Les nouvelles lois votées par la Hongrie passent mal au sein de l’Union européenne depuis un petit moment. Les dérives autoritaires du Premier ministre Viktor Orban font de moins en moins rire les dirigeants européens. Et sa dernière loi contre la communauté LGBTQ+ est la goutte qui fait déborder le vase. « La Hongrie n’a plus rien à faire dans l’Union européenne », a déclaré le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte. Mais la Hongrie peut-elle être si facilement mise à la porte?
La Hongrie pourrait-elle être forcée de quitter l’Union européenne?
Pourquoi est-ce important ?
L'Union européenne a des valeurs bien précises: liberté, démocratie, État de droit, respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Des valeurs qui sont décisives pour autoriser un pays à entrer dans cette institution. Mais une fois que le pays a acquis son droit d'entrée, qu'est-ce qui l'empêche de faire fi de toutes ces valeurs et de repasser à un régime autocratique, comme semble le faire la Hongrie?Ce mois de juin connait déjà un sommet européen particulièrement chargé. Et le président du Conseil, Charles Michel, a ajouté en dernière minute la question de la loi anti-LGBTQ+ de la Hongrie. Cette loi interdit « d’afficher » et de « promouvoir » l’homosexualité et les transidentités auprès des mineurs. En outre, la loi stigmatise cette communauté en créant un amalgame avec les pédocriminels.
Acceptez nos valeurs ou partez
En Europe, cette loi a fait bondir les associations de défense des droits de l’homme, mais aussi les États membres de l’Union européenne. Début de semaine, 17 pays européens, à l’initiative de la Belgique, avaient interpellé par lettre les chefs de l’UE et de l’ONU sur « les menaces contre les droits fondamentaux, et en particulier le principe de non-discrimination en raison de l’orientation sexuelle ». La Hongrie n’était pas formellement citée, mais c’était bien elle qui était visée.
Et cela semble avoir un impact fort, puisque le sujet a été mis à l’agenda du Sommet européen, alors qu’il ne devait pas être discuté avant la réunion des ministres des Affaires européennes. Mais avant même que cette discussion n’ait lieu, certains dirigeants des pays membres ont déjà rappelé à la Hongrie que si les valeurs de l’UE ne lui plaisaient pas, elle pouvait toujours sortir. « La Hongrie n’a plus rien à faire dans l’Union européenne », a déclaré le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte. Tandis que le Premier ministre portugais, Antonio Costa, rappelait gentiment que si le pays voulait faire partie de l’UE, il fallait « en respecter les règles et les valeurs ». La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé qu’elle allait évaluer la conformité de cette loi par rapport à la législation européenne.
Mettre la Hongrie à la porte?
La Hongrie a déjà affirmé qu’elle ne souhaitait pas quitter l’Union européenne. « La Hongrie ne veut pas quitter l’UE. Au contraire, nous voulons la sauver des hypocrites », a tweeté la ministre hongroise de la Justice, Judit Varga.
Contrairement à ce qu’avaient proposé les Pays-Bas, il y a donc peu de chances que la Hongrie fasse usage de l’article 50 du traité de l’UE comme l’a fait le Royaume-Uni, il y a 5 ans de cela. Alors que peut faire l’Union européenne lorsqu’elle juge qu’un pays membre a transgressé les règles?
Il y a évidemment la possibilité de passer par des sanctions. Lors des discussions sur le plan de relance européen, les subventions ont été conditionnées au respect de l’État de droit. La Hongrie – tout comme la Pologne – s’y était d’ailleurs opposée avant de finalement accepter. Cette condition impliquait que si un pays ne respectait pas les règles fondamentales de l’État de droit, il ne pourrait pas avoir accès au fonds européen de relance.
Mais il existe une possibilité qui va plus loin: la suspension d’un pays de l’Union européenne. Cette possibilité a été créée dans le cas où un pays « violerait de façon grave et persistante » les valeurs de l’Union européenne. L’article 7 du traité d’Amsterdam pourrait donc être évoqué par un pays membre, s’il juge que la Hongrie a, cette fois-ci, été trop loin.
Une procédure longue et douloureuse
On l’a bien vu pour le Royaume-Uni, sortir de l’Union européenne est une procédure longue et douloureuse. La suspension l’est presque autant. Le texte de suspension d’un État membre n’implique pas une sortie totale, mais la suppression temporaire de certains droits offerts par l’Union européenne, comme l’accès au marché unique par exemple. Mais il semble toutefois avoir été rédigé pour qu’il soit très difficilement mis en pratique.
Tout d’abord, il faut qu’un pays de l’Union européenne ou que la Commission en fasse la demande et présente les faits qui prouvent la violation des valeurs européenne. Il faudra notamment prouver que la discrimination envers la communauté LGBTQ+ s’oppose à la vision de l’Union européenne. Et certains pays, dont la Pologne, considérée comme le pays le plus hostile aux homosexuels de l’UE, devront alors aussi répondre de leurs actes. Ensuite, le Conseil et le Parlement européen doivent constater cette infraction. Alors seulement, un vote, à la majorité qualifiée, peut décider de cette suspension. Il faudra ensuite déterminer de quels droits sera privé le pays visé.
Toutefois, avant même d’en arriver là, le traité de Nice de 2001 conseille d’adresser des recommandations au pays qui pourrait dépasser les bornes. Il est donc possible, dans le cas de la Hongrie, que l’Union européenne lui donne une sorte de sursis en lui indiquant les limites à ne plus dépasser si elle ne veut pas être poussée à la porte par les 26 autres États membres.
Ce vendredi 25 juin, une conversation – que la France espère « franche et ferme » – aura lieu entre tous les chefs d’État. Chacun pourra alors y expliquer ses griefs et la Hongrie pourra se défendre. Cela entre totalement dans l’esprit actuel de l’Union européenne : « Il n’y a rien qui ne peut être résolu par la discussion ».
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