitieuse était le monde bancaire ? C’est ce qu’on pourrait bien penser en découvrant le nouveau rapport de l’ONG Finance Watch, qui démontre que les 60 plus grandes institutions bancaires mondiales ne se sont toujours pas affranchies des énergies fossiles, malgré les promesses du secteur.

Les institutions bancaires aussi peuvent arriver à l’objectif zéro carbone, en évitant tout simplement d’investir dans des fonds pétroliers ou charbonniers. C’est d’ailleurs un objectif auquel le monde bancaire s’est engagé d’ici l’échéance 2050, et ce, depuis l’Accord sur le Climat de Paris, en 2015, rappelle l’ONG basée à Bruxelles. C’est d’ailleurs tant un objectif de transition écologique que financière, car la filière fossile est considérée comme condamnée à terme, au fur et à mesure que des énergies plus propres se développent, et les nouveaux investissements s’y font – normalement – rares.

Un facteur de risque financier

Mais visiblement on est encore loin du compte : le dernier rapport de Finance Watch démontre que les 60 plus grandes banques sont encore exposées à hauteur de 1.350 milliards de dollars à des actifs liés aux énergies fossiles, soit près de 1,5 % du total des actifs de ces établissements. Or c’est là tant un pied de nez aux ambitions climatiques qu’un facteur de risque financier aisément évitable, souligne le rapport :

« La pratique actuelle consistant à ne pas traiter les expositions des banques aux combustibles fossiles comme des actifs à plus haut risque […] non seulement encourage l’accumulation continue du risque prudentiel, mais constitue également une subvention effective des banques à l’industrie des combustibles fossiles, que nous estimons à environ 18 milliards de dollars par an. »

Pondération de 150%

Or, ces actifs risquent de perdre rapidement de leur valeur au fur et à mesure que la transition énergétique s’accélère. Finance Watch recommande ainsi de renforcer la législation sur ces actifs par « l’application d’une pondération de risque de 150 % – la pondération de risque applicable aux actifs à haut risque dans le cadre de Bâle. » Ce qui aurait un coût certain : « Nous estimons que pour les 60 banques de notre échantillon, cette mesure nécessiterait des fonds propres supplémentaires d’un montant compris entre 157,0 et 210,2 milliards de dollars, ce qui équivaut en moyenne à environ trois à cinq mois du bénéfice net des banques en 2021.

L’ONG a détaillé son étude en pondérant l’influence de l’énergie fossile sur les banques de différents pays. Dans le cas de la France, les actifs de BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE/Natixis, Crédit Mutuel et La Banque Postale sont liés aux actifs fossiles à hauteur de 1,31 % des actifs totaux de ces banques. C’est légèrement moins que la moyenne des banques mondiales (1,47 %), mais nettement plus que la moyenne européenne (1,05 %) et près du double de la moyenne allemande (0,74 %), détaille Les Echos.

Une définition bien restreinte des actifs fossiles

Les banques contestent toutefois ce rapport, qui remet en question les efforts climatiques consentis qu’elles mettent régulièrement en avant. Pourtant, Finance Watch est resté très modéré dans ce qu’elle considère comme un actif lié aux énergies fossiles ; là où son rapport estimait cette part à 239,3 milliards de dollars pour les 22 plus grandes banques européennes, en 2021, plusieurs ONG arrivaient à plus de 500 milliards pour seulement 11 banques.

Un écart de chiffre que l’ONG explique par « la différence dans la portée et la définition des activités liées aux combustibles fossiles : Le rapport de 2021 a « un périmètre beaucoup plus large (par exemple, il inclut les transports et même les services), alors que nous ne ciblons que les activités en amont, et les centrales électriques », a expliqué l’ONG à l’AFP.

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