Il ne s’agit pas du scénario-catastrophe alimenté par un groupe de complotistes sur Facebook mais d’une analyse de risques soutenue par la Banque centrale européenne.
‘Les banques, les fonds et les assureurs de la zone euro sont confrontés à des risques financiers importants liés au climat’, note le groupe d’experts qui s’est penché sur la question climatique dans la dernière revue de stabilité financière publiée ce mercredi par la BCE.
Et pour cause, les banques et les institutions financières non bancaires sont fortement exposées aux entreprises polluantes qui pourraient faire face à un risque accru de pertes pendant la transition vers une économie décarbonée.
‘Le système financier est exposé au risque de transition découlant, par exemple, des expositions aux entreprises à fortes émissions de carbone tout au long de leurs chaînes de valeur. Les portefeuilles de prêts des banques sont exposés à des degrés divers aux quatre secteurs ayant les émissions les plus élevées’, observent les experts.
Mais il y aurait une source de danger plus préoccupante encore: les risques physiques.
Plus fréquents, plus intenses
Il paraît évident que les inondations, incendies de forêt, ouragans peuvent détruire les ressources utilisées pour produire des biens. Tout comme les sécheresses et les canicules peuvent réduire la productivité du travail et de l’agriculture, et ainsi nuire à l’activité économique. Seulement voilà, ces aléas physiques ne sont pas ponctuels et risquent d’avoir un effet durable sur l’économie, entraînant une perte de production à plus long terme et en détournant les investissements au profit du remplacement ou de la reconstruction.
Avec le changement climatique, ces aléas devraient augmenter en fréquence et en intensité, donnant lieu à des risques physiques de plus en plus importants. Certaines entreprises sont déjà fortement ou de plus en plus exposées aux risques physiques. Mais sans réductions ambitieuses des émissions, les entreprises qui ne sont que partiellement exposées peuvent à long terme également être exposées à des risques physiques plus élevés.
‘Les aléas du changement climatique pourraient affecter jusqu’à un tiers des expositions de crédit des banques de la zone euro. Une part importante des expositions aux prêts dans certains secteurs est garantie par des garanties physiques qui peuvent également être affectées par des dommages liés au climat. Les expositions au risque physique peuvent potentiellement donner lieu à des risques de stabilité financière plus larges si elles sont concentrées ou associées à des banques moins capitalisées et moins rentables’, expose le groupe d’experts.
Concentration indésirable
Si les risques physiques ne sont pas nouveaux pour l’évaluation des risques de crédit et de marché, des risques physiques plus fréquents, plus graves et plus fortement corrélés peuvent exercer des pressions supplémentaires sur le système bancaire. Surtout que ces risques physiques sont concentrés dans quelques banques et pourraient interagir avec d’autres vulnérabilités.
‘Plus de 70% des expositions de crédit du système bancaire sur les entreprises à haut risque identifiées sont détenues par 25 banques. Une concentration potentielle des risques physiques liés au climat parmi quelques banques plus vulnérables pourrait avoir des implications pour la stabilité financière. Pour limiter les pertes du système financier, il sera essentiel de soutenir une transition ordonnée vers une économie durable, de limiter l’impact des aléas physiques au moyen de mesures d’adaptation au changement climatique et de diversifier les risques parmi les institutions financières en utilisant une capacité d’absorption des pertes, des couvertures d’assurance’, plaident les auteurs du rapport.
La finance verte au secours ?
Les marchés financiers ont saisi l’occasion d’aider la transition vers une économie plus verte. À titre indicatif, les actifs sous gestion des fonds ‘durables’ (les fonds ESG – Environmental, Social and Governance) ont quasiment triplé depuis 2015, l’encours des obligations vertes émises par les résidents de la zone euro a été multiplié par huit sur la même période.
‘Mais le risque de greenwashing reste élevé en raison du manque de normes cohérentes pour les obligations vertes et les fonds d’investissement ESG. Une finance verte efficace peut contribuer à favoriser une transition ordonnée vers une économie à zéro émission nette et à réduire la vulnérabilité aux risques liés au climat. Dans le même temps, d’éventuelles défaillances du marché peuvent provenir de lacunes dans les données, ce qui augmenterait le risque de greenwashing’, expliquent les économistes et autres spécialistes coauteurs.
Sans oublier que les obligations vertes sont similaires aux obligations conventionnelles en termes de taux d’intérêt et de liquidité. Le renforcement des normes des obligations vertes et de la responsabilité des émetteurs peut favoriser le développement du marché afin de financer la transition. Et ainsi réduire le risque de transition, en attendant les efforts climatiques des politiques et managers pour mitiger les risques physiques.
Pour aller plus loin: