Le prochain match politique de la Vivaldi est déjà lancé : combien de réacteurs devront être prolongés ?

Avec le changement de position d’Ecolo qui met désormais sur un pied d’égalité la sortie ou la prolongation du nucléaire, l’accord du 18 mars est très attendu, même si rien ne sera évident. Comme pour le soutien aux factures énergétiques, chaque parti de la Vivaldi se positionne. Du côté du Premier ministre, on temporise: il faut attendre la discussion européenne à Versailles ce 10 et 11 mars. Au bout du compte, la Vivaldi peut sortir de la crise par le haut, si chacun n’essaye pas de tirer la couverture vers lui.

Dans l’actu: la Vivaldi travaille sur un grand accord pour le 18 mars.

Le détail: chacun y va de sa proposition et fixe ses conditions.

  • Après l’aide fédérale sur l’électricité, le gouvernement cherche à agir sur le gaz et les carburants. Jouer sur la TVA comporte des contraintes techniques et/ou budgétaires, on privilégie d’agir sur les accises dans le cas du carburant.
  • Désormais, tout le monde semble d’accord pour mettre en place le cliquet inversé. Une proposition qui avait déjà été soumise par le ministre des Finances en novembre dernier, mais qu’aucun parti n’avait validée, selon le CD&V.
  • Aujourd’hui, chacun reprend pour lui ce mécanisme qui vise à faire baisser les accises quand les prix grimpent. Même si le manque à gagner pour les caisses de l’État se chiffrerait en milliards d’euros.
  • Les lignes bougent. Paul Magnette (PS) insiste lui sur la baisse de la TVA sur le gaz et l’électricité de manière permanente à 6%, « dès maintenant ». Tout comme les Verts qui semblent là aussi changer leur fusil d’épaule: « encourager » la consommation d’énergie fossile n’a jamais été dans l’ADN des Verts. Mais la réalité économique des citoyens semble maintenant rattraper la volonté idéologique.
  • On temporise toutefois au 16 rue de la Loi. La Belgique veut accorder ses violons avec une stratégie européenne plus globale. Un sommet à Versailles à l’invitation d’Emmanuel Macron est très attendu.
  • Il n’est pas exclu que la Belgique mette en place ses propres aides pour soulager les factures des ménages. Mais de l’argent pourrait éventuellement être libéré au niveau européen. Conséquence: il n’y aura pas de décision avant le 18 mars. En attendant, les Belges devront mordre sur leur chique et « consommer moins ».
  • Au niveau régional, les nouvelles ne sont guère meilleures. En Wallonie, il n’y aura finalement pas d’aide directe qui aurait pu accompagner l’aide fédérale. Le ministre de l’Énergie Philippe Henry (Ecolo) n’est pas parvenu à convaincre le PS et le MR. Pour des raisons budgétaires avant tout, la guerre entre l’Ukraine et la Russie ayant empiré la situation. Mais aussi parce que pas assez ciblée: l’aide financière directe aurait touché chaque wallon de la même manière.
  • Le coup de pouce se limitera à suspendre les éventuelles coupures et à étendre le statut de client protégé, à l’instar de ce qui va se passer aussi au niveau bruxellois, avec une fourniture garantie et une extension du tarif social.
  • Plus que jamais, les exécutifs régionaux veulent agir structurellement: aides à l’isolation, aides aux panneaux solaires et aux pompes à chaleur.

L’essentiel: la bataille pour la prolongation du nucléaire est loin d’être finie.

