L’automne s’annonce chargé pour le gouvernement fédéral. Outre les pensions, la fiscalité et le budget, d’autres sujets brûlants sont en préparation. Le dossier de la sortie du nucléaire, en plus d’être une discussion pratique et principalement technique, devient de plus en plus une question idéologique. Les verts sont dans une position difficile: comment continuer à justifier la construction de centrales à gaz supplémentaires, avec les inévitables émissions de CO2, en période de réchauffement climatique? Et cette vulnérabilité est ressentie par le MR, le partenaire gouvernemental qui a toujours été le plus fervent défenseur de l’ouverture des centrales. Ce week-end, un groupe de militants et d’universitaires faisait la une des journaux pour demander que les centrales nucléaires restent ouvertes.
Dans l’actualité: Une lettre ouverte d’ « Horizon 238 » avec un plaidoyer passionné pour l’énergie nucléaire, en première page de La Libre.
En détails: L’apparition soudaine de fervents défenseurs de l’énergie nucléaire, sans qu’il s’agisse de pur lobbying du secteur, en dit long sur l’atmosphère actuelle.
- Pour ceux qui se demandent ce que signifie le « 238 », il s’agit de l’uranium-238, l’isotope qui est à la base de l’énergie nucléaire. Pour ainsi dire, le groupe d’action est un peu « intello » et se décrit comme « des ingénieurs passionnés d’énergie nucléaire ».
- Dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), ils utilisent un ton dramatique: « Notre pays est sur le point de prendre une décision qui façonnera de manière indélébile son paysage énergétique pour les décennies à venir. » Donc la sortie du nucléaire, qu’ils veulent absolument éviter.
- « Le choix du gouvernement de sortir du nucléaire – la première source d’énergie bas-carbone en Belgique – et de financer de nouvelles centrales à gaz fossile via le mécanisme de rémunération de la capacité (CRM) est paradoxal et contre-productif.«
- « Cette décision ne ferait que renforcer la place prédominante des énergies fossiles dans le paysage énergétique belge. »
- « Croire qu’il est nécessaire d’abandonner le nucléaire pour développer les énergies renouvelables est un faux dilemme. »
- D’autres pays comme la Finlande, le Royaume-Uni ou encore le Canada ont fait le choix de bâtir leur transition énergétique sur ces deux sources d’énergie bas-carbone.
Frappant: ce message s’ajoute à celui des autres « believers ».
- Il y a Françoise Chombar, l’ex-PDG du fabricant de puces Melexis, qui a continué à donner des interviews tout au long de l’été. En tant que femme « capitaine d’industrie », elle a reçu beaucoup d’attention, mais toujours avec les mêmes « nouvelles ».
- Ce que Chombar ne cesse de répéter: « Fermer les centrales nucléaires est totalement irresponsable« .
- Ce faisant, elle parle d’un black-out total, car la capacité de production n’est pas garantie.
- « La transition énergétique est un problème politique complexe, sans solution miracle. (…) Malheureusement, le débat est mené de manière idéologique et partisane, ce qui fait que les faits scientifiques et leurs aspects économiques et sociaux sont (in)proprement balayés sous le tapis« , a-t-elle déclaré dans De Tijd, attaquant ainsi directement les verts.
- Ses interviews, en période estivale, ont beaucoup résonné.
De plus: La décision du Brabant flamand de ne pas autoriser les centrales de gaz a également des répercussions.
- S’agissait-il d’un jeu politique de parti, ou la N-VA se soucie-t-elle réellement des normes d’azote? Le fait est qu’en juillet, le député Gunther Coppens (N-VA) dans le Brabant flamand a annulé un projet de centrale de gaz à Vilvorde, contre l’avis de sa propre administration.
- « Le projet se heurte à la norme plus stricte en matière d’azote annoncée par la ministre flamande de l’environnement Zuhal Demir (N-VA). En outre, la ville de Vilvorde ne pourrait peut-être pas respecter son plan climatique à cause de la centrale », explique Coppens.
