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Les coulisses du conclave budgétaire, avec un marathon de 10 heures sur les flexi-jobs : « Dermagne ne parvient pas à se défaire de Magnette », « De Croo nous fait toujours le même coup »

Les coulisses du conclave budgétaire, avec un marathon de 10 heures sur les flexi-jobs : « Dermagne ne parvient pas à se défaire de Magnette », « De Croo nous fait toujours le même coup »
Alexander De Croo & Paul Magnette – Getty Images

Le 16 poursuit son élan d’optimisme. Depuis ce matin, le Premier ministre peaufine son discours. Mais un sujet est au centre de l’attention : les flexi-jobs. Pour l’Open Vld, cette réalisation du dernier budget de la Vivaldi est une fierté personnelle pour De Croo et son vice-premier ministre, Vincent Van Quickenborne. Ils ont passé plus de 10 heures à débattre de ce sujet avec Pierre-Yves Dermagne, vice-premier ministre du PS. Certains accusent le PS, en particulier Paul Magnette, d’avoir alourdi les discussions. « Pour une fois, nous n’avions pas à gérer Georges-Louis Bouchez (MR), et David Clarinval (MR) pouvait décider librement. Mais Dermagne semble toujours influencé par le Boulevard de l’Empereur », témoigne un insider. Au PS, on rétorque : « L’Open Vld était au courant de notre position bien avant. Le Premier ministre tente constamment d’isoler Pierre-Yves et de le mettre sous pression, mais cela a échoué. » Malgré ces frictions, le gouvernement Vivaldi a affiché son unité lors de sa conférence de presse.

Dans l’actu : cet après-midi, devant la Chambre, De Croo pourra se féliciter d’avoir un budget « plus performant » que celui du gouvernement flamand.

Le détail : « Nous n’avons pas promis monts et merveilles sans garantie financière », affirme un vice-premier ministre. C’est une nuance que le Premier ministre ne fera pas ouvertement.

  • « Je souhaite remercier tous les collaborateurs pour leur travail acharné. Cet accord fera avancer notre pays sur les plans économique, écologique et sécuritaire. » C’est le ton optimiste adopté par le Premier ministre De Croo lors de sa conférence de presse, après 30 heures de négociation.
  • Dans le « bunker », la salle de presse du gouvernement, De Croo était flanqué d’Alexia Bertrand (Open Vld) d’un côté, et surtout de Pierre-Yves Dermagne, vice-premier ministre PS, de l’autre. Une longue journée dominée par un débat de 10 heures sur les flexi-jobs.
  • Il est également à noter que ce budget n’a toutefois pas fait la Une de l’actualité, aux différents JT. Logiquement, car Gaza et Israël dominent les informations et seront sans aucun doute à nouveau à l’ordre du jour du discours sur l’état de l’Union, tout comme la guerre en Ukraine.
  • Mais en même temps, le Premier ministre souhaite continuer sur la voie choisie par l’ancienne équipe de communication de Mark Rutte qui conseillait l’Open Vld : créer une image d’un Premier ministre qui travaille, qui fait avancer le pays et qui fait une « offre positive » aux électeurs, face au pessimisme constant de l’opposition et en particulier de la N-VA. Vous pouvez donc être sûr que cet élan de positivité reviendra en force à la Chambre vers 14 heures.

Les chiffres : La Vivaldi veut se démarquer et « faire mieux » que le gouvernement flamand.