  • Ecolo a opéré un tournant sur l’énergie nucléaire. Très bien. Mais on comprend au travers des explications de Jean-Marc Nollet (Ecolo), y compris dans l’émission Déclic de lundi soir sur la RTBF, que la prolongation du nucléaire n’est pas gagnée d’avance.
  • Le coprésident d’Ecolo fixe en tout cas déjà ses limites: une éventuelle prolongation n’ira pas au-delà de Doel 4 et Tihange 3: « Nous ne prolongerons pas des centrales avec des fissures », a martelé l’écologiste en faisant référence aux plus anciens réacteurs nucléaires. Même son de cloche du côté de la ministre de l’énergie Tinne Van Der Straeten (Groen), à Terzake : « Il n’est pas question question de se pencher sur d’autres réacteurs que nous ne pouvons pas faire fonctionner correctement en termes de normes de sécurité au niveau international. »
  • La ministre a en outre toujours défendu que même en cas de prolongation des deux réacteurs nucléaires les plus récents, la construction de deux centrales au gaz resterait nécessaire.
  • Mais ce mardi, dans Le Soir, le président du MR arrive avec une nouvelle offensive: Georges-Louis Bouchez veut une loi sur la sortie… du gaz : « Au lieu d’une loi de sortie du nucléaire, je souhaite que 2022 soit l’année où nous adopterons une loi de sortie du gaz. Vu, notamment, le contexte géopolitique, nous devons pouvoir maîtriser à l’avenir notre approvisionnement énergétique. »
  • Politiquement, c’est un nouveau coup porté aux écologistes, pour qui faire évoluer la loi de 2003 sur la sortie du nucléaire est déjà un crève-cœur. Il s’agit ni plus ni moins de l’abandon (même temporaire) d’un combat de plus de 20 ans
  • « Il faut entre 70 % et 80 % de nucléaire et plus ou moins 20 % de renouvelable », renchérit le libéral. Il sous-entend donc qu’il faudra prolonger plus que deux réacteurs nucléaires pour se passer du gaz. « Oui, nous devons sortir du gaz, à tout le moins pour ce qui concerne la production électrique (…) il faut y travailler dès à présent, rédiger les textes de loi, s’entendre sur les paramètres techniques, juridiques, négocier tout cela sans attendre. »
  • La tension politique reste intense au sein de la Vivaldi. Sur les réseaux sociaux, après un silence de quelques heures sans fanfaronnades, le président libéral n’a pu s’empêcher de réagir aux explications de la ministre de l’Énergie qui « n’a pas rejoint ce gouvernement avec l’objectif ultime de fermer les centrales nucléaires. L’énergie nucléaire n’est pas une source que nous pouvons soutenir. Mais la sortie du nucléaire est un moyen vers plus d’énergie renouvelable, pas une fin en soi. »
  • « Dans quelques jours, Ecolo et groen vont vous expliquer que c’est grâce à eux si on prolonge le nucléaire. Dommage que l’on ne produise pas d’électricité avec le culot et les contre-vérités, car dans ce cas, nous serions totalement autonomes depuis longtemps », a tweeté le président libéral.
  • L’occasion pour le secrétaire d’État à la Relance Thomas Dermine (PS) de réitérer sa critique à l’encontre de la manière de communiquer de Bouchez: « Sous vos yeux ébahis, image rare d’un président de parti du gouvernement saluant l’ouverture d’une ministre sur un dossier aussi important. Quand je parlais d’obstacle au débat apaisé sur la prolongation du nucléaire… »
  • Les deux stars montantes de la politique belge, nées la même année, commencent à se chercher de plus en plus dans l’arène. Ce qui promet déjà un beau combat à l’avenir. Mais dès à présent, le nouveau match politique est déjà écrit si le nucléaire devait éventuellement être prolongé.
  • Il reste toutefois plusieurs obstacles qui se dressent vers cette direction: l’accord d’Engie, un nouveau cadre légal et sans doute la validation par l’Europe de nouvelles enchères et l’annulation des précédentes.

A noter: la CREG ne veut pas de nouvelles centrales au gaz.

  • En attendant, une task force a été lancée. Le gestionnaire du réseau de gaz Fluxys doit étudier la sécurité d’approvisionnement à l’aune du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Synatom doit faire de même pour l’uranium et Apetra pour le pétrole. De son côté, la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG) doit à nouveau évaluer l’impact sur les prix d’une prolongation du nucléaire.
  • La CREG a d’ailleurs définitivement pris position contre la sortie du nucléaire dans un rapport adressé à la ministre le 28 février, qu’a pu consulter De Morgen. Le régulateur se dresse contre la construction de nouvelles centrales au gaz.
  • La donne change avec un prix du gaz qui a été multiplié par 20 par rapport à l’accord de gouvernement de 2020. Même s’il était déjà clair avant le conflit en Ukraine que notre dépendance au gaz russe était trop importante, à l’échelon européen.
  • La CREG remet d’ailleurs en cause le niveau de notre dépendance au gaz russe souvent situé autour des 6%, en ce qui concerne la Belgique uniquement. En réalité, avec l’organisation du marché de gros, notre dépendance est plutôt de 40% comme ailleurs en Europe, estime le régulateur, qui plaide pour « des stratégies qui évitent tant que possible la demande en gaz naturel et garantissent l’approvisionnement ». Bref, la CREG est plutôt du côté des libéraux et de la prolongation de plusieurs réacteurs que de la construction de nouvelles centrales au gaz.
  • Au vu des divergences politiques encore apparentes et des obstacles légaux et techniques, la date du 18 mars semble déjà compliquée à tenir. Mais l’aide aux factures énergétiques ne peut, elle, pas attendre. Le temps presse.
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