« L’accord de l’été » se fera en plusieurs tranches, mais la Vivaldi a bien du mal à obtenir un premier succès: l’Open VLD s’agace du PS et des Verts

La Vivaldi est confrontée à une mission difficile, après le voyage au Congo, c’est le money time pour le Premier ministre et son équipe. Cette semaine, les experts donneront leurs recommandations sur le pouvoir d’achat. L’aile gauche de la Vivaldi et le PS en particulier réclament des mesures. Mais il y a d’autres fers sur le feu. Car hier soir, le kern s’est réuni jusqu’aux petites heures pour discuter du budget de la défense, et là non plus, il n’y a toujours pas de fumée blanche. « C’est une pure question de symboles et je ne comprends pas les Verts », a déclaré ce matin Egbert Lachaert (Open Vld), mettant une nouvelle fois Groen et Ecolo sous pression. Il s’en est également pris à Pierre-Yves Dermagne (PS), à propos du jobs deal. Le vice-premier ministre socialiste continue d’irriter l’Open Vld et le cd&v par ses hésitations. Toute la discussion met en danger le grand « accord de l’été ». Mais il est déjà question de changement d’approche: au lieu d’un seul grand accord, il pourrait s’agir de plusieurs tranches. Seulement, chaque dossier coince pour le moment, par manque de confiance mutuelle.

Dans l’actualité : « Dermagne se trompe : le jobs deal (la réforme du travail) doit être légiféré et mis en œuvre, et cela peut se faire simplement », a déclaré Egbert Lachaert (Open Vld).

Les détails : Le président libéral appelle ses partenaires de coalition à « conclure des accords », mais il distribue en même temps une série de coups.

  • La rue de la Loi reste un monde un peu schizophrène. Les politiciens de haut niveau peuvent dénoncer avec beaucoup d’émotion le « trou à rats démotivant et bloqué » que serait la politique belge, comme l’a décrit hier Zuhal Demir (N-VA), ou déplorer la situation avec des phrases du genre « si tous les dégoûtés s’en vont, il ne reste que les dégoûtants« , comme l’a fait Sammy Mahdi (cd&v) à propos du départ de Valérie Van Peel (N-VA), mais en même temps, ils sont tous partiellement responsables du climat actuel. Certains politiques s’indignent de la dureté des réseaux sociaux et s’inquiètent pour l’avenir de ce qu’ils considèrent tous comme une profession. Mais après l’émoi et la vague soudaine de réactions empathiques, la caravane poursuit sa route.
  • Tout aussi schizophrénique, mais assez caractéristique de l’équipe fédérale est la séquence qui suit: dans une même conversation avec les partenaires de la coalition, lancer un « appel chaleureux à la conclusion d’accords », pour ensuite leur adresser une série de tacles qui rend la conclusion de ces accords encore plus difficiles.
  • Cette pratique n’est certes pas le monopole d’Egbert Lachaert, mais le président de l’Open Vld a une nouvelle fois adressé ses reproches sur Radio 1. Le libéral a fait l’éloge de « son » Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) pour ses capacités « à toujours trouver des accords en bout de course ». « Nous avons toujours réussi à le faire, et nous réussirons encore », a-t-il déclaré avec espoir.
  • Mais il s’est ensuite livré à une distribution de coups à l’encontre des partenaires de la coalition, et en premier lieu au PS. « Ça se passe mal avec Pierre-Yves Dermagne (PS) », a déclaré Lachaert à propos du jobs deal. « Cela doit être légiféré et mis en œuvre. L’accord sur ce point était très clair au sein du gouvernement : si les partenaires sociaux ne sont pas d’accord, alors l’accord passera au parlement et doit ensuite être mis en œuvre. »
  • Mais Lachaert voit déjà plus loin: « En réalité, nous avons déjà besoin d’un deuxième jobs deal ». Le libéral veut « un plan urgent pour la pénurie sur le marché du travail ». Au vu du temps qu’il faut pour conclure le premier accord, cela semble complètement utopique.
  • L’accord sur le budget de la défense n’est lui non plus pas une grande réussite. Le kern s’est réuni à ce sujet hier soir, et vers deux heures, les vice-premiers ministres se sont séparés sans accord. Lachaert a qualifié la position des Groen et d’Ecolo, qui refusent que le budget atteigne 2 % du PIB d’ici 2035, de « pure question symbolique ». « Je ne comprends pas cette attitude », a-t-il déploré.
  • Lachaert n’a pas caché que tout ce dossier tourne autour du sommet de l’OTAN, pour la fin juin, où le Premier ministre De Croo veut venir avec de « bonnes nouvelles » . « En tant que pays fondateur, vous ne pouvez pas refuser cela ? Le Premier ministre perdrait la face s’il devait se rendre à Madrid les mains vides. Les Verts faisaient partie de la base de cette coalition, je ne vois pas comment ils ne peuvent pas décider dans ce dossier », a-t-il encore affirmé fermement.

