Alors que la plupart des universités et hautes écoles belges exploitent le logiciel Office de Microsoft comme outil de travail principal, force est de constater qu’aujourd’hui les établissements n’ont pas la possibilité d’opter pour des ‘solutions libres’, une incompréhension aux yeux de la députée Écolo Margaux De Ré.
Chaque année à la rentrée, les hautes écoles et universités fournissent aux professeurs et étudiants une licence Office 365 valable durant toute l’année académique.
Selon la député Margaux de Ré, au-delà ‘du coût que cela représente’, deux autres problèmes engendrés par l’utilisation de ces logiciels méritent d’être soulevés :
- Le monopole exercé par Microsoft ‘auquel l’enseignement contribue au détriment de solutions éthiques, locales, plus démocratiques et écologiques’
- Le non respect du RPGD imposé par la législation européenne relative au respect de la vie privée, Microsoft étant basé hors Europe.
Il est vrai que l’on peut se demander si, à l’heure où le travail et les cours à distance sont plus que jamais de mise, d’autres solutions plus accessibles ne pourraient être envisagées. En effet, si certaines universités offrent aux étudiants la possibilité de travailler avec d’autres logiciels, l’utilisation du logiciel Office 365 est requise dans bon nombre d’écoles, sans oublier que des systèmes comme les cours par visioconférences, à portée plus générale, imposent aux étudiants d’utiliser tous le même logiciel (qui est souvent celui de Microsoft).
Des licences full cloud gratuites
De son côté, Microsoft tient à nuancer ces propos. Sébastien Place, responsable de la branche éducation en francophonie belge pour la filiale Microsoft Belux, conteste l’argument du coût invoqué par la députée. ‘Nos licences full cloud sont gratuites pour tous les membres académiques et leur étudiants’, explique-t-il. Quant à la version Business (A3) souvent utilisée dans les hautes-écoles et les universités, Sébastien Place affirme qu’elle n’est payante que pour les professeurs et cela selon un ratio de 1/40, ce qui signifie que pour une licence payée et attribuée à un professeur, 40 étudiants bénéficieront d’une licence gratuite.
Microsoft réfute également l’argument invoqué par la députée écolo portant sur le non respect des RGPD. Bruno Schroder, directeur technologique de la filiale Microsoft Belux argue que ‘le RGPD n’impose pas d’être basé en Europe pour que les règles soient respectées. Il s’agit d’une législation qui s’impose à toute personne qui traite des données européennes, que cette personne soit basée en Europe ou hors Europe. Elle s’applique donc à n’importe quelle organisation en possession de ce type de données. Le fait que nous soyons basés ou non en Europe ne remet pas en cause notre respect du RGPD. Nous sommes d’ailleurs les seuls à avoir étendu les règles de base du RGPD à tout nos clients mondialement.‘
La Belgique devrait-elle se raviser?
La députée Margaux De Ré soulignait dans son interpellation du 13 octobre, que l’utilisation de logiciels libres devrait être envisagée en Belgique, et que nos voisins nous avaient déjà devancés.
En juillet 2018, en Allemagne, une décision ferme avait été prise pour ‘interdire l’utilisation de Windows 10 et d’ Office 365 dans les écoles, parce que l’entreprise issue des GAFAM ne respecte pas la réglementation sur les données privées’.
Le fait que les données stockées dans le Cloud par Office 365 puissent être consultées depuis les États-Unis constituait une violation des lois allemandes et un ‘danger’ pour les étudiants dont les données n’étaient plus protégées. L’Allemagne avait alors préconisé une version plus ancienne de Windows ou une version locale d’Office.
Néanmoins, 15 jours plus tard, la DHBDI (Der Hessische Beauftragte für Datenschutz und Informationsfreiheit), a fait savoir dans un communiqué qu’elle annulait ‘une partie considérable’ de cette décision. Si cette annulation n’a eu que très peu d’échos, l’usage de Windows 10 et d’Office 365 reste néanmoins encore toléré en Allemagne, jusqu’à nouvel ordre.
Pourquoi la Belgique n’a-t-elle pas (encore) suivi le mouvement ? En novembre 2018 la Commission européenne avait déjà établi un document sur sa stratégie numérique, qui mentionnait explicitement une préférence pour les logiciels libres. Adopter des mesures similaires en Belgique pourrait permettre au secteur de l’enseignement de dégager des économies, tout en actant une ‘réponse forte’ face aux GAFAM, et en faisant prendre conscience des limites de ce genre de logiciels, largement utilisés aujourd’hui.
Une ‘fracture du numérique’
Selon la députée Écolo, la Belgique fait actuellement face à une ‘fracture du numérique’. ‘Le numérique n’est pas au cœur de la compréhension des citoyens et des citoyennes (…) or on sait que c’est aussi une façon de faire avancer les choix politiques au sein d’un pays’. Selon elle, la Belgique manque également d’experts sur le territoire belge ‘à l’exception de quelques organisations comme la fondation LibreOffice, par exemple, l’ancrage à ce niveau reste restreint’, ce qui peut compliquer les choses lorsqu’on souhaite faire passer une entreprise en logiciel libre.
Autre point non négligeable, qui fut également fourni comme réponse à l’interpellation de Margaux De Ré le 13 octobre, Microsoft Office offre une assistance en ligne très complète. À l’inverse, pour proposer des logiciels libres, il faudrait mobiliser des experts spécialisés dans ces programmes et le corps professoral pour former les étudiants, alors que les enseignants sont, au vu des circonstances actuelles, déjà fort occupés pour l’instant.
Même si une volonté de changement et de transition est donc déjà bien ancrée dans les esprits de certains, ‘tout’ reste donc encore à faire.