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La Commission européenne exige une réforme des pensions de 1 à 1,2 % du PIB, et met une pression considérable sur l’argent du plan de relance : « Faites une demande en septembre, ou l’aide européenne sera perdue »

La Commission européenne exige une réforme des pensions de 1 à 1,2 % du PIB, et met une pression considérable sur l’argent du plan de relance : « Faites une demande en septembre, ou l’aide européenne sera perdue »
Thomas Dermine (PS) – VIRGINIE LEFOUR/BELGA MAG/AFP via Getty Images

« Si la Belgique ne soumet pas sa première demande de paiement en septembre, le montant d’aide associé risque d’être définitivement et totalement perdu. » La Commission européenne est ferme, concernant la réforme des pensions et l’argent du plan de relance européen, une enveloppe à 4,5 milliards d’euros pour la Belgique. Lors d’un contact avec le gouvernement belge à la fin de la semaine dernière, des hauts fonctionnaires de la Commission ont été très clairs, c’est ce qu’il ressort d’une note interne envoyée à la Vivaldi. Le secrétaire d’État à la Relance, Thomas Dermine (PS), n’a pas pu encore demander la première tranche de l’argent du plan de relance, parce que la Belgique n’a toujours pas tenu sa promesse à l’Europe de réformer les pensions. Mais on ne peut pas attendre indéfiniment. « Certains pays en sont à leur quatrième demande de paiement, le retard de la Belgique est très grand », dit la Commission. Elle souligne également que « le montant qui peut être perdu est plus grand que la part du gouvernement fédéral : les régions seront également touchées ». Il n’y a plus de flexibilité. Et pire, la Commission souligne aussi que la réforme des retraites doit être neutre en termes de budget par rapport à 2019, elle doit coûter 1 à 1,2 % du PIB en moins qu’actuellement. Un énorme effort attend la Vivaldi, bien plus que ce que le PS souhaite. « La situation est dramatique », disent les libéraux. « Nous attendons De Croo », répond sèchement le PS.

Dans l’actualité : « La situation de la Belgique est désespérée« , dit la haute fonctionnaire européenne Céline Gauer dans le rapport.

Les détails : La pression sur la Vivaldi pour commencer à s’attaquer aux pensions est énorme. La Belgique risque de perdre non seulement la première tranche, mais aussi tout l’argent du plan de relance européen pour le mois de septembre.

  • La Vivaldi a reçu une sérieuse réprimande de la Commission européenne vendredi dernier. C’est ce qui ressort d’un document diplomatique interne qui a atterri sur le bureau du Premier ministre et de plusieurs cabinets, et que Business AM a pu consulter. La note de la haute fonctionnaire européenne Céline Gauer, qui supervise l’ensemble du plan de relance européen, est très lourde.
  • Le gouvernement fédéral voulait savoir quelles seraient les conséquences financières pour le budget belge si certains montants du plan de relance ne devaient pas être payés parce que certains jalons (lire : les pensions) ne seraient pas atteints.
  • La Commission a alors souligné toute une série de points :
    • Si la Belgique ne soumet pas la demande de paiement de cette première tranche – au total 974 millions d’euros – en septembre, « le montant d’aide associé risque d’être définitivement et totalement perdu ».
    • D’autres États membres en sont déjà à leur demande pour une quatrième tranche. « Le retard de la Belgique devient très grave », ajoute le document.
  • Et à la question de combien cela coûtera à la Belgique si aucune avancée n’est faite sur les pensions en septembre, et que la demande de paiement n’est pas non plus présentée :
    • Ces pensions « sont la réforme la plus importante du plan de relance ». Si la réforme ne semble pas « bonne » lors de la première tranche, « une réduction du paiement s’ensuivra ».
    • Mais pire : si la promesse n’est toujours pas tenue par la suite, « le coût financier sera très grand : le facteur de multiplication sera alors de x 10 », dit le rapport. En pratique, l’amende peut se chiffrer en centaines de millions d’euros.
    • Plusieurs évaluations sur cette amende ont déjà été réalisées par le passé et elles se contredisent. Début avril, Thomas Dermine évoquait lui-même une « perte de 150 à 200 millions d’euros ». Fin mai, la Cour des comptes et le SPF Économie ont évoqué sans grande précision « quelques dizaines de millions d’euros ». On sait maintenant que ce sera potentiellement beaucoup plus.
    • On sait par exemple que le montant perdu sera plus grand que l’ensemble de l’argent du plan de relance pour le fédéral. Ce qui ne veut dire qu’une chose : les Régions perdront également de l’argent européen. « D’autres entités seront également touchées », précise le document.
    • Dans tous les cas, le temps presse : le fédéral a déjà dû emprunter 400 millions d’euros pour assurer la continuité des projets financés par ce fameux plan de relance.
  • Enfin, la Belgique a demandé combien d’économies la Commission européenne attendait réellement sur les pensions. Car cela reste un sujet de contention au sein de la Vivaldi : le PS ne veut aller que jusqu’à 0,3 % du PIB, les libéraux insistent pour plus. La Commission ne veut pas poser d’exigences strictes, mais « elle constate que selon tous les chiffres et informations disponibles, le coût supplémentaire de la réforme des pensions par rapport à 2019 sera certainement de 1 à 1,2 % du PIB. » Cela signifie qu’un exercice d’économie beaucoup plus important que prévu doit être réalisé.

L’essentiel : La réforme des pensions doit avoir lieu, ou un drame financier n’est plus très loin.

