Le Royaume-Uni dévoile son plan pour booster l’hydrogène: pourquoi il ne rassure pas du tout les défenseurs de l’environnement

Ce mardi, le Royaume-Uni a livré de nombreuses indications quant à sa stratégie future autour de l’hydrogène, élément clé pour tendre vers une nette réduction de ses émissions de CO2. Au menu: hydrogène vert et hydrogène bleu. Pas de quoi rassurer les plus fervents défenseurs de l’environnement.

Le gouvernement britannique vient de publier un document de 120 pages dictant les principes qui guideront sa politique en matière d’hydrogène lors des prochaines décennies. D’ici 2030, il compte y investir 4 milliards de livres (4,7 milliards d’euros).

Les décideurs britanniques estiment que la production d’hydrogène débouchera sur la création de 9.000 emplois d’ici la fin de la décennie. Et sur 100.000 postes supplémentaires d’ici à 2050.

L’objectif est d’atteindre une production de 5 gigawatts d’hydrogène d’ici 2030. D’après le plan, l’hydrogène pourrait couvrir 20 à 35% de la consommation énergétique du Royaume-Uni d’ici 2050, en offrant une alternative propre au pétrole et au gaz dans les industries à forte intensité énergétique, l’électricité et les transports. En outre, le gouvernement pense qu’environ 3 millions de ménages pourraient commencer à utiliser de l’hydrogène pour chauffer leur maison et cuisiner.

« Ce jour marque le début de la révolution de l’hydrogène au Royaume-Uni », s’est réjoui le secrétaire à l’énergie, Kwasi Kwarteng (photo), dans un communiqué.

Une étude qui tombe mal

La stratégie dévoilée par les autorités britanniques consiste à soutenir, via des subventions, tant l’hydrogène vert que l’hydrogène bleu. Le premier repose sur les énergies renouvelables, avec des électrolyseurs qui produisent de l’hydrogène à partir de l’eau. Le second fonctionne tout à fait différemment: il est fabriqué à partir de gaz naturel et les émissions qu’il provoque son captées et stockées, en majeure partie.

La semaine dernière, une étude américaine a tiré la sonnette d’alarme au sujet de cet hydrogène bleu. D’après ses auteurs, sa production crée 20% de gaz à effet de serre de plus que la combustion du gaz naturel ou du charbon pour le chauffage. Cela s’expliquerait par le fait que le CO2 rejeté n’est jamais entièrement capté, et que le processus provoque également des fuites de méthane. Sans oublier la plus grosse quantité de gaz nécessaire pour produire une quantité équivalente d’énergie à partir d’hydrogène.

Conscients de ce danger, les décideurs britanniques ont annoncé qu’ils établiront des normes d’émissions pour les projets d’hydrogène bleu en vue de garantir que ceux-ci captent suffisamment d’émissions de gaz à effet de serre pour être considérés comme « à faible teneur en carbone ».

En revanche, dans son document, le gouvernement britannique n’indique pas les proportions dans lesquelles il soutiendra l’hydrogène vert et l’hydrogène bleu. Et il ne fixe pas non plus de date à partir de laquelle le vert devra prendre le dessus. Ce qui est contraire aux recommandations de ses conseillers officiels en matière de climat au sein du Comité sur le changement climatique (CCC), qui avaient demandé de privilégier l’hydrogène bleu seulement sur le court terme, dans la mesure où il resterait moins cher à produire pendant un certain laps de temps.

« Méfiez-vous de la pression de l’industrie du gaz »

Plusieurs détracteurs de l’hydrogène bleu n’ont pas hésité à réagir à la publication du plan britannique. Ils auraient souhaité plus de clarté sur le sujet, voire un renoncement complet à cet hydrogène produit à partir d’un combustible fossile.

Doug Parr, le scientifique en chef de Greenpeace UK, a prévenu que la production de grandes quantités d’hydrogène bleu enfermerait le Royaume-Uni « dans une infrastructure coûteuse qui est chère et … peut être plus carbonée que la simple combustion du gaz ».

Dan McGrail, directeur général de Renewable UK, a lui aussi plaidé pour que le Royaume-Uni mise davantage sur l’hydrogène vert. « Nous demandons instamment au gouvernement de fixer un objectif de 5 GW de capacité d’électrolyse d’hydrogène renouvelable d’ici 2030 et d’établir une feuille de route pour y parvenir, afin de faire preuve d’un plus grand leadership dans la lutte contre le changement climatique », a-t-il déclaré, dans des propos rapportés par le Guardian.

Même son de cloche du côté de Jess Ralston, de l’Energy and Climate Intelligence Unit britannique. « Le gouvernement devrait se méfier des pressions exercées par l’industrie du gaz et d’un engagement trop fort en faveur de l’hydrogène bleu, qui utilise encore des combustibles fossiles dans sa production et qui s’appuie sur une technologie qui n’est pas encore prête, celle de la capture et du stockage du carbone, pour réduire ses émissions », a-t-elle prévenu, citée par New Scientist.

Mme Ralston s’inquiète aussi de l’utilisation qui sera faite de cet hydrogène. Elle estime qu’il pourrait être vital pour décarboner l’industrie lourde, en particulier la production d’acier. Mais elle craint que son utilisation pour le chauffage domestique en parallèle au gaz naturel – ce qui est prévu par le gouvernement – ne retarde l’adoption de solutions alternatives, telles que l’électrification par pompes à chaleur. « En fin de compte, toute proportion de mélange d’hydrogène avec du gaz fossile dans le réseau n’est tout simplement pas compatible avec le zéro net et on ne sait pas encore clairement quelle sera l’efficacité de l’hydrogène, ni combien il coûtera », a-t-elle signalé.

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