Le Premier ministre De Croo sous pression après la fuite de WhatsApp entre le Seize et De Bleeker : « Peut-il encore rester en poste ? », entend-on au sein de la majorité

« L’un des moments les plus difficiles de ma vie », déclarait le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) avec le sens du drame requis, dimanche dernier lors du Zevende Dag (VRT), à propos du départ d’Eva De Bleeker (Open Vld), l’ancienne secrétaire d’État au Budget. Mais la souffrance entourant cette sortie est loin d’être terminée, pour le Premier ministre, semble-t-il. Parce que les anciens associés de De Bleeker ripostent : Knack a divulgué les échanges WhatsApp entre la responsable du budget, au cabinet de De Bleeker, Kris Van Cauter, et son contact au Seize. Et à partir de là, il ressort texto qu’un « alors, c’est ok pour nous » et un « merci pour les ajustements », ont émané du Seize. Il s’agit d’une nouvelle désagréable pour De Croo qui, jusqu’à présent, a maintenu avec véhémence sa position selon laquelle il s’agissait d’une « erreur matérielle » de De Bleeker, lorsque le budget a soudainement été présenté avec un déficit de 6,1 % du PIB, au lieu des 5,9 % qu’il souhaitait. Ainsi, l’affaire continue de s’envenimer, et il est plus que probable que la Chambre des représentants exigera bientôt des explications supplémentaires. Des nuages sombres planent au-dessus du Seize. Des commentaires sarcastiques sur l’ensemble de l’épisode proviennent également de l’intérieur même du gouvernement : « Le Premier ministre peut-il rester en place ? », suggère-t-on.

Dans l’actualité : « Les fuites de messages WhatsApp le prouvent : le Premier ministre n’a pas dit la vérité au Parlement », attaque Knack.

Les détails : l’ancien personnel de De Bleeker était particulièrement mécontent lorsque leur secrétaire d’État a dû plier bagage. Le fait que les communications internes fassent l’objet de fuites n’est donc pas vraiment une surprise.

  • « La mauvaise personne a dû partir » : c’est tout simplement la conclusion à laquelle sont parvenus quatre hauts fonctionnaires de De Bleeker, lorsque leur secrétaire d’État a été remerciée par le Premier ministre. La cheffe de cabinet Lieve Schuermans et les experts Tom Blockmans, Kris Van Cauter et Stephan Deprez, qui jouissaient d’une réputation irréprochable, ont démissionné il y a plusieurs semaines.
  • Van Cauter avait ouvertement déclaré sur LinkedIn à l’époque qu’il avait « explicitement obtenu un accord du cabinet du Premier ministre » pour augmenter le déficit de 1,3 milliard d’euros dans les tableaux budgétaires qu’ils ont soumis à la Chambre.
  • Tout tourne autour du coût de la réduction de la TVA sur l’énergie, qui devait ou non être inclus dans le budget 2023. Au départ, la Vivaldi ne voulait pas l’inclure, mais De Bleeker, qui préférait jouer plus prudemment, a finalement inclus ce coût. Le budget donc été estimé de manière pessimiste. Soudainement, le déficit passait de 5,9 à 6,1 % du PIB, détruisant le narratif du Premier ministre qui estimait qu’un effort substantiel avait été apporté, lors de la présentation du Budget,
  • Entre-temps, Knack a pu mettre la main sur les fameux messages WhatsApp auxquels Van Cauter faisait référence. Ceux-ci font suite aux textes et tableaux que le cabinet De Bleeker a envoyés au Premier ministre et aux vice-premiers ministres le 8 novembre. Donc, dans ces textes, le déficit augmentait. Seuls les vice-premiers ministres Frank Vandenbroucke (Vooruit) et Vincent Van Peteghem (CD&V) ont été interrogés à ce sujet, mais pas Vincent Van Quickenborne (Open Vld), qui siège pourtant au kern, au nom des libéraux flamands.
  • Le lendemain, des échanges ont bien suivi de la part du Premier ministre vers le cabinet De Bleeker. Le Seize fait des commentaires à 13:28 précise. Ce faisant, ils demandent que les textes soient un peu ajustés, sur la réduction de la TVA, mais pas sur les tableaux budgétaires. Ces ajustements au texte ont lieu.
  • Le reste de la discussion se fait via WhatsApp, selon Knack. Toute une conversation s’ensuit, sur quelques détails plus techniques, avant que le texte et les tableaux ne partent chez l’imprimeur, pour être publiés au Moniteur belge. Finalement, cette conversation se termine par « alors, c’est ok pour nous » et aussi « merci pour les ajustements », écrit le Seize.
  • Ce n’est que lorsque les textes et les tableaux paraissent au Moniteur, et que le député de l’opposition Sander Loones (N-VA) se mêle à l’affaire, que l’agitation commence à gagner les cabinets. Le Premier ministre se déplace finalement à la Chambre, avec une Eva De Bleeker qui doit rester silencieuse sur les bancs du gouvernement. Alexander De Croo déclare que sa secrétaire d’État a commis « une erreur matérielle ». 24 heures plus tard, elle devait plier bagage, Loones épinglant de nouvelles erreurs arithmétiques dans les tableaux budgétaires qui avaient pourtant été recorrigés.

