Cette fois-ci, c’est le monde scientifique qui se fâche. L’accès aux données brutes, au quotidien, n’est pas disponible dans son entièreté. Comme tout le monde, les scientifiques doivent attendre le bulletin quotidien Sciensano, l’institut belge de la Santé. Cette problématique renferme une question plus large: l’accès aux données publiques en open data.
On a vu s’opérer hier la magie des réseaux sociaux (oui, ça existe). Une problématique a refait surface: depuis plusieurs semaines, scientifiques, mais aussi journalistes et citoyens attentifs se plaignent de ne pas avoir accès à toutes les données concernant le coronavirus.
Et pour cause, chacun est tenu d’attendre 11 heures du matin, pour le point presse de l’institut du SPF Santé Sciensano. En découlent de multiples graphiques bien utiles pour informer la population sur l’évolution de l’épidémie, le nombre d’hospitalisations, de personnes en soins intensifs ou encore de décès.
Ce n’est pas ce bulletin qui est remis en cause, mais plutôt le libre accès des données brutes. La problématique a été soulevée à nouveau suite à un article de L’Echo relayé par Damien Van Achter, professeur en journalisme à l’IHECS. La startup qui illustre chaque jour l’évolution de l’épidémie y faisait constat interpellant: ‘On constate que certaines informations qui circulent sont parfois trop alarmistes, comme sur la disponibilité dans les hôpitaux (…). À l’inverse, certaines sont trop rassurantes’, précise le responsable. ‘Mais ce n’est toutefois pas à nous de décider ce qui peut être diffusé’.
Mais qui décide de l’accès ou non à ces données ? Le tweet est repris par le journaliste Michel Henrion, lui même relayé par le spécialiste Marius Gilbert, qui nous apporte toute sa lumière sur la RTBF, notamment.
Son commentaire: ‘La communauté scientifique n’a pas actuellement accès aux données brutes concernant le covid-19. C’est un problème majeur qui nous retarde dans les réponses qui peuvent être données à cette épidémie. Il faut d’urgence passer en open data comme le font l’Italie et la France.’
Emmanuel André lui-même, présent lors des conférences de presse de Sciensano, va dans le même sens: ‘En tant que scientifique, je soutiens totalement cette demande d’élargir le pool de compétences travaillant à analyser les données épidémiologiques. Les universités et les partenaires privés font partie des ressources nécessaires.’
’15 ans…’
Leurs appels font boule de neige et soulèvent un problème plus large. L’accès aux données publiques pour la communauté scientifique, comme le souligne un peu plus tard Bernard Rentier, recteur honoraire à l’ULG: ‘Nous sommes en 2020. Cela fait 15 ans que nous réclamons l’ouverture des données publiques sans restriction. Aujourd’hui, l’explosion d’un cataclysme d’une envergure inouïe donne une idée de la force de la résistance à l’indispensable transparence en cette matière…’
Il est vrai que plusieurs classements internationaux l’attestent: la Belgique est à la traîne au niveau de l’open data, et ça ne date pas d’hier. Ça vaut pour le SPF Santé, mais aussi pour les données économiques ou démographiques.
S’en suit un hashtag #opendatanow, et la demande est reprise par le monde politique. Ecolo dégaine en premier et le fait savoir par communiqué: ‘Les écologistes appellent la ministre De Block (Open VLD) à rendre immédiatement et systématiquement accessible l’ensemble des données récoltées autour de la pandémie et ainsi permettre à la communauté scientifique d’avancer au mieux dans l’identification des réponses à lui apporter.’ Comme cela se fait à l’étranger, il est vrai.
Retour à la case départ
Entre-temps, Maggie De Block apporte une réponse pour le moins laconique à Damien Van Achter: ‘Vous pouvez retrouver sur le site de Sciensano les chiffres et l’évolution.’
Pourquoi ces données sont importantes ? Car elles permettent, si on en croit le monde scientifique, d’être plus précis, mais aussi de mieux rendre compte de la situation dans le temps. Il n’y a, par exemple, pas d’accès aux archives, et les ressources brutes renferment peut-être de l’information qui n’a pas été traitée Sciensano.
Le sujet est maintenant au centre de l’actualité, et est un nouveau point de discorde avec la ministre de la Santé, qui n’avait sans doute pas besoin de cette mauvaise publicité supplémentaire.