En l’absence de décision politique, la Belgique doit se doter d’installations supplémentaires pour entreposer ses déchets nucléaires. Des bâtiments appelés à être contaminés et devenir, à leur tour, des déchets radioactifs.
Il est important de décider maintenant. Surtout que, depuis 11 ans, la proposition d’une politique nationale en matière de stockage géologique se trouve entre les mains des ministres de l’Énergie. Cet énième (r)appel à l’action, on le doit à Marc Demarche, directeur général de l’Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF).
Auditionné par les parlementaires de la sous-commission de la sécurité nucléaire, le responsable de l’ONDRAF a exposé une arithmétique assez simple qui devrait en théorie convaincre quiconque de réagir.
L’absence de décision aura pour conséquence, outre une mise en demeure de la Commission européenne, qu’il faudra construire des installations d’entreposage supplémentaires. Et les bâtiments construits devront également être démantelés, car ils seront contaminés, et deviendront à leur tour des déchets radioactifs supplémentaires.
Formulé autrement, l’attentisme politique génère des déchets radioactifs.
Enjeux légaux et budgétaires
Outre l’enjeu radiologique, il convient d’ajouter à ce tableau politique la procédure européenne visant notre pays. Pour mémoire, la Commission européenne a lancé en 2019 une procédure contre la Belgique, affirmant qu’il n’existait pas de politique nationale pour la gestion des déchets radioactifs de haute activité et/ou de longue durée de vie. Ce qui constitue une infraction à la législation européenne (directive 2011/70/Euratom). Ce à quoi le gouvernement fédéral belge avait répondu que cette politique était en préparation et serait finalisée… en 2020.
Parallèlement, soulignons qu’il n’y a pas que l’horloge qui tourne mais également le compteur des dépenses. En l’absence de décision définitive sur le stockage des déchets nucléaires, l’ONDRAF a estimé que 11,2 milliards d’euros seraient nécessaires rien que pour la conservation de l’ensemble des déchets radioactifs industriels provenant des centrales nucléaires.
Pour quand peut-on espérer une décision politique ? Le directeur général de l’ONDRAF a avoué ne pas être en mesure de répondre.
Projet de société
Une fois que le processus décisionnel sera enclenché, encore faudra-t-il concrétiser les plans. Un calendrier assez ‘optimiste’ prévoit au plus tôt l’année 2070 pour les déchets radioactifs de faible ou moyenne activité à vie longue (catégorie B), et l’année 2100 pour les déchets de haute activité à vie longue (catégorie C). Alors que la sortie du nucléaire, le démantèlement des centrales et le stockage de leurs combustibles usés, restent eux fixés à 2025.
En plus, comme le fait remarquer Marc Démarche, il ne faut pas non plus négliger la dimension sociétale. Les habitants de Doel, Tihange, Mol ou Dessel ont eu besoin de perspectives pour accepter l’entreposage de matières fissiles ou de déchets radioactifs. Les dirigeants doivent encore mettre en œuvre un cadre qui permette à la population locale d’adhérer au processus décisionnel.
Surtout que les avantages des centrales nucléaires appartiennent au passé, explique le DG de l’ONDRAF, il serait injuste de faire supporter leurs inconvénients par les générations à venir.
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