La Turquie semble faire tout ce qu’elle peut pour boycotter l’adhésion de la Suède à l’OTAN. Le fait qu’un politicien d’extrême-droite ait mis le feu à un Coran près de l’ambassade de Turquie en Suède ne fait que creuser le fossé entre les deux pays. David Criekemans, professeur de politique internationale à l’Université d’Anvers, a abordé le problème sur Business AM Radio.
« La Turquie dispose de facto d’un droit de veto au sein de l’OTAN »

Pourquoi est-ce important ?
L'invasion russe de l'Ukraine a provoqué une onde de choc en Europe. Plusieurs pays ont revu à la hausse leurs budgets de défense, tandis que la Finlande et la Suède ont également examiné leur position vis-à-vis de l'OTAN. Le 5 juillet, les deux pays ont signé un protocole d'adhésion, mais celle-ci ne semble pas encore imminente, la Turquie faisant de l'obstruction.Dans l’actualité : Un politicien suédois d’extrême-droite met le feu à un Coran près de l’ambassade de Turquie à Stockholm.
- « Vous pouvez déjà imaginer, bien sûr, que c’était intentionnel », a déclaré David Criekemans à Business AM Radio. « La Suède a une tradition de 200 ans de neutralité, et l’homme voulait manifestement mettre des bâtons dans les roues des relations entre la Turquie et la Suède au sujet de cette adhésion à l’OTAN. Cet incident a donné lieu à de nombreuses manifestations au Moyen-Orient, notamment en Irak et en Turquie. Car le Premier ministre suédois a déclaré qu’il condamnait cette action, mais qu’il défendait en même temps la liberté d’expression. »
- C’est un nouvel incident entre les deux pays, qui pourrait soulever la question de savoir si les choses vont s’arranger. Tout d’abord, la Turquie souhaitait que la Suède intervienne contre une série d’organisations terroristes, qui trouveraient refuge en Suède. Il s’agit notamment des organisations kurdes PKK, PYD et YPG et du mouvement musulman conservateur radical Gülen.
L’essentiel : pourquoi la Turquie fait-elle preuve d’autant de réticence à l’égard de l’adhésion de la Suède à l’OTAN ?
- En Turquie, la décision du président Recep Tayyip Erdogan semble être principalement influencée par l’imminence des élections du 14 mai. « Erdogan utilisera presque en personne ce genre d’incident pour renforcer sa propre popularité auprès de la population turque », explicite M. Criekemans.
- « La Turquie a pour tradition, lorsqu’elle veut obtenir quelque chose au sein de l’OTAN, d’être difficile et de mettre des bâtons dans les roues. Il est également vrai qu’il existe certaines sanctions à l’encontre de la Turquie, dans le contexte de la guerre en Syrie, et surtout dans sa relation avec la Russie », poursuit-il. À cette fin, le pays utilise opportunément le principe de l’unanimité au sein de l’organisation : si un nouveau pays veut adhérer, tous les États membres doivent donner leur accord.
- « De facto, la Turquie dispose d’un droit de veto au sein de l’OTAN, et il faut donc l’aplanir. D’autre part, j’ose dire qu’il existe une nouvelle réalité politique, parmi le reste des pays de l’OTAN. Tous vont en fait trop loin, il y a un soutien pour l’adhésion de la Suède et de la Finlande », résume Criekemans.
MB