Les experts de l’ONU, Agnès Callamard et David Kaye, ont demandé aux Etats-Unis d’ouvrir une enquête sur le lien entre l’Arabie Saoudite et le piratage du téléphone de Jeff Bezos. La Maison Blanche reste silencieuse.
Nous vous rapportions ce mercredi une histoire aussi incroyable qu’insensée. En mai 2018, le téléphone du patron d’Amazon, Jeff Bezos, aurait fait l’objet d’un piratage par l’Arabie saoudite. Un logiciel malveillant lui aurait été envoyé via une vidéo sur Whatsapp par le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane himself. Résultat: la fuite d’une quantité importante de données pendant des mois. Pour l’heure, l’Arabie saoudite dément toute implication.
Ici, il n’est pas simplement question d’une affaire de piratage. Pour les experts de l’ONU, la surveillance de Jeff Bezos avait pour but de ‘réduire au silence le Washington Post’. Le journal, qui appartient au milliardaire américain, avait tendance à s’opposer au régime saoudien.
Réouverture de l’enquête
Selon Agnès Callamard, rapporteuse pour l’ONU, le piratage pourrait aussi avoir un lien avec le meurtre de Jamal Khashoggi. Ce journaliste saoudien travaillait pour le Washington Post. Il n’hésitait pas à critiquer ouvertement les dérives du régime en place. Son décès a eu lieu seulement 5 mois après l’intrusion dans le téléphone de Bezos. Pour Callamard, déjà en charge de cette affaire à l’époque, cela ne peut pas être une coïncidence. Elle demande donc que le dossier soit réouvert et exhorte les Etats-Unis de faire leur propre enquête.
Le procès pour le meurtre de Khashoggi s’est terminé en décembre dernier en Arabie saoudite. 5 personnes ont été condamnées à mort. Mais les possibles liens avec le prince héritier Mohammed Ben Salmane n’ont pas été retenus.
Pour l’instant, la Maison Blanche n’a pas souhaité commenter l’affaire. Ce silence pose question sur les liens entre Riyad et Washington. L’Arabie saoudite est l’allié le plus important de Donald Trump dans la région. Ce dernier semble ne pas vouloir s’embrouiller avec ce pays, grand exportateur de pétrole, surtout maintenant qu’il est en conflit avec l’Iran.
La surveillance électronique est trop sous-estimée
Toujours est-il que cette affaire démontre bien qu’il n’est pas difficile de pirater le téléphone d’un grand chef d’entreprise. WhatsApp est d’ailleurs en procès contre l’entreprise NSO Group, qui aurait permis, via son logiciel Pegasus, d’infecter les téléphones d’une centaine de militants des droits de l’homme et de journalistes. C’est ce même logiciel qui, selon le rapport de l’ONU, aurait permis d’espionner Jeff Bezos. Il aurait d’ailleurs été acheté par la garde royale saoudienne.
Pour Agnès Callamard, les dirigeants du monde entier doivent être plus attentifs aux dangers de la surveillance électronique. ‘Ils sont tous vulnérables’, précise-t-elle dans un communiqué.