Les banques centrales concurrencent le Bitcoin et la Libra avec leur propre monnaie numérique

Aurons-nous bientôt droit à un compte bancaire numérique auprès de la Banque centrale européenne (BCE) ? De plus en plus d’institutions bancaires d’État lancent leur propre cryptomonnaie, ce qui dans certains cas permet de se passer de banque traditionnelle.

Partout dans le monde, les CBDC, ou ‘monnaie numérique de banque centrale’, se multiplient. Cette monnaie fonctionne avec le système de blockchain et est émise par une banque nationale. Quelques annonces récentes:

  • La banque centrale du Canada a déclaré qu’elle travaillait sur une monnaie digitale ‘avec des propriétés similaires à l’argent’ destinée au grand public.
  • La banque de France a mené avec succès un test autour de l’euro numérique en partenariat avec la Société Générale.
  • La banque centrale de Lituanie lancera le mois prochain une pièce de collection numérique nommée LBCoin.
  • La Thaïlande va aussi proposer un projet pilote.

Bitcoin et Libra

Avec leur développement offensif, les banques centrales se sont engouffrées dans le vide laissé par les cryptomonnaies comme le Bitcoin ou la Libra de Facebook. Le premier n’est pas parvenu à devenir un moyen de paiement largement sécurisé. Tandis que la seconde se débat encore trop avec elle-même et se fait toujours attendre.

Les aficionados des monnaies numériques frissonnent déjà. Parce que, même si les CBDC sont technologiquement très semblables au Bitcoin, leur vision sociale est diamétralement opposée. Les premières cryptomonnaies sont décentralisées. Elles ne veulent pas être dépendantes d’un gouvernement. Alors que les devises des banques nationales sont liées aux autorités publiques puisque ce sont des entités étatiques.

La Banque des règlements internationaux, c’est-à-dire la banque des banques centrales, met les choses en perspective. ‘L’émission des CBDC n’est pas tant une réponse aux cryptomonnaies et aux ‘stable coins’ du secteur privé, mais plutôt un effort technologique pour atteindre plusieurs objectifs politiques à la fois’, a écrit la BRI dans un rapport publié mercredi. Elle fait référence, entre autres, à la cybersécurité et à l’efficacité des transactions monétaires.

Un compte courant auprès de la banque centrale?

Les banques testent actuellement deux types de CBDC:

  1. Une monnaie numérique pour les échanges entre la banque centrale et la banque commerciale, comme dans le projet pilote français. Cette application pour les ‘grossistes monétaires’ est innovante, mais ne modifie pas beaucoup la structure du système financier. La banque de dépôt reste le point de contact avec les clients.
  2. Une monnaie numérique pour le grand public, comme dans les plans canadiens. Ce fonctionnement ‘au détail’ pourrait avoir d’importantes conséquences pour le système monétaire actuel.

‘Que ce soit en gros ou au détail, l’objectif est de créer des outils de règlement sûrs et fiables pour les transactions au sein de l’économie digitale’, a déclaré Benoît Coeuré, directeur de l’innovation chez BRI et ex-directeur de la BCE.

Encore beaucoup de questions

Le déploiement à grande échelle au sein de la zone euro n’est pas pour demain. Selon la BCE, cela ne fait pas partie des projets immédiats, mais la banque centrale doit s’y préparer. Fin 2019, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a créé un groupe de travail pour identifier les avantages, mais aussi les inconvénients d’une CBDC. En outre, proposer un compte bancaire directement auprès de la banque centrale poserait énormément de questions juridiques, technologiques et financières:

  • Un compte courant auprès d’une banque commerciale devient-il alors inutile ?
  • La banque centrale offrira-t-elle des intérêts sur l’épargne ?
  • La BCE pourra-t-elle suivre toutes les transactions ?
  • Que faire en cas de panne d’électricité ou de réseau mobile ?

Selon la BCE, outre un système de compte courant, un autre système est possible : des jetons numériques qui circulent de manière décentralisée et qui garantissent l’anonymat auprès de la banque.

‘Une monnaie numérique donne au grand public un accès direct aux réserves de la banque centrale, en offrant potentiellement un outil de paiement sécurisé, fiable et universellement accessible, tout comme l’est aujourd’hui l’argent liquide. Mais les bénéfices doivent être soigneusement pesés par rapport aux conséquences sur le système financier’, conclut la BRI.

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