La BCE va-t-elle rester hantée par le « syndrome Trichet » ?

Powell a franchi le pas en confirmant, lors de la réunion de ce 26 janvier, non seulement la fin du programme de rachats d’actifs en mars de cette année, mais également la hausse des taux des Fed Funds à partir de mars. Et il a également confirmé que la FED allait commencer à réduire la taille de son bilan, le fameux resserrement quantitatif, durant cette année, sans toutefois donner le détail du timing, ni l’ampleur. Toutes ces mesures sont bien évidemment justifiées par l’envolée de l’inflation à des niveaux qui n’avaient plus été vus depuis 40 ans. D’autres Banques centrales ont déjà commencé ce resserrement monétaire et d’autres devraient encore suivre rapidement. La question qui se pose est évidemment de savoir ce que fera la BCE.

Le « syndrome Trichet »  

Même si, sur les 25 membres qui composent le Conseil des gouverneurs aujourd’hui, un seul, à savoir le gouverneur de la Banque centrale des Pays-Bas, Klaas Knot, était présent à l’époque, les dernières hausses de taux de la part de la BCE ont laissé des traces dans les esprits.

Il faut remonter déjà quelques années en arrière évidemment pour parler de hausse de taux de la part de la BCE et cela semble presque appartenir à une autre époque. Et pourtant, la BCE allait, sous la présidence de Trichet, procéder à des hausses de taux qui allaient marquer les esprits, non pas par l’augmentation en elle-même, mais parce qu’elle avait dû rapidement baisser les taux par la suite étant donné que le timing était le plus mauvais que l’on pouvait imaginer.

La BCE avait effectivement augmenté ses taux de 0.25% en juillet 2008, obnubilée par les anticipations à la hausse de l’inflation, alors que les signaux de la crise financière se faisaient déjà ressentir. Le deuxième épisode est intervenu en avril et juillet 2011 avec deux hausses de taux de 0.25% qui intervenaient à la veille de la crise de la dette de la zone euro.

Les temps ont changé

A la décharge de Trichet, la BCE était à l’époque arcboutée sur la stabilité des prix comme seul et unique objectif et n’avait pas encore mis en place des instruments de politique monétaire appelés non conventionnels. Mais face à ces deux crises et à la crise Covid, la BCE a adapté ses moyens, ses instruments et élargi considérablement son spectre d’analyse.

Elle se doit donc d’analyser maintenant les causes de la hausse de l’inflation en zone euro, en faisant la part des choses des facteurs exogènes qui ne peuvent en rien justifier une hausse trop rapide des taux. Mais aussi de sortir de ce « syndrome Trichet » qui ne peut en rien justifier un statu quo.

Bien évidemment, vu le niveau d’endettement des Etats, une hausse brutale des taux serait une nouvelle décision à contre-courant et qui se révèlerait dangereuse. Mais nous avons  besoin maintenant d’une politique monétaire claire et d’un message précis de la part de la BCE pour pouvoir appréhender au mieux l’univers dans lequel les marchés vont pouvoir évoluer.

La BCE y gagnera en crédibilité et simplement prétendre que l’inflation reviendra dans les objectifs de la Banque centrale n’est ni suffisant, ni réaliste non plus compte tenu des problèmes dans les chaînes d’approvisionnement et les tensions sur certaines matières premières.

Et en plus, en restant tétanisée par ce syndrome, la BCE ne se donnera pas de marge de manœuvre pour assouplir sa politique lors de la prochaine récession.


Carte blanche – Bernard Keppenne, Chief Economist CBC Banque

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