Lagarde défend la politique de la BCE: « Dès que la situation le permettra, nous prendrons le virage »

Lors d’un entretien avec RedaktionsNetzwerk Deutschland (RND), la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde a mintenu le cap. « Si nous agissons maintenant dans la précipitation, la reprise de nos économies pourrait être bien pire et des emplois seraient mis en danger. Cela n’aiderait personne », a-t-elle déclaré lorsque le sujet d’une éventuelle hausse des taux d’intérêt a été abordé.

Pourquoi est-ce important ?

Ce n'est pas sans raison que Mme Lagarde défend la politique de la BCE auprès d'un média allemand comme RND (une organisation regroupant 60 journaux régionaux allemands). En effet, dans la plus grande économie de la zone euro, l'irritation grandit face à la politique de Mme Lagarde, que le journal Bild a surnommée "Madame Inflation" il y a quelque temps.

Un relèvement des taux d’intérêt « ne résoudrait aucun des problèmes actuels », a affirmé Mme Lagarde dans l’interview d’aujourd’hui. Au contraire, « si nous agissons trop hâtivement maintenant, la reprise de nos économies pourrait être bien pire et des emplois seraient menacés. »

Lagarde avait même préparé une métaphore pour l’auditeur allemand. Elle a comparé la normalisation de la politique des taux d’intérêt au fait de prendre un virage avec une voiture. « Personne ne le fait en cinquième vitesse en appuyant sur le gaz, mais vous enlevez votre pied de l’accélérateur et vous rétrogradez progressivement. C’est exactement ce que nous faisons. Et dès que la vitesse est bonne et que la situation le permet, nous prenons le virage. »

Énergie

Selon Mme Lagarde, « plus de la moitié de l’inflation actuelle est imputable aux prix de l’énergie ». Elle s’attend à ce qu’ils se stabilisent à un niveau élevé. « Le coût élevé du pétrole et du gaz n’est pas un phénomène temporaire », a-t-elle souligné, mais « le niveau des prix est déjà très élevé. Le prix du pétrole est passé de moins de 20 euros en avril 2020 à 90 euros le baril, et il est très peu probable qu’il continue à augmenter au même rythme. L’inflation ralentira pour cette seule raison ».

La BCE surveille de près l’impact des prix élevés de l’énergie sur l’inflation globale, a souligné le président de la BCE. « Nous surveillerons cela de très près en mars et lors de toutes les réunions suivantes dans les mois à venir. Si nécessaire, nous agirons. Mais cela ne se fera que pas à pas. »

Mme Lagarde a écarté le risque d’un choc supplémentaire sur les prix en raison de la transition énergétique. « Je pense que tout le débat sur l’inflation verte est exagéré », a-t-elle ajouté.

« L’effet actuel de la décarbonisation sur les prix est minime, et peu importe que l’on parle d’échange de droits d’émission ou de taxes spéciales », a-t-elle ajouté. Cela vaut également, selon elle, pour les matières premières de plus en plus coûteuses de la transition énergétique, comme le silicium, le nickel ou le cuivre. « L’impact de ces prix spécifiques des matières premières sur la tendance générale des prix est faible, du moins pour le moment », a-t-elle ajouté.

Fed

L’organisation faîtière des banques centrales américaines, la Fed, envisagerait de relever les taux d’intérêt d’un demi-point de pourcentage à la fois pour contrer l’inflation galopante aux États-Unis. Bien que l’inflation atteigne également des niveaux élevés dans l’UE (en moyenne, la vie quotidienne est devenue 5,1% plus chère qu’en janvier de l’année dernière), Mme Lagarde a souligné que la zone euro ne pouvait être comparée à d’autres grandes juridictions.

« L’économie américaine est en surchauffe, alors que notre économie est loin de l’être », a-t-elle fait valoir. « C’est pourquoi nous pouvons – et devons – procéder avec plus de prudence. Nous ne voulons pas tuer la reprise dans l’œuf. »

« L’inflation pourrait s’avérer plus élevée que ce que nous avions prévu en décembre« , a déclaré Mme Lagarde. « Nous analyserons cela en mars et nous regarderons ensuite à partir de là ».

Cependant, un nombre croissant de décideurs de la BCE perdent confiance dans les prévisions d’inflation actuelles de l’institution. En conséquence, ils penchent de plus en plus vers le camp des partisans de la hausse des taux d’intérêt, ont déclaré des sources à l’agence de presse Bloomberg.

Espèces

La présidente de la BCE s’est également prononcée contre la suppression de l’argent liquide. « Les gens sont habitués à l’argent liquide et ne veulent pas l’abandonner. Je considère donc que la discussion sur la suppression de l’argent liquide est superflue », a déclaré Mme Lagarde. « J’aime aussi avoir des billets de banque dans mon portefeuille », a-t-elle ajouté. Elle a assuré que même si un euro numérique est introduit, il y aura toujours des pièces et des billets en euros.

Elle a même préconisé de représenter des Européens connus sur les futurs billets en euros. « Personnellement, je peux très bien imaginer les visages d’Européens célèbres représentés sur les billets de banque : Leonardo da Vinci, Ludwig van Beethoven ou James Joyce », a déclaré Mme Lagarde. « J’ai moi-même un bon souvenir du billet de cinq francs avec Victor Hugo qui existait en France il y a 50 ans », a-t-elle ajouté.

Toujours selon Mme Lagarde, plusieurs éléments plaident contre le projet d’euro numérique : par exemple, il y aurait trop de prestataires privés qui tenteraient de mettre en place des crypto-monnaies. « Nous devons faire quelque chose pour contrer cela. Il n’est pas possible que de l’argent soit gagné avec les données personnelles des utilisateurs. »

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