Des travaux de maintenance auront lieu sur Nord Stream 1 plus tard en juillet. L’afflux en gaz, depuis la Russie, sera arrêté. L’Allemagne craint que cela puisse servir de prétexte à la Russie pour arrêter l’approvisionnement tout court. Les prix augmentent déjà en prévision.
Un prétexte. Voilà de quoi l’Europe, et en premier lieu l’Allemagne, a peur. Que la Russie utilise la fermeture temporaire de Nord Stream 1, qui aura lieu du 11 au 21 juillet pour cause de maintenance annuelle, comme un prétexte pour couper purement et simplement l’approvisionnement en gaz. Comme un signal, la peur semble avoir changé de camp au niveau énergétique.
Certains pays sont déjà coupés du gaz russe comme la France, le Danemark, la Pologne, les Pays-Bas et la Bulgarie. Le débit du gazoduc qui rejoint l’Allemagne depuis la Russie, le plus important d’Europe, a été réduit de 40% fin juin. Or, la première puissance économique du continent est aussi l’un des pays européens le plus dépendant du gaz russe. En raison de la baisse des importations, l’Allemagne est passée au deuxième niveau d’alerte (sur trois). Le 3e niveau lui accorde le pouvoir de rationner son gaz aux ménages et aux entreprises.
A terme, l’Europe veut de toute manière se débarrasser des énergies fossiles russes (une réduction des importations à hauteur de 66% est prévue pour la fin de l’année pour le gaz). Mais être coupé d’un coup des approvisionnements, à l’heure où les réserves souterraines sont loin d’être pleines, est un scénario qui fait froid dans le dos à l’Allemagne et à d’autres pays européens approvisionnés via Berlin.
Plausible?
Pour le président du régulateur allemand de l’énergie, la Bundesnetzagentur, Klaus Mueller, la fermeture pour maintenance du gazoduc Nord Stream 1 pourrait bel et bien être une fermeture définitive. « Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que le transport de gaz ne soit pas repris par la suite pour des raisons politiques », explique-t-il à CNBC.
On indique également souvent que Poutine utilise le gaz pour tester et briser le front commun européen. Des spéculations sur des menaces de coupure font en tout cas son jeu. Elles font aussi augmenter les prix, ce qui arrange aussi Moscou.
Henning Gloystein, expert en matière d’énergie auprès de la société de consultance en matière de risques politiques Eurasia Group, estime que si la Russie coupe effectivement l’approvisionnement sous prétexte de travaux de maintenance, les réserves ne pourront être remplies et l’Allemagne devra passer au troisième niveau d’alerte.
Mais il rappelle également que la Russie perdrait alors son dernier levier de négociation qui lui reste pour menacer l’Europe dans les cas de sanctions supplémentaires. Poutine voudrait aussi continuer à profiter des prix élevés du gaz, tout en gardant l’option de couper l’approvisionnement de gaz sous le coude et l’utiliser plus tard dans l’année, de manière plus drastique qu’aujourd’hui, analyse l’expert. Moscou pourrait par exemple fermer le robinet comme réponse à l’instauration d’un plafond de prix par le G7.
Après d’autres travaux réalisés sur un gazoduc qui relie la Russie et la Turquie, le gaz a continué à être envoyé, ajoute Thomas Rodgers, de la société de consultance en énergie ICIS. « Nous ne voyons actuellement aucune solution aux problèmes de compresseur supposés qui ont poussé les flux de Nord Stream 1 à ce niveau bas (une des raisons invoquées par la Russie pour réduire les afflux de gaz de 40% ces dernières semaines, NDLR), mais nous ne nous attendons pas à un arrêt complet après la fin de ces travaux », continue-t-il.
Quoi qu’il en soit, une chose est déjà sûre : la réalisation de ces travaux comportera son lot de suspense. Le prix du gaz ne cesse de fluctuer, et ce, de manière importante. Ainsi, si le prix du gaz néerlandais, appelé TTF, était d’environs 89 euros avant la guerre, il a explosé peu après l’invasion de l’Ukraine par la Russie pour atteindre le niveau historique de 210. Il est ensuite redescendu à 85 euros il y a un mois, avant de remonter à 170 euros, suite aux doutes de cette fermeture (et d’une grève du secteur en Norvège).