“Le monde est à 1 mois, voire 2, d’une panique économique globale”

« J’ai beaucoup voyagé au cours des derniers mois et je suis convaincu que le monde se trouve à un, ou tout au plus à deux trimestres d’une panique économique globale ».

C’est ce qu’écrit Steen Jakobsen, économiste en chef et directeur des investissements de la banque danoise Saxo, dans un email adressé à notre rédaction. 

« La hausse du prix de l’argent et la baisse de la quantité d’argent disponible, le renversement de la mondialisation et la récente hausse des prix de l’énergie ont mis nos décideurs dos au mur. »

Quel dommage !

« A quoi ressemblera cette panique ? Les politiciens feront tout ce qui est en leur pouvoir pour maintenir à flot une économie en perte de vitesse. Une économie qui souffre encore des conséquences des erreurs commises au cours des dix dernières années et tout cela six mois à peine après que l’on nous ait annoncé la fin de la criseQuel dommage ! « , écrit littéralement le Danois.

– L’Europe est confrontée à une nouvelle récession malgré le taux d’intérêt zéro de la Banque centrale européenne. 

– L’Allemagne et d’autres économies dites robustes apparaissent soudainement comme un danger plus grand que le gouvernement populiste en Italie. 

– L’Australie est en plein désastre économique et politique. La Commission royale renforce les conditions de crédit et cela dans une économie qui dépend à 50 % du marché immobilier. 

– Le marché du crédit américain est à un choc d’une panique, tandis que les rapatriements de capitaux de l’étranger commencent à se tarir et que la normalisation du système financier initiée par la Federal Reserve (la banque centrale américaine) met fin au stratagème financier à la base de la croissance insoutenable des bénéfices des entreprises au cours de la dernière décennie.

– La Chine envisage déjà un autre plan de relance – avec des réductions d’impôt, des subventions hypothécaires, un renminbi fort – et se demande comment elle va célébrer son 100e anniversaire en 2049, maintenant que ses plans pour 2025 sont reportés à 2035.

– La roupie indienne est en chute libre et la banque centrale a perdu son indépendance. 

– Le Japon a enregistré une croissance négative de son PIB nominal au troisième trimestre, en dépit des grosses dépenses réalisées en préparation des Jeux de Tokyo en 2020.

– Au cours de l’année écoulée, le Royaume-Uni a enregistré la plus forte baisse du « credit impulse » (le flux de nouveaux crédits émis par le secteur privé en pourcentage du PIB) de tous les pays, ce qui devrait fortement hypothéquer les six premiers mois de l’année prochaine.

Les quatre cavaliers de l’apocalypse

Quelle est la raison de tout cela ? Selon Jakobsen, «les quatre cavaliers de l’Apocalypse» qui étendent la pression sur les marchés et l’économie sont les suivants :

  • La hausse du prix de l’argent sous l’impulsion du resserrement de la politique monétaire de la FED américaine.
  • La baisse du montant d’argent disponible, maintenant que la FED, la Banque centrale européenne et la Banque du Japon commencent à réduire leurs totaux de bilan.
  • Le retournement de la mondialisation, avec la guerre commerciale sino-américaine dans un rôle de premier plan.
  • la hausse du prix de l’énergie, malgré la baisse récente, rendue encore plus pénible par la force du dollar américain.

La plus grande inégalité des générations

Selon Jakobsen, après la crise financière de 2008, le cycle économique a été remplacé par un cycle de crédit, ce qui a eu pour effet de gonfler le cours des actions, sans avoir un impact réel sur l’économie elle-même, tout en engendrant la plus grande inégalité des revenus depuis des générations. La deuxième conclusion que Jakobsen tire de ses nombreux voyages est que les inégalités, tant sur le plan économique que sur le plan de l’éducation, et l’égalité des droits pour les femmes, seront des thèmes cruciaux pour toutes les élections. Les politiciens qui échoueront à satisfaire les femmes et les jeunes de la génération du millénaire perdront touts les élections à venir, selon le Danois.

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En Europe et au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie, le climat est sombre – plus sombre qu’en 2008. Un sentiment d’urgence règne, la question est de savoir ce qui nous attend et quelle est la gravité de la guerre commerciale et du populisme ?

Selon Jakobsen, les hausses de taux d’intérêt de la FED représentent le cavalier de l’apocalypse le moins grave. Si la FED réduisait le nombre de hausses de taux d’intérêt prévues – ce qui a également été annoncé entre-temps -, cela ne fera guère plus qu’offrir un réconfort psychologique.

L’impulsion de crédit est en effet le problème

Le facteur le plus important est en effet la quantité d’argent disponible, c’est à dire le credit impulse (le flux de nouveaux crédits émanant du secteur privé). Même si toutes les grandes banques centrales ouvraient dès aujourd’hui leur robinet, il faudrait attendre la fin de l’été prochain avant que cet argent ne stimule l’activité économique, parce qu’il faut au moins 9 mois pour que le credit impulse produise des effets sur l’économie, et parfois même plus, en fonction du montant de la dette d’un pays.

Vient ensuite le prix de l’énergie, qui est maintenant revenu au niveau du début de l’année mais qui  a causé beaucoup de dégâts dans les grandes économies émergentes et importatrices de pétrole telles que l’Inde, l’Indonésie et la Chine, où les prix en monnaie locale sont encore élevés. Or, ces pays, ont besoin de pétrole bon marché en monnaie locale. Selon Jakobsen, ces pays n’auront donc d’autre choix que d’octroyer des subventions au secteur de la construction et de l’énergie.

Enfin, il y a le renversement de la mondialisation, pour laquelle il ne semble exister aucune solution à long terme. La Chine, les États-Unis font de leur mieux pour trouver un compromis pour le Nouvel An chinois (le 5 février), faute de quoi, une grave escalade pourrait se produire.

Bienvenue à la grande finale de ‘extend-and-pretend’

Le défi des Quatre Cavaliers peut être résumé comme suit : le gâteau se réduit (il y a moins d’argent), les parts sont plus chères (l’argent coûte plus cher), la cuisson coûte plus cher (prix de l’énergie) et le gâteau est plus difficile à vendre (anti-mondialisation). Les entreprises et les pays lourdement endettés sont les plus vulnérables.

Néanmoins, 2019 pourrait marquer le début d’un prochain cycle d’intervention des banques centrales. Selon Jakobsen, 2020 sera l’année du vrai changement, au cours de laquelle les politiciens et les banques centrales devront prendre les bonnes décisions en raison d’une menace encore plus importante. 

« Bienvenue dans la grande finale de l' »extend and pretend » (« Continuez et faites comme si de rien n’était »), la plus misérable expérience monétaire de l’histoire », conclut-il. 

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