Alors que les lignes semblent enfin commencer à bouger au niveau européen, le patron de Shell a douché les espoirs de ceux (aussi rares soient-ils) qui pensaient pouvoir résoudre la crise énergétique rapidement.
Interrogé lors d’une conférence de presse en Norvège à l’occasion d’un sommet sur l’énergie, en compagnie du Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) et d’Elon Musk, Ben Van Beurden, le patron de Shell, a tenu des propos loin d’être rassurants pour le futur énergétique de l’Europe. Pour lui, cette crise est partie pour durer.
« Je ne pense pas que cette crise va se limiter à un seul hiver », a déclaré le directeur général de Shell. « Il se pourrait bien que nous ayons un certain nombre d’hivers où nous devrons trouver des solutions via des économies d’efficacité, des rationnements et la mise en place très, très rapide d’alternatives. » En ce sens, il rejoint notre Premier ministre, qui parlait il y a quelques jours de « 5 à 10 hivers » difficiles à passer, un propos qualifié d’anxiogène qui a été très critiqué.
Mais d’après Ben Van Beurden, l’idée que l’on pourrait trouver une solution qui permettrait de résoudre facilement et rapidement cette crise « est un fantasme qu’il faut mettre de côté ». « Nous devons affronter la réalité », a-t-il ajouté.
La Commission prépare une « intervention d’urgence »
Pendant ce temps, la Commission européenne a annoncé qu’elle allait se pencher sur le problème des prix. Depuis des mois, une série de pays plaident pour une intervention au niveau européen, mais c’est la volte-face récente de plusieurs autres puissances traditionnellement libérales – l’Allemagne en tête – qui l’a poussée à sortir de sa torpeur.
L’Union européenne prévoit ainsi une « intervention d’urgence » sur le marché de l’énergie, a fait savoir en ce début de semaine Ursula von der Leyen. « La montée en flèche des prix de l’électricité met désormais en évidence les limites de notre conception actuelle du marché. Il a été développé pour des circonstances différentes », a-t-elle reconnu, annonçant également une « réforme structurelle du marché de l’électricité ».
Comme nous vous l’expliquons ici, plusieurs pistes sont à l’étude. On évoque notamment un plafonnement des prix et une révision du mécanisme qui lie le prix de l’électricité à l’unité de production au coût marginal le plus cher.
Encore moins de gaz russe
Depuis la fin du mois de juillet, la Russie n’utilise plus que 20% des capacités de livraison du gazoduc Nord Stream 1 pour envoyer son gaz sur le Vieux Continent. Ce mercredi, en raison de travaux de maintenance, les livraisons sont même totalement à l’arrêt. Cela doit durer jusqu’à vendredi.
Ce mardi, le géant gazier russe a aussi indiqué qu’il allait entièrement interrompre ses livraisons à Engie à partir de jeudi, invoquant un désaccord sur leurs contrats. Ce n’est pas une nouvelle dramatique pour la France, ses stocks étant déjà remplis à 91% et le gaz russe ne représentant plus que 4% des approvisionnements d’Engie. Mais cela n’arrange évidemment rien à la crise, toutes ces diminutions poussant les prix vers le haut.
En outre, un mécanisme de solidarité européen doit être activé en cas de pénurie ailleurs que dans l’Hexagone. « En cas d’arrêt total des livraisons de gaz russe, 20 milliards de mètres cubes de gaz pourraient manquer en Europe cet hiver. C’est l’équivalent de la moitié de la consommation de l’Europe entière au cours du mois de mars par exemple », a rappelé Thierry Bros, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste des questions énergétiques, cité par Les Echos.