Intéressant : l’approche d’un seul grand accord a été complètement abandonnée. Mais cela comporte des risques.

  • Initialement, il était question d’un grand accord d’été. Le Premier ministre avait d’ailleurs présenté lui-même à ses partenaires un document officieux, une note d’ambition, dans laquelle figurait un certain nombre de « chantiers ». Cette approche a maintenant clairement changé. Il n’est plus question d’accord unique mais de plusieurs petits accords, par tranche, nous revient-il. Et soudainement, Lachaert parle de « ne pas tout mettre dans le même panier, ce qui conduit à un marchandage où le contenu est moins important ».
  • Ce week-end déjà, un très gros dossier, celui des centrales nucléaires, a été reporté avec une échéance qui est passée de juin à fin août. C’était inévitable, car les pourparlers se déroulent avec beaucoup de difficultés. Chacun trace ses lignes rouges et personne ne veut devenir responsable des déchets nucléaires futurs. La possibilité de prolonger les centrales non pas de 10 ans, mais plus longtemps, est visiblement une piste, mais c’est à nouveau une pilule difficile à avaler pour les Verts.
  • Une question beaucoup plus urgente est celle du jobs deal, à propos duquel Lachaert s’en prend à Dermagne. Après tout, la frustration est grande, tant à l’Open Vld qu’au CD&V. Par deux fois déjà – en octobre 2021 et au printemps 2022 – ce paquet de mesures est passé sur la table du gouvernement et a été approuvé.
  • Mais, sous pression des syndicats, Dermagne veut encore apporter des « ajustements techniques ». Poursuivre la discussion pour savoir si les coursiers de Deliveroo sont des indépendants ou des employés, sur les horaires flexibles et le droit à la formation. Mais c’est impossible pour les deux partenaires flamands de la coalition. Le dossier doit être réglé cette semaine si De Croo veut obtenir un premier succès et ainsi lancer sa série de transactions estivales.
  • La défense reste également une priorité, ne serait-ce que parce que le sommet de l’OTAN a lieu dans quinze jours. Les ambitions de l’aile droite du gouvernement sont, après tout, très modestes. Être à 2 % en 2035 – alors que des pays voisins comme l’Allemagne et les Pays-Bas feront de même en 2024 – ne fera de facto que creuser l’écart avec les autres États membres de l’OTAN. Mais les Verts veulent d’abord s’assurer que l’argent investi soit mieux dépensé et qu’un éventuel budget supplémentaire ne se fasse pas au détriment de mesures sociales et environnementales.
  • Interrogé sur La Première, ce matin, le vice-premier ministre Georges Gilkinet estime néanmoins que « les lignes sont en train de bouger ». Les Verts veulent intégrer au budget de l’équipement et des infrastructures pour lutter contre le dérèglement climatique et investir surtout dans le nombre de militaires, « et pas forcément dans les armes et le matériel ». Mais leur demande n’est pas encore rencontrée, c’est pourquoi ils bloquent le dossier.
  • Du côté flamand, un nouveau duo de présidents à Groen n’aide évidemment pas : la première chose que Jeremie Vaneeckhout et Nadia Naji devront expliquer immédiatement à leurs partisans sera-t-elle une défaite ? Les Verts veulent obtenir quelque chose.
  • C’est ainsi que la Vivaldi se heurte immédiatement à l’inconvénient de ne pas conclure de grand accord, fruit d’un grand marchandage : un grand accord contient des trophées pour tout le monde, alors que dans des petits accords séparés, il y a toujours quelqu’un qui se retrouve sans rien. Ces trophées ne sont pas minces dans le cas du PS et des Verts: respectivement 6,5 et 3 milliards d’euros supplémentaires pour le pouvoir d’achat.
  • Jusqu’à présent, le Premier ministre a réussi à maintenir la pression sur son flanc gauche au sein du gouvernement. Sa technique est aussi simple que pratique : comme pour la crise sanitaire, il a fait appel à des experts. Un groupe dirigé par le libéral Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque Nationale, devait faire des propositions. Tant que les discussions n’aboutissaient à rien, le Premier ministre pouvait tranquillement s’y référer. Mais cette manière de gagner du temps touche à sa fin avec un premier rapport attendu pour cette semaine.

Le contexte: il n’y a pas de formule magique, mais des nuages sombres planent sur l’économie.

