Début mars, Shell a annoncé son intention d’arrêter ses achats de pétrole brut russe sur le marché au comptant. Un mois plus tard, il apparaît que ses barils en contiennent toujours. Et pourtant, techniquement, le géant pétrolier ne ment pas. Sa façon de faire est aussi parfaitement légale. Explications.
Le 8 mars dernier, soit moins de deux semaines après le début de la guerre en Ukraine, Shell a annoncé qu’il arrêtait tous les achats au comptant sur le marché du pétrole brut russe. Le groupe s’est même excusé pour en avoir acheté une cargaison à un prix réduit les jours qui ont suivi le début du conflit.
49,99% de pétrole russe, ce n’est pas du russe !
Pourtant, quand on y regarde de plus près, les barils que commercialise actuellement le géant britannique contiennent toujours une bonne quantité d’or noir issu de Russie. 49,99%, très exactement. Tandis que 50,01% du contenu des barils provient d’ailleurs. Une proportion qui permet de ne pas les estampiller « d’origine russe ».
Si certains trouveront ça malhonnête, la démarche est clairement assumée dans les nouvelles conditions générales des contrats de Shell. « Les marchandises sont considérées comme étant d’origine russe si elles sont produites dans la Fédération de Russie ou si 50 % ou plus de leur contenu (en volume) est constitué de matériaux produits dans la Fédération de Russie », écrit le groupe.
Bloomberg explique que le pétrole commercialisé par Shell est appelé « mélange letton ». Le pétrole russe provient de Primosrk (près de Saint-Pétersbourg) et est envoyé à Ventspils, un port de Lettonie qui possède un grand terminal pétrolier et une grande capacité de stockage. C’est là que s’effectue le mélange.
Il existe de nombreux autres endroits où le mélange peut être effectué, notamment aux Pays-Bas et en haute mer, dans le cadre de ce que les négociants appellent des transferts de navire à navire, précise le média américain.
Tout à fait légal
La manœuvre de Shell est également parfaitement légale. Puisque, rappelons-le, l’UE n’a pas (encore ?) prononcé d’embargo sur le pétrole russe, ni sur son gaz. S’il le voulait, le groupe pourrait même continuer de commercialiser du 100% russe.
La pratique ne semble toutefois pas être adoptée par tous les géants du secteur. TotalEnergies, par exemple, assure qu’aucune cargaison « en tout ou en partie » ne doit provenir de Russie. Même chose pour Repsol.
Cette affaire démontre toutefois deux choses: les « auto-sanctions » sont à prendre avec beaucoup de pincettes et, si réel embargo politique il devait y avoir, nombre de portes dérobées existent déjà pour y échapper. Pendant ce temps, c’est la Russie qui continue à remplir ses caisses.