  • « Nous faisons encore ce que nous avons promis« , a répété le Premier ministre à plusieurs reprises lors de son intervention hier sur les chiffres du budget. Bertrand, en tant que secrétaire d’État chargée du Budget, a également insisté : « Nous faisons ce que nous disons, étape par étape. » Ce message sera sans aucun doute réitéré aujourd’hui.
  • Au sein de la Vivaldi, on est particulièrement fier d’être parvenu à retirer les 1,2 milliard d’euros prévus du déficit budgétaire, et d’avoir financé 500 millions de politiques supplémentaires. « Nous mettons notre budget en ordre« , a souligné Bertrand.
  • Dans les couloirs, plusieurs vice-Premiers ministres, de gauche comme de droite, ont souligné que la Vivaldi faisait ce qu’elle avait promis, « contrairement au gouvernement flamand qui a commencé à distribuer des cadeaux lors de sa dernière année« , et « ne respectait pas les chiffres que nous avions donnés à l’Europe ». Ou encore : « Nous avons prouvé que nous pouvions conclure de bons accords, même si difficiles. »
  • En 2024, le chiffre pour l’Europe comprendra les chiffres de tous les gouvernements belges et des communes. Il a été convenu que ce chiffre ne dépasserait pas 4,2 % de déficit par rapport au PIB en 2024. Le déficit fédéral représente lui 3 %, et cela ne change donc pas. Mais la Flandre, la Wallonie et Bruxelles prévoient un déficit plus important que prévu pour l’année prochaine. La Belgique risque donc de terminer avec un déficit total de 4,6 %, ce qui pourrait entraîner un sévère avertissement de la Commission européenne, voire une sanction.
  • « Regardez, nous avons maintenant choisi une direction pour trouver ces 1,2 milliard d’euros, en réalité, c’était même 1,8 milliard avec les dépenses supplémentaires. Si nous faisions ce genre d’exercice chaque année, réduire le déficit à 3 % d’ici 2026 pour toute la Belgique serait certainement possible« , raisonne un vice-Premier ministre fédéral de manière volontariste.
  • La question est de savoir si ce raisonnement tiendra la route, une fois que les débats auront éclaté dans l’hémicycle plus tard dans la semaine, et que l’opposition se sera déchaînée sur le budget. Au vu de la situation générale, la Vivaldi laisse derrière elle un déficit total de plus de 18 milliards d’euros par an, cela ne sera pas évident pour De Croo et consorts : les réformes structurelles n’ont pas vraiment été au rendez-vous (pension, emploi, fiscalité).
  • Les critiques de l’opposition sont déjà prêtes :
    • « Notre déficit budgétaire est de 5 % du PIB. À politiques inchangées, il augmentera encore pour atteindre plus de 9 % du PIB dans les décennies à venir. Des chiffres désastreux ». Le président de la N-VA, Bart De Wever, a d’ores et déjà lancé un coup de semonce : « Cela montre une impudeur sans limites de la part du Premier ministre de présenter une telle fausse bonne nouvelle. »
    • « Le bilan de ce gouvernement Vivaldi, c’est que les salaires réels des Belges ont baissé de plus de 5 % au cours des trois dernières années. Nous avons besoin de mesures pour alléger les factures et augmenter les salaires. Et pas de développer les flexi-jobs mal rémunérés », a réagi Sofie Merckx, cheffe de groupe PTB à la Chambre.

L’essentiel : l’histoire se répète à nouveau pour la Vivaldi. Les négociations sont constamment éprouvantes, avec l’influence omniprésente de Paul Magnette (PS).

  • Bien que De Croo ne l’admettra jamais, il semble avoir été influencé par le gouvernement flamand de Jan Jambon (N-VA). L’équipe flamande avait conclu un accord budgétaire rapidement. « Nous pouvons le faire aussi », pensait-on dimanche soir au 16. Les affaires avançaient bien, une conférence de presse était même envisagée dès le lundi matin.
  • « Tout se passait bien, pas de cris ou de disputes cette fois-ci. La logique et la structure des discussions étaient correctes, tout le monde contribuait. Il était remarquable de voir Frank Vandenbroucke (Vooruit) s’impliquer, souhaitant mettre de l’ordre dans son département de la Santé publique, un sujet toujours délicat. Lui et Vincent Van Peteghem (cd&v) étaient très constructifs », témoigne un membre du kern.
  • Plusieurs vice-premiers ministres ont souligné le recul initial des présidents des partis. Bouchez, par exemple, laissait à David Clarinval (MR) une certaine autonomie décisionnelle, offrant ainsi une bouffée d’air frais aux négociations.
  • Cependant, De Croo avait un autre défi : le président du Boulevard de l’Empereur. Selon beaucoup de protagonistes, Magnette a encore joué un rôle crucial lors de ces négociations.
  • « Nous avons vécu ce phénomène pour la première fois en 2022, lors du budget. Tout le monde travaillait pour un accord, faisait des concessions. Et puis Pierre-Yves Dermagne s’est tu, restant étonnamment silencieux. Puis il est soudainement parti pour appeler et discuter, et pour être finalement « désavoué » par son président de parti. Il fallait alors recommencer. Si vous ne vous éloignez pas des ordres et que vous concluez vous-même des accords, il est très difficile de négocier », analyse un vice-premier ministre, pas un libéral d’ailleurs.
  • Le Premier ministre minimise souvent la situation, mais un jugement sévère sur le PS circule au sein du gouvernement. Cette fois-ci, deux dossiers en particulier ont retenu l’attention, mais leurs résolutions ont pris un temps inutilement long, commente un participant de manière cynique.
  • Du côté des sources libérales, certains sont étonnamment plus indulgents envers Dermagne : « Il a en fait une bonne relation avec Van Quickenborne. Ils ont dû négocier pendant des heures, seulement avec le Premier ministre. Cela a finalement aidé à l’éloigner de Magnette. »
  • Du côté du PS, la perspective est complètement différente. L’idée que Magnette jouerait le rôle de la « belle-mère » est absurde selon eux. « C’est toujours la même astuce. Le Premier ministre prétend être pressé, puis veut mettre Pierre-Yves en difficulté. Dix heures à deux contre un. Ils essaient de nous isoler et de nous mettre sous pression. Et c’est nous qui ne cédons pas ? C’est tellement prévisible », déclare une source élevée du PS.
  • Ils rappellent que « les demandes du PS concernant les flexi-jobs étaient sur la table depuis deux semaines ». « Ils savaient parfaitement pourquoi nous voulions réformer ce système. Cela n’a rien à voir avec Paul Magnette. C’est plutôt la méthode de l’Open Vld pour essayer de nous forcer qui pose problème. Ils n’ont toujours pas compris cela après trois ans ? », conclut-on fermement.

