Le confinement pourrait faire s’effondrer le marché européen du carbone

Si le coronavirus a une influence positive, c’est sans aucun doute sur les émissions de carbone. Avec les déplacements limités et les lockdowns imposés, les niveaux de pollution chutent. Mais cette médaille a également un revers, l’effondrement possible du marché européen du carbone.

Un marché du carbone est un instrument de lutte contre la pollution qui consiste en un système d’échanges de quotas d’émission de CO2, des ‘droits de polluer’ délivrés aux entreprises. Lancé en 2005 à la suite des engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto, le marché européen du carbone est un outil essentiel pour réduire les gaz à effet de serre émis en Europe. Il s’agit du plus grand marché du carbone au monde, englobant 10.000 entreprises responsables d’environ 40 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. Ces sociétés proviennent principalement du secteur de l’énergie ou industriel.

Or, une nouvelle étude du groupe de réflexion sur le climat Ember indique que tous les pays d’Europe ont vu leur demande d’électricité diminuer de 2 à 7 % par semaine avec les mesures de confinement. Cette chute menace fortement le marché du carbone européen, certains analystes demandant maintenant des mesures urgentes pour éviter son effondrement.

La baisse de la demande en électricité a un impact deux fois plus important en Italie, Espagne et en France qu’ailleurs, selon Dave Jones, analyste en électricité chez Ember. ‘Il s’agit de baisses très importantes dans le contexte de la demande d’électricité, où les changements ajustés en fonction de la température sont normalement faibles’, déclare-t-il, selon Euractiv.

En Italie, premier pays touché par le coronavirus en dehors de la Chine et le premier d’Europe a avoir imposé le lockdown, la baisse de la demande d’électricité se chiffre même à 20 % ces deux dernières semaines. On attend que cette chute s’accentue encore face à la fermeture des usines et l’arrêt de toute production considérée comme ‘non essentielle’.

Quotas de CO2 excédentaires

Cette baisse a du bon, incontestablement. Le groupe de réflexion allemand Agora Energiewende indiquait la semaine dernière une chute des émissions de CO2 qui y est directement liée. Selon leurs statistiques relayées par Euractiv, l’industrie allemande devrait émettre 10 à 25 millions de tonnes de CO2 de moins que ce qui était ‘normalement’ prévu. L’Allemagne pourrait donc atteindre voire dépasser son objectif climatique pour 2020.

Mais à chaque avantage, son inconvénient. Le marché du carbone européen pourrait ainsi devenir la ‘première victime’ de la baisse de la demande en électricité à cause d’une offre excédentaire de quotas de CO2, indique Máximo Miccinilli du Centre on Regulation in Europe, un autre groupe de réflexion basé à Bruxelles.

‘Le système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE ou ETS en anglais) est certainement l’instrument de politique climatique le plus exposé au choc du Covid-19’, écrit-il.

‘L’incertitude et l’instabilité du système peuvent compromettre les plans d’élimination progressive du charbon. Elle pourrait également réduire les recettes publiques provenant des ventes aux enchères et pourrait ralentir les investissements à faible intensité de carbone’, explique Miccinilli.

Le prix du CO2 a effectivement chuté à 15,45 euros la tonne lundi, contre environ 23 euros début mars. Et Miccinilli ne prévoit pas de redressement cette année à cause de l’incertitude économique actuelle.

Il estime que la Commission européenne doit maintenant envisager ‘de toute urgence’ des mesures pour empêcher l’effondrement du marché européen du carbone… Sauf que la principale intéressée considère qu’il est encore trop tôt pour discuter relance économique, la priorité étant donnée à la crise sanitaire.

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