Pourquoi c’est important : Le Premier ministre a été très catégorique à la Chambre sur la question de savoir qui avait commis l’erreur.

  • « Monsieur Loones, en discutant des autres formes de communication, vous me demandez la preuve de quelque chose qui n’a pas eu lieu. Ce n’est pas évident ». Ce sont les mots du Premier ministre, la semaine dernière, alors qu’il répondait à la demande du député de l’opposition de fournir les échanges en question.
  • Sander Loones était revenu à la charge sur les messages WhatsApp en demandant des « clarifications », « car le Premier ministre a déjà répondu dans les médias qu’il n’y avait pas de tels messages », mais « c’est manifestement contredit par Van Cauter », sur son LinkedIn.
  • Ce matin même, le député de la N-VA a justement reçu une réponse à sa demande formelle au Seize pour mettre à jour le trafic WhatsApp. Dans une lettre du bureau du Premier ministre, il est précisé que le fait de demander à voir ce trafic « n’est pas couvert par la loi sur la transparence gouvernementale ». Il reste à voir si cette affirmation peut être maintenue, maintenant qu’il a été prouvé noir sur blanc que les messages existent, et qu’ils ont été envoyés par le Seize.
  • Cela place le Premier ministre dans une situation particulièrement délicate aujourd’hui. Parce que son approche, qui consiste à faire porter la responsabilité de toute la débâcle de manière assez agressive sur De Bleeker, a déjà suscité de nombreuses critiques. En interne, certains membres de l’Open Vld ont été troublés par la façon dont De Bleeker a dû soudainement se retirer, pour une « erreur » que beaucoup ne considéraient pas comme la sienne.
  • De plus, le fait qu’une partition était prête à être jouée pour faire entrer immédiatement une nouvelle venue, dans un scénario loin d’être évident, avec le transfuge d’Alexia Bertrand du MR, a créé encore davantage de frictions en interne.
  • Pour le monde extérieur, la séquence renvoie aussi l’image d’un Premier ministre qui ne prend pas ses responsabilités et laisse porter le chapeau aux autres, même à ses collègues de parti. Cette image lui explose aujourd’hui à la figure. Dans tous les cas, l’opposition exigera une explication.
  • Le Premier ministre maintient lui sa version, rapporte Belga : De Croo a annoncé que les chiffres concernant la TVA et les droits d’accise étaient incorrects via le “canal de communication standard”, et que les commentaires Whatsapp faisaient référence à des passages sur le volet de la sécurité sociale.
  • Egbert Lachaert, président de l’Open vld, a lui réagi sur les réseaux sociaux : « Un budget réajusté sur WhatsApp ? Soyons sérieux. On ne travaille pas comme ça. »
  • Quoi qu’il en soit, la pression s’accentue sur le Premier ministre. Car même au sein de la majorité Vivaldi, la question s’est posée au plus haut niveau cet après-midi : « Est-ce qu’il peut tenir en place ? ». Cette remarque était accompagnée du commentaire suivant : « Mentir sur WhatsApp est une chose, mais le faire sur le budget, LE document par excellence du gouvernement, il s’agit certainement d’une autre question ». C’est le genre de préoccupations critiques qui pourraient frapper particulièrement fort dans les prochains jours, pour un Premier ministre dont le gouvernement trébuche déjà plus qu’il ne court.
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