Il y a deux ans, le gouvernement américain avait reçu des avertissements concernant des recherches à haut risque sur le coronavirus dans la ville chinoise de Wuhan, écrit le journaliste américain Josh Rogin dans une chronique publiée dans le Washington Post. Il insiste sur le fait que ce n’est pas une preuve suffisante pour déterminer l’origine non-naturelle du sras-cov-2 (covid-19).
En janvier 2018, l’ambassade américaine à Pékin a envoyé plusieurs diplomates dans un laboratoire de recherche à Wuhan, la ville où le nouveau coronavirus s’est déclaré. Ce que ces fonctionnaires ont vu, à l’Institut de virologie de Wuhan, les a fortement inquiétés. Ils ont rapidement envoyé deux avertissements à Washington. Ils y parlaient de questions de sécurité dans un laboratoire spécifique.
Le journaliste Josh Rogin a pu consulter l’une de ces deux alertes. Celle-ci fait état d’expériences avec des coronavirus sur des chauves-souris, avec à la clé un risque élevé d’infection humaine, puis l’émergence d’une nouvelle épidémie de type SRAS. ‘Il y a une grave pénurie de techniciens et de chercheurs bien formés, qui sont pourtant indispensables au bon fonctionnement de ce laboratoire en toute sécurité’, peut-on notamment lire.
Risque de sécurité
Les recherches en question avaient pour but d’éviter une nouvelle épidémie de SRAS. Le journaliste a d’ailleurs immédiatement réfuté le fait que le virus ait pu être délibérément développé en laboratoire. Il y a par contre des questions à se poser sur la méthode de travail utilisée, explique le professeur chinois Xiao Qiang. ‘Ce câble diplomatique nous apprend qu’il existe depuis un certain temps des inquiétudes sur une éventuelle menace pour la santé publique provenant de ce laboratoire’, dit-il.
Aux États-Unis, ces avertissements n’ont pas connu de suites. Ce n’est qu’il y a deux mois, alors que l’épidémie de covid-19 était déjà avérée, que les documents ont recommencé à circuler au sein des services gouvernementaux. Le gouvernement américain n’a pas souhaité commenter ces avertissements.
‘Il n’y a aucune preuve de fuite d’un laboratoire’, a par ailleurs tenu à préciser Andrew Rambaut, un microbiologiste de l’Université d’Edimbourg, dans un mail envoyé au Washington Post. ‘Le virus est exactement comme un virus que nous nous attendons à trouver dans les populations de chauves-souris sauvages, des virus similaires ont sauté entre espèces différentes dans le passé, je ne vois donc aucune raison de spéculer davantage à ce sujet’.
Lockdown de l’information
Officiellement, l’apparition du nouveau coronavirus est toujours attribuée au marché d’animaux sauvages de Wuhan. Mais selon une source gouvernementale citée par le journaliste américain, il n’est pas impossible que la pandémie actuelle soit le résultat d’un accident dans ce laboratoire. ‘La preuve qu’il s’agit d’un événement parfaitement naturel est indirecte, tout comme la preuve que le virus provient du laboratoire’, déclare ce fonctionnaire anonyme.
Tant de questions et de doutes subsistent. Les experts chinois ont déjà montré que la toute première personne infectée n’avait aucun lien avec le marché d’animaux en question. De plus, il n’y avait pas de chauves-souris – le transmetteur du virus – à vendre sur ce marché.
En parallèle, le pouvoir chinois a mis en place un verrouillage total sur les informations concernant l’émergence du virus. Mercredi dernier, le gouvernement a introduit un mécanisme de contrôle des publications scientifiques sur l’origine du covid-19.
Une hypothèse déjà évoquée
L’hypothèse d’un accident de laboratoire comme source de la pandémie de nouveau coronavirus avait déjà été évoquée par Richard Ebright, professeur au Waksman Institute of Microbiology de la Rutgers University et expert en biosécurité, dans un article publié fin mars sur le site Bulletin of the Atomic Scientists.
L’expert américain expliquait alors qu’à l’exception du SRAS-CoV et du MERS-CoV, deux virus mortels responsables d’épidémies dans le passé, les coronavirus ont été étudiés dans des laboratoires opérant à un niveau de biosécurité modéré connu sous le nom de BSL-2. M. Ebright affirmait également que les coronavirus des chauves-souris ont été étudiés dans de tels laboratoires à Wuhan et ses environs. ‘En conséquence, les coronavirus des chauves-souris à Wuhan [Centre de contrôle des maladies] et à l’Institut de virologie de Wuhan ont été régulièrement collectés et étudiés au niveau BSL-2, qui ne fournit qu’une protection minimale contre les infections aux personnel de laboratoire’, précisait-il.
Richard Ebright estimait qu’un niveau de sécurité plus élevé seraient plus appropriés pour un virus présentant les caractéristiques du nouveau coronavirus. ‘La collecte, la culture, l’isolement ou l’infection d’animaux au niveau BSL-2 pour un virus ayant les caractéristiques de transmission de celui de l’épidémie poserait un risque substantiel d’infection d’un travailleur de laboratoire, et de ce dernier vers la population’, mettait-il en garde.
Ces deux rapports ne sont pas des preuves suffisantes de l’origine non-narturelle du covid-19. Mais on ne peut plus totalement l’exclure non plus.