Selon une récente étude française, le confinement aurait permis d’éviter la mort de 60.000 personnes en France. Mais avec moins de 6% de la population immunisée, le pays pourrait risquer une seconde vague après le déconfinement. Alors, bonne stratégie ou non?
Les mesures de confinement font de plus en plus débat dans la société. Leur impact sur l’économie plonge des pans entiers de la population dans la pauvreté. Certaines personnes se demandent même si elles ont encore une utilité.
À l’École des Hautes études en Santé publique (EHESP), trois chercheurs (Pascal Crépey, Clément Massonnaud et Jonathan Roux) ont donc voulu savoir comment l’épidémie aurait évolué si les mesures de confinement n’avaient pas été prises. Selon le modèle, environ 73.900 personnes seraient décédées entre le 19 mars et le 19 avril. Avec les mesures de confinements, 12.200 décès ont été comptabilisés sur cette même période. L’étude considère donc que plus de 60.000 vies ont été épargnées en obligeant la population à rester chez elle.
L’étude ne s’est cependant basée que sur les chiffres des hôpitaux. Les décès en maison de retraite n’ont pas été pris en compte car les données n’étaient pas suffisamment précises. Il serait toutefois évalué aujourd’hui à 8.000 décès dans les Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).
Immunité collective
L’une des plus grandes critiques du confinement est qu’il ne permet pas de créer une immunité collective. Ce principe épidémiologiste considère que si 70% de la population a développé des anticorps, alors toute la population est protégée de la maladie.
En restant chacun chez soi, le nombre de personnes exposées à la maladie est beaucoup plus faible. Cela permet d’éviter une saturation des hôpitaux. C’est d’ailleurs le but premier du confinement.
Mais cela diminue aussi le nombre de personnes qui fabriquent des anticorps. Selon l’Institut Pasteur, moins de 6% des Français seront immunisés à la fin du confinement, le 11 mai prochain. En Belgique, seuls 3% des citoyens possédaient des anticorps contre le coronavirus début avril. Bien loin des 70% nécessaires.
Ce manque d’immunité fait craindre l’apparition d’une seconde vague de contamination lors du déconfinement.
Le cas de la Suède
La Suède a décidé de ne pas imposer de confinement. Elle demande seulement à la population d’appliquer la distanciation sociale et de respecter les gestes barrières. Selon le Docteur Anders Tegnell, épidémiologiste en chef de l’Agence suédoise de la santé publique, cette stratégie permettra de créer une immunité collective. Celle-ci serait atteinte dans le pays dans les prochaines semaines.
Mais à quel prix? Au niveau économie, la crise du coronavirus aura eu certainement beaucoup moins d’impact que dans un pays confiné. Les magasins et l’horeca peuvent toujours rester ouverts. Cependant, cette politique peut être considérée comme meurtrière. Avec 1913 décès recensés depuis le début de l’épidémie, le taux de mortalité est bien plus élevé que dans les deux pays voisins, la Norvège et la Finlande. Mais pour l’épidémiologiste Johan Giesecke, qui conseille le gouvernement suédois, ‘les gens qui meurent aujourd’hui seraient morts d’autre chose dans peu de temps’. Il considère que le Covid-19 reste une ‘maladie bénigne’, comme l’est la grippe.
En fait, la politique de confinement, comme la politique de l’immunité collective a ses qualités et ses défauts.
Il faut toutefois se rendre compte qu’un pays n’est pas l’autre. Si cette politique semble fonctionner en Suède comme les autorités l’avaient prévu, elle n’aurait peut-être pas fonctionné ailleurs. Selon l’étude de l’EHESP, même en comptant les cas asymptomatiques, ‘il est probable que sans confinement, l’immunité collective ne serait toujours pas atteinte au 19 avril’.
Une combinaison des deux politiques?
Pour certains spécialistes, comme le professeur de virologie français Bruno Lina, la meilleure stratégie serait une combinaison des deux politiques.
Une étude de l’université d’Harvard a estimé qu’il faudrait alterner entre des périodes de confinement et de déconfinement jusqu’au moins 2022. Cela permettrait de ne pas surcharger les hôpitaux aux périodes où le taux de contamination est plus haut et de créer une immunité lorsque des accalmies.
Pour le professeur Lina, interrogé par l’AFP, la solution serait de garder confiner les personnes vulnérables et de laisser les plus jeunes, qui risque moins d’être atteints gravement par le covid-19, faire l’immunité de groupe.
Aujourd’hui, il est sans doute trop tard pour dire ce qu’on aurait mieux fait de mettre en place. De nombreuses décisions politiques ont dû être prises rapidement alors que le virus n’était pas bien connu. Les études scientifiques actuelles peuvent quand même aider à améliorer les stratégies politiques qui seront prises dans les semaines et mois à venir.
Il ne faut cependant pas s’attendre à ce qu’elles soient parfaites car il reste encore de nombreuses inconnues, comme, par exemple, le pourcentage de personnes infectées, et/ou immunisées, ou encore la durée de cette immunité.