Selon des travailleurs de la firme en Californie, les politiques d’Amazon obligeraient les employés malades à travailler, les entrepôts refusant de se conformer à une loi sur les congés de maladie payés… Censée protéger le personnel contre le Covid-19.
Tout commence le 1er mai, quand Amazon met fin à une politique autorisant des congés illimités et non rémunérés. Une mesure qu’avait adoptée la société au début de la crise sanitaire pour permettre aux travailleurs de prendre des congés pour n’importe quelle raison. Ils renonçaient certes à leur salaire, mais pouvaient ainsi rester chez eux s’ils craignaient d’être infectés par le coronavirus ou s’ils devaient par exemple garder leurs enfants. Et ce avec la sécurité de ne pas perdre leur emploi.
Enfin, jusque-ici du moins. Car sans cette mesure, les employés assurent qu’ils pourraient désormais être licenciés s’ils sont absents. Des travailleurs d’Amazon dans l’Inland Empire, près de Los Angeles, ont ainsi déclaré au journal britannique The Guardian qu’ils craignaient de perdre leur emploi s’ils tombaient malades et devaient rester chez eux. Ils s’inquiètent même que ce changement de politique n’entraîne la présence de personnes malades et vulnérables dans les équipes. Et contagieuses si elles sont atteintes du Covid-19.
Amazon fait l’autruche?
Pour preuve, les employés ont partagé des mails montrant qu’Amazon a rejeté certaines demandes de congés maladie payés. La société affirme qu’une loi californienne visant à fournir des congés maladie supplémentaires pendant la pandémie… Ne s’applique pas aux entrepôts.
Il s’agit d’un décret adopté en avril dernier par le gouverneur de Californie. Celui-ci accorde aux travailleurs du secteur alimentaire deux semaines de congé de maladie supplémentaires rémunérées s’ils doivent s’isoler pour des préoccupations liées au Covid-19. La loi couvre les ‘travailleurs des entrepôts où sont stockées les denrées alimentaires’, visant ainsi à protéger les consommateurs contre le virus.
Or c’est bien le cas des entrepôts dans la région de l’Inland Empire, qui stockent parmi d’autres choses des produits alimentaires. Un porte-parole des travailleurs de l’Etat a lui-même affirmé au Guardian que la loi s’applique aux centres d’Amazon. Sauf que lorsque les employés ont demandé des précisions au département des ressources humaines, celui-ci a ignoré leurs questions ou prétendu que les installations ne font pas partie du secteur alimentaire. Une porte-parole d’Amazon a même affirmé dans un mail que l’entreprise ‘s’est conformée à toutes les exigences données par l’État’.
‘J’ai peur de venir travailler, mais je n’ai pas le choix’, a déclaré anonymement un travailleur diabétique de 48 ans, par peur de représailles. ‘Je ne devrais pas être là. Nous risquons notre sécurité pour l’entreprise… Plus j’y pense, plus je suis stressé.’
Un autre employé anonyme, qui a contracté une pneumonie l’année dernière, craint de subir de graves complications s’il attrape le coronavirus. ‘Il ne devrait même pas y avoir de débat à ce sujet. C’est incroyablement éprouvant pour les nerfs.’ Lorsqu’il a interrogé les RH sur la loi relative aux congés de maladie payés, l’entreprise lui a indiqué les mesures qu’ils pouvaient prendre pour demander… Un congé sans solde. Et même dans ce cas-ci, Amazon peut attendre plusieurs semaines avant de donner suite à ce genre de demande.
Autant de problèmes (et plus) qui ont poussé les employés de la firme à protester. Selon le chef d’équipe Chris Smalls, un ancien employé licencié pour avoir incité ses collègues à protester, cette ‘révolution est maintenant mondiale’.
La fermeture se prolonge en France
Pour ne rien arranger, les entrepôts français resteront fermés au moins jusqu’au 13 mai. Amazon avait pris la décision d’y suspendre ses activités à la suite d’une décision judiciaire la condamnant à se limiter aux envois de produits essentiels sous peine d’une astreinte de 1 million d’euros par jour et par infraction constatée. Le tribunal de Nanterre avait été saisi par les syndicats, inquiets pour la santé des salariés. La cour d’appel de Versailles est ensuite venu donner raison aux syndicats qui réclamaient une évaluation des risques liés au Covid-19.
Les employés d’Amazon France sont ainsi à l’arrêt depuis le 16 avril, mais eux sont plus chanceux que leurs collègues américains: le personnel français (près de 10.000 personnes) est payé à 100% pendant cette interruption, selon la direction.
Pendant ce temps, la firme a connu une explosion des ventes lors la pandémie, avec des revenus de 75,4 milliards de dollars au cours du premier trimestre, soit plus de 33 millions de dollars par heure. Le patron Jeff Bezos a lui ajouté quelque 24 milliards de dollars à sa fortune personnelle depuis le début de la crise.
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