Mardi, le top management d’Engie a envoyé un ultime courrier au Seize. Le PDG Thierry Saegeman y a fait un état des lieux du dossier. Au sein du gouvernement fédéral, toutes les sources sont unanimes : la décision doit être prise maintenant, avant la fin de 2021. Il est clair que pour six des sept partenaires de la coalition, la fermeture de toutes les centrales nucléaires est en fait la seule option. Le MR demeure esseulé et a le couteau sous la gorge. Ce couteau provient du gouvernement wallon: « Ils devront tout avaler maintenant, ou ils seront au chômage », estime-t-on dans les plus hautes sphères.
Dans l’actualité : L’accord de coalition néerlandais.
Les détails : les Néerlandais vont maintenir ouverte plus longtemps l’ancienne centrale nucléaire de Borssele. Et deux nouvelles centrales nucléaires seront construites.
- Les Pays-Bas sont-ils un pays modèle ? En tout cas une source d’inspiration pour les libéraux flamands : Mark Rutte, l’heureux premier ministre néerlandais, était la grande vedette de la soirée « 150 ans de libéralisme » organisée par MR et l’Open Vld au Heysel cet automne. Avec son parti VVD, Rutte montre que l’on peut récolter des succès en tant que chef de gouvernement.
- Or, c’est précisément maintenant qu’un nouveau gouvernement néerlandais – Rutte IV – annonce de manière spectaculaire un grand effort en faveur de l’énergie nucléaire. La seule centrale nucléaire du pays va voir sa durée de vie prolongée une fois de plus et deux nouvelles centrales vont être construites. Cela s’inscrit dans le cadre du plan d’action néerlandais visant à réduire les émissions de CO2, d’un montant de 35 milliards d’euros.
- L’occasion était trop belle pour la N-VA de taper sur son punching ball préféré: l’Open Vld. Egbert Lachaert, le leader de l’Open Vld, n’avait-il pas félicité Rutte de manière grandiloquente parce que « les Pays-Bas sont entre de bonnes mains, avec un libéral clairvoyant à la barre » ?
- Lachaert a immédiatement réagi : « La nouvelle technologie nucléaire a un avenir. Nous voulons rendre cela légalement possible. Cela n’a rien à voir avec les sept réacteurs existants, dont vous voulez garder deux ouverts pendant dix ans. Il s’agit d’un débat différent, mais bon, la N-VA compte sur les gens pour tout mettre dans le même sac. »
- Mais Lachaert s’est tu sur l’enfant terrible de la coalition Vivaldi. Car pendant que la comparaison avec Rutte était faite par la N-VA, Georges-Louis Bouchez (MR) a fait pas moins de sept (!) tweets sur l’accord de coalition néerlandais, tous axés bien sûr sur l’énergie nucléaire. « Il n’a pourtant pas retweeté Bart De Wever cette fois-ci », a fait remarquer cyniquement un dirigeant du parti de la Vivaldi.
Question intéressante : quelle est la pertinence du cas néerlandais pour la Belgique ?
- Le ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Verts) rappelle que les Pays-Bas « prennent des décisions à partir de 2033 (la prolongation de la vieille centrale de Borssele, ndlr) ou au plus tôt 2040 pour les nouvelles centrales nucléaires. Et ils mettent 5 milliards à disposition de la recherche. Sans produire un seul kilowatt ». En d’autres termes, un tel événement doit être correctement préparé, et cela n’a pas été le cas dans les années qui ont précédé la Vivaldi.
- Néanmoins, le cas néerlandais reste intéressant, pour trois raisons :
- La réalité géographique : la seule centrale nucléaire des Pays-Bas, située à Borssele, se trouve à un jet de pierre de Doel. La probabilité que de nouvelles centrales soient également implantées très près de la Belgique n’est pas inexistante. Les centrales nucléaires françaises sont également proches de la frontière. Les « risques et dangers de l’énergie nucléaire » ne disparaîtraient donc pas du tout si la Belgique devait abandonner l’énergie nucléaire.
- La prolongation de la durée de vie de Borssele est peut-être encore plus frappante : ce réacteur date de 1973, soit deux ans de plus que les réacteurs de première génération de Doel 1 et 2 et de Tihange 1. En Belgique, ils sont qualifiés de « vétustes », alors que même les réacteurs les plus récents, de deuxième génération, devront eux aussi fermer. Mais Borssele, en tant que réacteur de première génération, restera ouvert pendant 70 à 80 ans. Aux États-Unis aussi, les centrales électriques restent ouvertes autant de temps.
