La banque centrale turque a décidé ce mercredi de tripler son accord de lignes de swap avec le Qatar, des contrats d’échange qui fonctionnent comme des outils de protection contre un risque de liquidité en devises. Une tentative de rehausser la livre qui est tombée à son plus bas niveau, mais sera-ce suffisant?
Les temps sont durs pour la Turquie. Il y a deux semaines, la devise nationale chutait à son plus bas niveau historique après que le régulateur ait décidé d’arrêter la spéculation sur les devises. Le pays, qui est maintenant en train d’épuiser ses réserves de change (avoirs en devises étrangères et en or détenus par la banque centrale), doit affronter un déficit budgétaire croissant et une potentielle récession sur toute l’année.
Pour redresser la barre, la Turquie a donc décidé de tripler la limite initiale de 5 milliards de dollars de l’accord de swap conclu avec le Qatar en 2018, la portant désormais à 15 milliards de dollars. Cette modification a pour but d’améliorer les conditions de liquidité et fournir un financement en devises à la banque centrale turque. Celle-ci pourra ensuite fournir à ses banques nationales les liquidités étrangères dont elles ont besoin sans utiliser ses propres réserves de change.
‘Les principaux objectifs de l’accord sont de faciliter le commerce bilatéral dans les monnaies locales respectives et de soutenir la stabilité financière des deux pays’, a affirmé la banque. Les échanges de flux financiers sont effectués en livre turque et en riyal qatari.
Mardi, la livre turque a connu une légère hausse alors que des discussions évoquaient des lignes de swap de devises du Qatar, mais aussi de la Banque du Japon et de la Banque d’Angleterre. Celles-ci doivent toutefois encore être confirmées.
Un accord suffisant?
Tripler un tel accord de contrats d’échange, ce n’est pas rien, mais cela pourrait ne pas suffire à faire respirer un peu la Turquie. Le pays est dans de beaux draps, victime de deux ans d’affaiblissement de sa monnaie, d’une dette élevée et de la disparition rapide de ses réserves de change. En janvier, son taux de chômage avoisinait les 14%. Et le tourisme, secteur ô combien précieux pour la Turquie, aura besoin de temps pour se remettre de la pandémie…
‘Il n’est pas certain que l’accord de swap de devises Turquie-Qatar ait des effets tangibles sur l’économie turque’, souligne à CNBC Agathe Demarais, directrice des prévisions mondiales à l’Economist Intelligence Unit. ‘La Turquie cherche désespérément à avoir accès aux lignes de swap en dollars américains, que la Fed américaine continue de bloquer. L’accord de swap n’est pertinent que pour le commerce avec le Qatar, qui reste limité’.
La réserve fédérale américaine reste en effet réticente aux demandes turques. En mars, elle avait proposé des accords de lignes de swap en dollars à plusieurs pays… Mais pas à la Turquie. La mainmise de plus en plus en ferme du président Erdogan sur la banque centrale ne joue pas en sa faveur, faisant également fuir les investisseurs.
Pour ne rien arranger, les tensions politiques entre les États-Unis et la Turquie restent élevées suite à l’achat turc d’un système russe de défense antimissile. Un sauvetage par la Fed est donc grandement improbable.
Le régulateur bancaire du pays a toutefois annoncé mercredi l’exemption de deux banques – Euroclear Bank et Clearstream Banking – des limitations imposées aux banques turques contre les transactions en livres avec les institutions étrangères. Une décision prise début mai pour endiguer les ventes à découvert et la spéculation contre la monnaie, mais qui ont eu les conséquences terribles que l’on connait. En espérant pour la Turquie qu’elle ne connaîtra cette fois pas de retour de flamme…
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