- Cette attitude frappante de la N-VA a fait l’objet de nombreuses critiques: il était politiquement très commode de souligner que ces usines à gaz provoquent des émissions supplémentaires de CO2 et d’azote.
Vue d’ensemble: la discussion est tendue sur l’énergie nucléaire.
- Avec le dossier de l’usine à gaz, Tinne Van der Straeten (Groen) a peut-être devant elle le dossier de politique énergétique le plus difficile politiquement: en effet, c’est la collision de deux visions écologiques.
- Historiquement parlant, la mouvance verte a été très anti-nucléaire. Comme trophée majeur du premier gouvernement fédéral de Groen et d’Ecolo (lors du gouvernement violet-vert Verhofstadt I), la fermeture des centrales nucléaires avait été convenue.
- Vingt ans plus tard, cet objectif n’a toujours pas été atteint : Meyrem Almaci (Groen) et Jean-Marc Nollet (Ecolo) avaient donc quelque chose d’historique à remettre à plat lorsqu’ils ont négocié l’accord Vivaldi.
- Mais deux décennies plus tard, la bataille sur l’énergie nucléaire a été reléguée au second plan par rapport au débat sur le climat. Il est certain que parmi la jeune génération des verts, la priorité est là, comme elle l’est dans la population générale. Des pays comme la Suède ont beau être (presque) neutres sur le plan climatique, ils le sont à moitié grâce à l’énergie nucléaire.
- En outre, du côté droit du spectre politique, les positions se sont durcies. Bart De Wever (N-VA) et Georges-Louis Bouchez (MR) voient dans l’énergie nucléaire un thème sur lequel ils peuvent se démarquer par rapport aux écologistes, qu’ils qualifient de « dogmatiques ».
- Durant l’été 2020, De Wever était prêt à faire des pieds et des mains pour rallier les verts et le PS sur la question de l’écologie. Avec un grand « njet »: les centrales nucléaires devaient rester ouvertes.
- Bouchez a essayé la même méthode avec Vivaldi: pour lui, il était hors de question de fermer définitivement les centrales. L’accord de coalition a donc annoncé une « révision à l’automne 2021« , liée à l’accessibilité financière et à la sécurité de l’approvisionnement.
Et maintenant? Le gouvernement fédéral est confronté à un choix difficile.
- Techniquement parlant, Nollet, le patron d’Ecolo, a toujours été remarquablement sûr de son affaire: ces centrales fermeraient effectivement, la procédure étant cette fois en faveur des verts. Engie, l’opérateur, semblait être d’accord avec lui: ils avaient déjà fait savoir à plusieurs reprises (dans un désespoir flagrant) qu’il serait « trop tard » pour maintenir les centrales ouvertes.
- Mais le dossier semble basculer. Dans les plus hautes sphères du MR, la confiance en soi avec laquelle on parle du dossier est frappante. Surtout après le déluge en Wallonie, qui a laissé une profonde impression de misère et qui est directement lié au réchauffement climatique.
- « Comment Groen et Ecolo vont-ils continuer à expliquer qu’ils veulent sauver le climat et s’entêter à construire des centrales à gaz? Qui peut continuer à défendre cela? », entend-on ainsi dans les cercles autour du président du MR.
- En outre, Nollet semble adopter une attitude remarquablement « pragmatique ». « En novembre, nous verrons s’il y a suffisamment de projets pour assurer l’approvisionnement en énergie lorsque toutes les centrales nucléaires fermeront. S’ils le sont, ils fermeront. Sinon, une ou deux usines resteront ouvertes plus longtemps. Je suis très sérieux à ce sujet », a-t-il déclaré dans De Standaard le week-end dernier.
- C’est frappant, car la vice-première ministre Petra De Sutter (Groen) a récemment tenu un langage différent sur le sujet. « L’échec n’est pas une option », a-t-elle déclaré à propos de cette sortie. « Je comprends qu’elle soit pleine de confiance. Quand je regarde ma liste, je vois que 2,3 mégawatts de centrales à gaz ont déjà été autorisés », a souligné Nollet en rappelant ce qu’il a toujours soutenu en coulisses: techniquement, la fermeture est presque inévitable.
