La guerre en Ukraine a fait l’effet d’un électrochoc à travers l’Europe, et de nombreux gouvernements habituellement timides à l’idée de renforcer leurs défenses ont alloué des fonds exceptionnels à leurs armées, après des années de tendance inverse. L’Allemagne, en particulier, a inversé la vapeur en octroyant un budget record de 100 milliards d’euros à sa défense, et en s’engageant à y consacrer chaque année l’équivalent de 2% de son PIB. De l’argent qui servira à rééquiper et moderniser l’armée allemande, et en particulier sa force aérienne.
Après des années d’austérité et une opinion publique plutôt frileuse face à tout investissement militaire tel que le futur Eurodrone, voici que l’Allemagne ouvre en grand la bourse pour son armée, la Bundeswher. Le gouvernement d’Olaf Scholz a approuvé une enveloppe exceptionnelle de 100 milliards d’euros pour 2022, et a en outre décrété que dorénavant, il consacrerait chaque année 70 milliards au budget de la défense, soit environ 2% du PIB du pays, comme le recommandent les États-Unis aux autres membres de l’OTAN.
40 milliards pour la Luftwaffe
Cette enveloppe profitera pour une large part à la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande, signale le site spécialisé Opex360. Celle-ci devrait obtenir 40 milliards d’euros, soit 40% des fonds alloués pour 2022. Un montant comparable au budget total alloué au ministère français des Armées pour cette année, ne manque pas de souligner le média. Les forces terrestres allemandes obtiendront environ 17 milliards, quand la Deutsche Marine devra se contenter de 10 milliards. Enfin, 27 milliards serviront à améliorer les capacités de commandement et de contrôle.
Les missiles de Kaliningrad
Il faut dire que la Luftwaffe était considérée comme le parent pauvre d’une armée allemande déjà peu financée. En juin 2018, son chef d’état-major, le général Ingo Gerhartz, estimait qu’elle était « au plus bas » avec seulement 39 Eurofighter EF-2000 en état de vol sur 128. Cette année-là, l’Allemagne avait octroyé 44,7 milliards d’euros à la totalité de ses forces armées.
Avec son nouveau budget gonflé à bloc, la Luftwaffe pourra aisément financer la trentaine de chasseurs-bombardiers F-35A commandés aux USA et qui doivent maintenir la participation du pays au potentiel nucléaire de l’OTAN, ainsi que des capacités de guerre électronique. L’Allemagne compte aussi consacrer une partie de ce budget au développement de défenses antimissiles, en particulier contre les engins Iskander que la Russie pourrait tirer depuis son enclave de Kaliningrad, l’ancienne Königsberg, entourée par la Pologne.
Des avions made in the USA
Ce réarmement embarrasse toutefois, car il se fera avec du matériel américain, au détriment des industriels européens de l’armement, en particulier les Français, qui voient encore un marché leur échapper au bénéfice de l’oncle Sam. Une préoccupation à laquelle avait déjà répondu l’année passée le chef d’état-major de la Bundeswehr, le général Eberhard Zorn, devant des députés français: « Quand nous avons besoin de matériels, qu’est-ce que nous faisons? Eh bien nous regardons ce qui existe sur le marché et ce que nous pouvons acheter tout prêt. Et lorsque nous ne le trouvons pas, nous lançons éventuellement un projet de développement. »
Mais toujours selon Opex360, ce refinancement de la Luftwaffe permettra peut-être aussi un investissement dans le « Système de combat aérien du futur« , le programme mené en coopération avec la France et l’Espagne. Sous ce nom assez ambitieux se cache un projet international qui regroupe un ensemble de systèmes aériens interconnectés, afin de moderniser et de rendre compatibles les différents avions de chasse et drones utilisés par les armées européennes, mais celui-ci n’a toujours pas décollé de la table des discussions.