La vue d’ensemble : La dissymétrie sur le marché du travail entre la Flandre et la Wallonie continue de s’accroître.

  • Le compromis au sein de la Vivaldi était donc assez clair :
    • L’Open Vld souhaitait absolument étendre le système des flexi-jobs pour les personnes qui souhaitent avoir un travail d’appoint. Le gouvernement flamand était également demandeur pour recruter davantage dans l’éducation ou la petite enfance. La question était : combien de secteurs supplémentaires seraient inclus ?
    • Mais dans le même temps, une promesse faite aux partenaires sociaux, notamment aux syndicats, devait être tenue : augmenter le salaire minimum. La question était : combien d’argent supplémentaire serait injecté pour ne pas trop coûter aux employeurs, qui bénéficieraient ensuite de réductions de cotisations sociales ?
  • « Cependant, le PS était très préoccupé par les syndicats qui voient dans ces flexi-jobs un affaiblissement de leur pouvoir. Car ce sont souvent des personnes non syndiquées. Et ces emplois contribuent également moins à la sécurité sociale, ce qui « affaiblit » l’État providence. Même nous, nous ne sommes que de tièdes partisans de ce système », nous explique un ténor des écologistes. « Mais si c’est pour permettre à des retraités d’enseigner ou d’avoir des mains supplémentaires dans la petite enfance, nous ne sommes finalement pas contre. »
  • Un constat s’imposait à tous autour de la table : le marché du travail est radicalement différent dans le Nord et le Sud. Car en Flandre, il y a un besoin criant de travailleurs, notamment dans des secteurs vitaux pour le gouvernement tels que l’éducation et le bien-être, mais aussi dans de nombreux secteurs industriels et dans la restauration. En Wallonie, ce problème est bien moins présent : le chômage y est bien plus élevé.
  • Les flexi-jobs sont présents à 90% en Flandre, concentrés principalement dans trois provinces : Anvers, Flandre-Orientale et Flandre-Occidentale. Cela a parfois créé des tensions entre le PS et l’Open Vld. « La Wallonie ne va quand même pas nous empêcher de nous développer, non ? », a déclaré Van Quickenborne.
  • C’est donc tout à fait remarquable, car l’Open Vld est devenu au niveau fédéral un fervent défenseur de ce que cd&v et N-VA demandent depuis longtemps au gouvernement flamand : une politique asymétrique du marché du travail, depuis le gouvernement fédéral. Et Dermagne, qui a toujours été un tiède partisan de cela, a finalement accepté.
  • Dans les secteurs publics tels que l’éducation et le bien-être, les régions peuvent désormais demander la mise en place de flexi-jobs. La Flandre le fera immédiatement pour l’éducation et la petite enfance, la Wallonie probablement pas. Mais pour les transports en bus, par exemple, les deux le feront.
  • Ensuite, les discussions ont longtemps porté sur le plafond des revenus issus d’un flexi-job. Le PS voulait le fixer à 7.000 euros par an. Inacceptable pour l’Open Vld, car avec dix heures de travail d’appoint pour un retraité, on atteint très rapidement ce plafond. Ils ont réussi à convaincre le PS de le fixer finalement à 1.000 euros net par mois, soit 12.000 par an, soit environ 22 heures de travail par semaine. « Faire cela en plus de son travail est donc déjà beaucoup », rassurent les libéraux.
  • De plus, de nombreux secteurs reprennent les barèmes existants, rendant les flexi-jobs moins attractifs par rapport aux emplois réguliers : une grande victoire pour le PS, et une demande des syndicats. Seul le secteur de la restauration a été exempté pour l’Open Vld.
  • Et finalement, les débats ont duré des heures sur les secteurs concernés. Au début, le PS voulait seulement l’éducation, mais l’Open Vld voulait en ajouter beaucoup plus, et a finalement obtenu aussi l’agriculture, le secteur événementiel et même certains secteurs industriels comme les abattoirs et les boulangeries industrielles. « Un premier pas vers les flexi-jobs dans toute l’industrie », se félicitent-ils du côté bleu.
  • « Et cela a donc pris dix heures de négociations », soupirent d’autres sources gouvernementales qui ont dû attendre l’Open Vld et le PS. Finalement, un montant supplémentaire a été débloqué pour le salaire minimum de 50 euros nets par mois (à partir du mois d’avril, juste avant les élections), et le nombre de secteurs est passé de 10 à 22.
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