  • Hier, la Banque Nationale et le même Pierre Wunsch ont publié leurs prévisions économiques, une habitude semestrielle. Il n’y avait pas beaucoup de bonnes nouvelles dans le rapport : « La Belgique n’a plus de tampons pour absorber un choc économique », a averti le gouverneur de la banque centrale.
    • Le budget reste un drame ; il serait désormais le deuxième plus mauvais de l’UE après Malte.
    • D’ici 2024, il est même prévu que le déficit augmente à nouveau, au lieu de diminuer, a déclaré M. Wunsch, en parlant d’un chiffre de 5 % de déficit. S’il y a une récession, il montera même à 7 %.
    • Le taux de croissance de l’année prochaine devrait encore être de 1,5 %. Les scénarios pessimistes, dans lesquels il y aurait une récession, n’ont pas été publiés par la Banque Nationale.
    • Une nouvelle particulièrement gênante, mais prévisible : la position concurrentielle se dégrade, en raison de l’indexation automatique des salaires. Les coûts salariaux pour cette année et l’année prochaine augmenteront de 11%, mais que de 4,8% dans les pays voisins, prévoit la Banque Nationale.
    • L’inflation, après avoir atteint un pic de 8,2 % au cours de l’été, devrait toutefois baisser à 2,6 % l’année prochaine.
  • Tout cela pose clairement la vraie question socio-économique : qui absorbera le choc des prix de l’énergie ? Selon la Banque Nationale, cela signifie une perte de prospérité de quelque 2 à 3 % de PIB. Dans le système de l’indexation automatique, ce sera presque entièrement pour les entreprises. Et elles souffriront inévitablement de la détérioration de leur position concurrentielle.
  • L’économiste de la FEB, Edward Roossens, a lancé une « alerte rouge » : « La grave crise de compétitivité est ainsi confirmée. Avec pour conséquence une perte de parts de marché, de croissance et d’emplois. »
  • Le groupe d’intérêt patronal flamand, le Voka, a donc lancé une nouvelle proposition : un saut d’index « social » de 3 % (les revenus les plus faibles perdant le moins et les plus élevés le plus), en échange d’un chèque net unique de 500 euros.
  • Mais au sein du gouvernement, un tel saut d’index semble être un grand tabou absolu : le président de l’Open Vld, Egbert Lachaert, a lui-même refermé la porte à ce sujet. Tant Paul Magnette que Conner Rousseau, les deux présidents socialistes, ont fait savoir qu’il n’était pas même question d’y penser. Personne n’oublie qu’une grande manifestation nationale aura lieu la semaine prochaine.
  • M. Wunsch, qui préside le groupe de travail sur le pouvoir d’achat, n’a pu que constater avec sévérité que le gouvernement envisage maintenant des mesures supplémentaires pour « renforcer le pouvoir d’achat » : « Le problème de la perte de pouvoir d’achat sera résolu l’année prochaine, lorsque l’indexation jouera son rôle. Si le gouvernement estime que cela prend trop de temps et qu’il faut prendre des mesures maintenant, il doit économiser ailleurs. L’argent est épuisé », a-t-il déclaré.

A noter: L’OCDE apporte un soutien explicite aux plans fiscaux de Vincent Van Peteghem (cd&v).

  • Pour ceux qui l’auraient oublié : outre les « l’accord de l’été » qui est en préparation au sein de la Vivaldi, il y a bien sûr aussi la promesse d’une grande réforme fiscale, par le vice-premier ministre et ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, qui veut présenter ses projets « avant l’été ».
  • Après la Banque Nationale hier, il y a aujourd’hui un rapport sur la Belgique de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’OCDE produit ce genre de rapports toutes les années, mais il est cette fois très attendu. Selon le rapport, des « efforts importants » sont nécessaires pour contrôler et réduire la dette publique de la Belgique, qui a atteint 108,4 % du produit intérieur brut (PIB).
  • L’OCDE confirme ce que les économistes disent depuis des années : avec 55 % du PIB, la Belgique fait partie des pays où les dépenses publiques sont les plus élevées, mais cet argent n’est pas toujours bien dépensé. « Il est possible d’améliorer l’efficacité des dépenses, par exemple dans le domaine de l’éducation. »
  • Les experts soulignent également que la Belgique est le seul pays de la zone euro qui ne fait pas de plans pluriannuels détaillés, ce qui signifie qu’il y a trop peu de transparence, y compris sur les engagements des régions. L’OCDE estime que le Conseil supérieur des finances, un organe consultatif, devrait jouer un rôle plus important dans ce domaine.
  • Autre classique : la lourdeur de la fiscalité sur le travail, un domaine dans lequel la Belgique est championne du monde. Selon l’OCDE, la réforme fiscale annoncée par M. Van Peteghem est absolument nécessaire pour réduire la charge pesant sur les salaires les plus bas. En compensation, le gouvernement fédéral pourrait taxer plus lourdement l’épargne et les investissements. Auparavant, la Commission européenne avait également fait des commentaires similaires sur le système fiscal belge.
  • « Envisager l’introduction d’un taux d’imposition progressif pour l’imposition de tous les types de capital, dans le cadre d’une vaste réforme fiscale », tel est le conseil de l’OCDE au ministre Van Peteghem. Le rapport national préconise explicitement l’instauration d’une taxe sur les plus-values, par laquelle vous êtes imposé sur les bénéfices que vous tirez de vos investissements, par exemple.
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