- Aux Pays-Bas, des milliards sont consacrés à la recherche et aux subventions pour la construction de nouvelles centrales nucléaires. En Belgique, le MR et l’Open Vld sont fortement favorables à une telle nouvelle génération de réacteurs. Les Verts ne disent pas « non », et ont pensé à la « recherche » comme un édulcorant pour faciliter la fermeture des sept réacteurs.
- Mais le goulot d’étranglement est la loi sur la sortie du nucléaire en Belgique. Parce que Groen et Ecolo sont prêts à faire un grand pas pour accommoder l’Open Vld et le MR, avec la recherche, mais modifier la loi elle-même est un pas trop loin. Pas question de supprimer un vieux trophée vert hautement symbolique pour son électorat.
- Lachaert appelle cela « un autre débat », mais il est clair que cela pourrait changer la donne, si la Vivaldi ferme les anciennes centrales, mais qu’en même temps, elle garde la porte grande ouverte pour des centrales nouvelle génération en modifiant la loi, cela change tout.
En substance : le dossier est « politiquement mûr ».
- Le kern de la Vivaldi s’efforce de trouver une solution, de délier ce nœud énergétique. Enfin. Mardi, le PDG de la branche belge d’Engie, Thierry Saegeman, a rendu un ultime courrier au Seize. « Il est clair que le nœud est à Vilvorde, avec ce permis pour exploiter la centrale à gaz. Mais cela relève de la compétence du gouvernement flamand. Il faut avoir le courage de faire passer le dossier à ce niveau. Laissez-les expliquer que les lumières s’éteindront », nous dit un initié.
- Plusieurs partenaires de la coalition au sein de la Vivaldi estiment que le dossier traîne depuis trop longtemps. « Il est temps de mettre cela derrière nous. Cela a déjà pris beaucoup trop de temps et suscité beaucoup trop de controverses. Le Premier ministre doit maintenant en prendre le contrôle et le résoudre », a déclaré fermement un président de parti de la majortié
- « Il est ennuyeux que Paul Magnette (PS) critique à nouveau ouvertement De Croo. Mais le chef du PS n’a pas tort : un Premier ministre doit résoudre les problèmes, pas les laisser en suspens », estime un autre chef de parti.
- Il est frappant de constater que le CD&V est particulièrement agacé par le rôle de Zuhal Demir (N-VA), le ministre de l’environnement du gouvernement flamand. Elle a, à elle seule, refusé le permis de Vilvoorde. « Elle agit toute seule, elle ne concerte pas. Il faut que cela change », disent les dirigeants du CD&V. Ce n’est pas un hasard si Demir affronte le syndicat des agriculteurs du CD&V à couteaux tirés dans le grand dossier de l’azote. Ces deux dossiers se rejoignent désormais en Flandre.
- Mais à part cela, il y a aussi beaucoup d’irritation à propos des partenaires libéraux de la coalition. Les écologistes trouvent « incompréhensible » que l’Open Vld ait d’abord laissé la porte ouverte au MR pour attaquer la ministre Van der Straeten. Les mots sont durs à l’encontre de Bouchez : « Peut-être est-il vraiment temps de réfléchir plus fondamentalement à ce que nous attendons encore de ce gouvernement ? Avec lui dehors, c’est possible. » Une option déjà évoquée plus tôt cette semaine.
- Cela remet sur la table le vieux rêve de la gauche de remplacer le MR par le cdH. Il y a eu de l’agitation à ce sujet toute la semaine. Cela est dû en grande partie à la séquence de la semaine dernière au sein du gouvernement wallon. Là aussi, PS et Ecolo auraient parfaitement pu pousser le MR, et amener le cdH de Maxime Prévot à bord. Ce dernier a déjà fait savoir ouvertement qu’il était « disponible », dans La Libre.
- « Mais une fois de plus, Magnette a hésité, et n’a pas poussé. Mais il est maintenant clair que le PS et Ecolo vont mener une politique de pouvoir brutale contre le MR dans ce gouvernement wallon : ils devront vraiment tout avaler, ou ils seront dehors », indique un président de parti.
- Cette stratégie semble être la seule option à adopter au niveau fédéral également si Bouchez devait continuer à faire des histoires avec les centrales nucléaires. Car pour les six autres partenaires, c’est clair : les sept réacteurs seront fermés, c’est le signal des Verts, des Socialistes, du CD&V et de l’Open Vld.
- « Avant la fin de l’année », c’est le timing que tout le monde avance. Cela signifie que le MR est désormais soumis à une forte pression. « Après 20 ans de tâtonnements, le temps presse. Il faut maintenant une certitude à 100 % », entend-on au cabinet de M. Van der Straeten, d’un ton combatif.