  • À partir du 30 juin, la Belgique peut en principe facilement demander la deuxième et la troisième tranche de l’argent de relance européen : il s’agit d’1,7 milliard d’euros, en plus du milliard de la première tranche, qui n’a pas encore été demandée. Mais ces tranches sont toutes « en attente ».
  • La situation risque donc de devenir particulièrement sombre dans le plan de relance, qui était pourtant un cheval de bataille du gouvernement Vivaldi, et notamment du secrétaire d’État Thomas Dermine (PS).
  • Le dossier des retraites est complètement bloqué au sein de la Vivaldi. Le PS a des propositions, avec la ministre compétente des Pensions, Karine Lalieux. Mais à la frustration du plus grand parti au gouvernement, le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) ne parvient pas à faire avancer le dossier. « Nous attendons », est le message au sommet du PS, quelque peu irrité.
  • Seulement maintenant, De Croo a une bonne raison d’attendre. Les propositions du PS sont loin de ce que la Commission européenne attend réellement de cette réforme des pensions : il était question d’une économie entre 0,3 et 0,4 % du PIB, la Commission en attend trois fois plus.
  • « La situation est dramatique, le PS devra le reconnaître », disent les libéraux. Le temps presse impitoyablement pour le PS et Dermine. Les partis de droite au sein de la Vivaldi veulent exploiter cette perche tendue par l’Europe : soit le PS doit faire plier Lalieux, soit il faudra laisser le grand trophée de Dermine subir de lourds dommages.

À la Chambre : Lahbib n’a pas convaincu et paye sans doute pour la mauvaise influence de son président, Georges-Louis Bouchez.

  • Voir le gouvernement tomber dans ce contexte semble impensable. Sans parler de l’accord avec Engie ou de la réforme fiscale.
  • Mais ce matin, Ecolo et le PS n’ont pas reculé dans les médias. Sur LN24 et la RTBF, Samuel Cogolati (Ecolo) n’a pas ménagé la ministre des Affaires étrangères, malgré le changement de ton et ses excuses hier face à la commission. Sur Bel-RTL, Ahmed Laaouej, le chef de groupe PS à la Chambre, ne s’est pas retenu non plus. Les deux partis ne semblent pas reculer, bien au contraire. Ils poussent Lahbib vers la sortie.
  • En commission, le même Cogolati et le député socialiste Malik Ben Achour ont eu des mots très durs contre Hadja Lahbib. Il est maintenant peu probable que les deux groupes parlementaires lâchent l’affaire, à moins qu’ils ne reçoivent l’ordre d’arrêter, d’en haut, et cela ne peut venir que de deux personnes : Paul Magnette (PS) et Jean-Marc Nollet (Ecolo). Mais ils ne bougent pas pour le moment.
  • Les excuses et les regrets n’ont pas suffi ? Tout cela a à voir avec le rôle de Georges-Louis Bouchez (MR), selon l’analyse de plusieurs présidents de parti au sein de la Vivaldi, du côté flamand. C’est lui qui a poussé inutilement Lahbib à s’en prendre au gouvernement bruxellois et à Pascal Smet.
  • Ecolo n’a pas oublié non plus l’épisode Sarah Schlitz et le PS n’est jamais contraire à faire mordre la poussière à celui qui s’est constamment opposé aux socialistes durant la législature, en mettant au passage pas mal de bâtons dans les roues de la Vivaldi.
  • « Cet homme a tant détruit. La façon dont Lahbib est attaquée ne peut s’expliquer que par la relation exécrable qu’entretient Bouchez avec presque tous les autres partenaires de la coalition », déclare un président.
  • En coulisses, les présidents de la majorité ont beaucoup discuté hier. Il est maintenant clair que du côté flamand, ni l’Open Vld ni le cd&v ne sont vraiment impatients de voir le gouvernement tomber. Le cd&v veut sauver sa réforme fiscale, même sous une forme réduite.
  • Pour l’Open Vld, une chute serait un désastre. C’est pourquoi tout le monde a été surpris que le Premier ministre n’ait pas mieux éteint l’incendie autour de la ministre des Affaires étrangères, la semaine dernière. « Nous pensions que c’était alors apaisé, mais apparemment pas du tout », dit un initié.
    • « Le Premier ministre est vraiment entré en action très tard. Ce n’est qu’hier soir qu’il a commencé à appeler ses vice-premiers pour calmer la situation. Mais on pouvait voir depuis longtemps que ça déraillait, non ? », dit un autre.
  • Le changement de cap le plus notable est à ranger du côté de Vooruit, malgré le fait que les socialistes aient perdu un homme dans la bataille, en la personne de Pascal Smet (Vooruit).
  • La semaine dernière, la cheffe de groupe Melissa Depraetere (Vooruit) a tiré à vue sur la ministre, mais hier, lors de la séance en commission, elle avait clairement reçu d’autres ordres : des critiques certes, mais sans plus.
  • Et ce matin sur Radio 1, le vice-premier ministre Frank Vandenbroucke (Vooruit) a voulu complètement clôturer l’affaire : pour les socialistes flamands, la crise a duré assez longtemps. Et ils n’ont clairement pas envie de faire tomber un gouvernement à cause de cela.
  • Savoir à quel point le gouvernement est en danger dépendra de l’attitude du MR. Est-ce qu’il forcera la ministre à rester en place et en fera une question de gouvernement ? Hier, elle a pourtant coché toutes les cases des excuses et des regrets, en tout cas sur la forme, comme les partenaires du MR le lui avaient demandé.
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10:00