Web Analytics

L’encombrant Gerhard Schröder, porte-parole de Moscou

L’encombrant Gerhard Schröder, porte-parole de Moscou
Vladimir Poetin en Gerhard Schröder. (Foto: Sean Gallup/Getty Images)

L’ancien chancelier allemand, et « ami personnel » de Vladimir Poutine, se fait le porte-parole de Moscou ces derniers jours. Il est très loin, le temps où ses réformes en Allemagne étaient louées dans toute l’Europe.

Gerhard Schröder a tenu la plus haute marche de l’exécutif, de 1998 à 2005, juste avant l’ère Merkel. En 2003, il lançait des réformes radicales, sous le nom « d’Agenda 2010 ». Le projet, ambitieux et douloureux, a coûté sa réélection au chancelier Schröder. Mais le pays a mieux résisté à la crise financière de 2008-2009 par rapport à ses voisins européens, si bien que ses réformes ont été applaudies dans toute l’Europe.

Les réformes de Schröder

Pourtant, le social-démocrate a joué les Margaret Thatcher: concernant le marché du travail, il a mis en place une réduction de la durée des indemnités du chômage, et une obligation d’accepter un travail proposé par l’Agence allemande pour l’emploi, dont certains postes étaient rémunérés 1 euro de l’heure. C’est aussi l’heure des mini-jobs exemptés d’impôts, et complété d’une aide sociale minime. Le résultat en termes de chiffres a été probant : entre 2003 et 2013, l’Allemagne comptait deux fois moins de chômeurs.

La politique énergétique, on le sait maintenant, ne rencontrera pas les mêmes louanges. Le plan Energiewende, initié par Gerhard Schröder, posait les jalons d’une sortie du nucléaire (définitivement actée en 2011, suite à Fukushima), un cadre pour l’exploitation à grande échelle du renouvelable, et la priorité au gaz russe via Nord Stream 1, dans un premier temps. Le tout pour se passer petit à petit du charbon. Gerhard Schröder a joué un rôle prépondérant dans le gazoduc, en portant son gouvernement garant d’un crédit d’un milliard d’euros à Gazprom pour sa construction en mer Baltique. Il en a été remercié : peu après avoir cédé le pouvoir à Angela Merkel, le social-démocrate est engagé par Gazprom pour présider le Conseil de surveillance du consortium germano-russe chargé de construire le gazoduc, dont Gazprom détient 51 % des parts. Finalement, après la mise en route des travaux en 2005, Nord Stream 1 sera en ordre de fonctionner en 2012. Aujourd’hui encore, Schröder est le président du comité des actionnaires de Nord Stream AG.

Le résultat de cette politique est aujourd’hui désastreux : Nord Stream 1 fonctionne à 20% de ses capacités, Nord Stream 2 est enterré, Olaf Scholz se prépare à faire marche arrière sur la sortie du nucléaire, et l’énergie renouvelable n’est pas au niveau attendu, le chancelier l’a reconnu hier. En outre, les centrales à charbon repartent pour un tour.

L’autre tournant nucléaire

Petit à petit, l’Allemagne opère son tournant sur le nucléaire. En marge d’une visite sur le site de l’industriel Siemens Energy, où une turbine, réparée au Canada, est bloquée dans son chemin vers la Russie, Olaf Scholz a ouvert la voie à la prolongation des trois réacteurs nucléaires encore en activité.  « Cela peut finalement avoir du sens », a-t-il fait savoir, pour la production d’électricité. Les trois réacteurs ne répondent qu’à 6% des besoins en électricité du pays. Mais c’est exactement ce que représente la part d’électricité dans la consommation de gaz, qui est largement destiné à des usages thermiques.

Olaf Scholz se permet même de justifier le tournant nucléaire par une forme de solidarité envers les pays dont les centrales sont à l’arrêt, en visant, sans la citer, la France. Dans les sphères politiques, c’est pourtant tout l’inverse qui se produit, le plan européen de réduction de 15% de la consommation de gaz étant essentiellement une demande des Allemands pour protéger leur industrie cet hiver.

Une histoire de turbine

Bref, revenons à cette histoire de turbine qui ne permet à Nord Stream 1 que de tourner à 20% de sa capacité. Berlin accuse Moscou d’être responsable du blocage de la livraison. Moscou doit juste « fournir les informations douanières nécessaires pour son transport vers la Russie », a expliqué hier le chancelier allemand.

L’opérateur Gazprom accuse lui Siemens Energy de ne pas avoir envoyé les documents nécessaires pour remettre en marche la turbine. Et qui vient porter du crédit à cette justification ? Gerhard Schröder, qui estime que tout est prêt en Russie pour accueillir la fameuse turbine. Siemens et Gazprom sont toujours pourparlers, mais sans résultat à ce jour.

Schröder voit venir un accord entre la Russie et l’Ukraine

Un peu plus tôt cette semaine, Gerhard Schroeder, qui s’est lié d’amitié avec Poutine, estimait que la Russie voulait « une solution négociée avec l’Ukraine », ajoutant qu’il avait rencontré le président russe, la semaine dernière. « Un premier succès est l’accord sur les céréales, peut-être que cela peut être étendu à un cessez-le-feu », a-t-il déclaré à l’hebdomadaire Stern et aux radiodiffuseurs RTL/ntv. Sur le terrain, on assiste pourtant à tout sauf à un cessez-le-feu. Le chancelier allemand imagine aussi une solution à plus long terme pour la Crimée, « qui ne durera pas 99 ans, comme à Hong Kong, mais au cours de la prochaine génération ».

Pour le Donbass, il faudra être encore plus imaginatif. « Il faudra trouver une solution basée sur le modèle des cantons suisses », a-t-il avancé, ajoutant qu’il faudrait voir si Poutine est prêt à revenir à une « ligne de contact » d’avant-guerre dans le cadre d’un cessez-le-feu.

L’ancien chancelier est désormais la risée de toute l’Allemagne, qui l’a récemment déchu de son droit à un poste financé par des fonds publics. Après d’intenses critiques, Schröder s’est retiré en mai du conseil d’administration de la compagnie pétrolière publique russe Rosneft et il a refusé une nomination à un poste au conseil d’administration de Gazprom.

Plus d'articles Premium
Plus