- La question est de savoir si c’est toujours le cas politiquement. Car il n’y a pas que le MR qui veut entrer dans une bataille féroce au sein du gouvernement; du côté flamand, la N-VA est prête à creuser la question: comment émettre encore plus de CO2, en période de réchauffement climatique?
Après la débâcle: les rapatriements d’Afghanistan opèrent à plein régime.
- Qui dit « temps creux dans les médias » dit aussi Hans Bonte (Vooruit), le bourgmestre de Vilvoorde, avide de médias. Il a réussi à se mettre à nouveau sous les feux des projecteurs, dans le journal télévisé VRT, sur l’Afghanistan. D’abord avec la « nouvelle » que les gens de Kaboul sont reçus dans sa commune (dans la caserne de Peutie) et passent un test Covid. Puis encore, avec la critique « que sa police municipale ne pouvait pas faire toutes les tâches de surveillance ». Deux fois bingo: plein d’attention médiatique. Il faut le faire.
- L’opération « Red Kite » (Cerf-volant rouge) bat son plein. L’armée belge tente de faire venir à Melsbroek le plus grand nombre possible de Belges, ainsi que des interprètes et des fixeurs qui travaillent pour la Belgique. Dans les coulisses, il n’y a que des éloges les uns envers les autres au sein du gouvernement fédéral.
- Dans les couloirs du gouvernement fédéral, on entend quelques grincements de dents sur l’approche du duo Sophie Wilmès (MR) aux Affaires étrangères et Ludivine Dedonder (PS) à la Défense. Le fait est qu’à un certain moment, les choses ne fonctionnaient plus du tout comme avant.
- Mais cela semble avoir été corrigé maintenant, les choses fonctionnent bien. « Malgré la difficulté technique de l’opération, elle se déroule bien jusqu’à présent », a expliqué hier Dedonder.
- Pendant ce temps, l’horloge fait impitoyablement tic-tac. Parce que les Talibans ont fixé la fin du mois d’août comme ultimatum pour prendre le contrôle total de l’aéroport de Kaboul. Le président américain Joe Biden, qui a perdu beaucoup de crédit avec son approche de la question, a semblé taquiné qu’il laisserait ses troupes plus longtemps sur place, mais le nouveau régime en Afghanistan ne veut pas en entendre parler.
A craindre: Les conséquences à moyen terme ne doivent pas être sous-estimées.
- Tout d’abord, il y a une crainte générale à travers l’Europe que des scénarios comme celui de 2015 se répètent: une masse de réfugiés tentant de se frayer un chemin dans l’UE. A l’époque, c’était les Syriens, maintenant ça pourrait être les Afghans.
- En effet, les « hommes forts » tels que Recep Erdogan en Turquie, mais aussi Alexandre Loukachenko en Biélorussie, utilisent de plus en plus la migration comme une arme: ils ouvrent leurs frontières pour faire pression sur l’UE et obtenir des concessions.
- En 2015, cet afflux a exercé une forte pression sur le système politique, donnant notamment le vent en poupe à l’extrême droite.
- La question est de savoir si ce scénario se répétera pour l’Afghanistan. Une différence essentielle semble être que le régime taliban lui-même n’ouvrira pas les frontières, et que les pays voisins comme l’Iran, le Pakistan ou le Turkménistan ne semblent pas avoir l’intention de le faire non plus.
- Un deuxième effet de l’afflux qui se produit déjà: des fondamentalistes ou des personnes extrêmement violentes risquent-ils de venir? C’est ce que semblent craindre la police fédérale et la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V). C’est ce qui ressort d’un courrier interne qui a atterri dans Het Nieuwsblad.
- Le week-end dernier, le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw a assuré qu’il n’y avait pas de menace terroriste immédiate de la part des Talibans. Il s’est basé sur des rapports en provenance des États-Unis.
- L’afflux concerne bien sûr des cas individuels, ce qui signifie beaucoup de travail supplémentaire pour les services de sécurité belges pour tout suivre.
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