L’Union européenne et la Pologne s’opposent de plus en plus sur différents sujets de politiques internes. Le dernier gros dossier en date: le programme d’aides face à la crise du Covid. Le fonds d’aide est lié à un respect de l’État de droit. Une condition à laquelle s’oppose la Pologne. Cette opposition pourrait-elle mener à une sortie de la Pologne de l’UE — un Polexit ? Éléments de réponse.
Bien que le gouvernement polonais assure ne pas vouloir quitter prochainement l’Union européenne, un journal polonais, proche des autorités gouvernementales, a dévoilé cette idée au grand public. L’opposition au parlement polonais a aussi averti les médias que l’idée circulait dans les hautes sphères du pays. Le site Politico a relevé trois raisons qui pourraient pousser la Pologne à demander sa sortie de l’UE.
Des valeurs opposées
Le majeur problème qui existe entre la Pologne et les institutions européennes concerne concerne leurs valeurs respectives. Les valeurs dites ‘chrétiennes’ et ‘conservatistes’ de la Pologne sont à l’opposé des idéologies ‘libérales’ d’une majorité des pays européens. De ce fait, des décisions prises en Pologne ne plaisent pas à l’Allemagne, la France et d’autres grands États de l’Union. Les grands sujets qui font actuellement polémiques sont, entre autres, l’avortement, les droits des personnes LGBTQI ou encore les objectifs climatiques.
Un sentiment anti-UE
Les dirigeants polonais ont de plus en plus tendance à comparer l’Union européenne à l’URSS. Le ministre de l’Éducation, Przemysław Czarnek, n’a pas hésité à affirmer à la télévision nationale que l’Union européenne avait atteint un niveau de contrôle ‘pire que celui de l’Union soviétique et du communisme’, après que la décision de restreindre le droit à l’avortement ait été fortement critiquée dans les rangs européens.
Pour défendre la position de la Pologne sur le budget européen, le président du Conseil des ministres polonais, Mateusz Morawiecki, a notamment dénoncé devant le parlement les ‘décisions arbitraires’ venant de ‘l’oligarchie européenne’.
Au regard de ces affirmations, on peut dire que, même si ce n’est pas à l’ordre du jour pour le parti au pouvoir, un Polexit n’est pas inenvisageable dans les prochaines années. Et c’est bien ce qui fait peur à l’opposition.
Des arguments utilisés par les Britanniques pour le Brexit apparaissent dans le paysage politique polonais. Janusz Kowalski, secrétaire d’État polonais, a par exemple tweeté que l’apport de l’Union européenne pour la modernisation de la Pologne était insignifiant par rapport aux profits des investisseurs européens dans le pays.
L’avenir de la Pologne selon Kaczyński
Jarosław Kaczyński n’est ni président de la Pologne ni président du conseil des ministres, mais c’est lui qui est à la tête du parti Droit et Justice, qui contrôle une grande partie des politiciens au pouvoir. De facto, il est souvent considéré comme le vrai maitre d’œuvre en Pologne. Et l’Union européenne n’est pas vraiment dans ses projets.
Son but est de reconstruire la Pologne sur de toutes nouvelles bases. Le parti doit donc resserrer son emprise sur les différents niveaux de pouvoir (justice, média, gouvernement, etc.). Et ce n’est pas l’Union européenne qui devra lui dire comment gérer son pays.
Le ministre de l’Éducation, fervent membre de Droit et Justice réforme actuellement le système éducatif pour que les valeurs des conservateurs soient inculquées aux enfants dès leur plus jeune âge. Les projets comme celui-ci vont pousser la population polonaise de plus en plus loin des valeurs dominantes de l’UE.
Un Polexit impossible à l’heure actuelle
Mais aujourd’hui, le gouvernement ne pourrait pas lancer officiellement l’idée d’un Polexit, tout simplement parce que de trop nombreux facteurs sont encore en faveur de l’Union européenne. Dans un premier temps, la population est encore fortement attachée à l’Europe, malgré les discours anti-EU du gouvernement. Lors de l’adhésion de la Pologne à l’UE, 73% des habitants ont voté ‘pour’. Le sentiment pro-Europe s’est encore accru quand la population a vu les avantages de cette adhésion (marché unique, investissements européens, liberté de voyager).
En quittant l’Union européenne, la Pologne devrait dire adieu à tous ces avantages, qui mineraient son économie. 80% des produits polonais exportés sont à destination des pays membres de l’UE. Si le Royaume-Uni, 6e économie mondiale, souffre déjà financièrement de sa sortie, imaginez quels seront les dégâts sur l’économie polonaise, 22e au classement mondial, d’une telle décision. La Pologne se retrouverait toute seule, à tenter de se faire une place dans le marché européen central. Et ses alliances avec les pays proches comme la République tchèque, la Lituanie, la Roumanie ou encore la Slovénie pourraient devenir caduques, vu qu’il s’agit principalement de pays membre de l’Union européenne.
Lancer le Polexit dans ces conditions peut paraitre bien difficile, mais si les oppositions entre l’UE et la Pologne s’intensifient, c’est une option qui deviendra de plus en plus envisagée par les autorités du pays.