Une autre branche de la BCE, le département chargé de préserver la stabilité du système financier, met désormais en garde contre des effets néfastes sur les marchés des actions et de l’immobilier : les investisseurs prennent de plus en plus de risques en quête de rendement et le marché immobilier s’emballe dans certains pays de la zone euro. Les prix s’envolent, et la BCE met en garde contre une correction.
Politique d’inflation
Un exemple de cette contradiction interne est la hausse de l’inflation. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, est convaincue que la hausse rapide des prix est un problème temporaire et s’en tient, pour l’instant, à une politique attentiste, ce qui lui a déjà valu de vives critiques et le surnom de « Madame Inflation ».
Mais en raison de l’inflation élevée, le taux d’intérêt réel de la plupart des produits d’épargne (intérêt moins l’inflation) est non seulement faible en ce moment, mais même profondément négatif. Cette dépréciation monétaire incite les petits épargnants et les grands investisseurs à miser dans des produits plus risqués, note Luis de Guindos, vice-président de la BCE.
« Les rendements réels sont tombés à un niveau historiquement bas dans un contexte d’indications d’une modération de la reprise économique et de pressions inflationnistes accrues, encourageant la prise de risque sur les marchés financiers », peut-on lire dans le rapport présenté mercredi par le numéro deux de la BCE.
TINA et FOMO
D’un autre point de vue, la politique de taux d’intérêt zéro de la BCE entraîne deux effets qui sont souvent résumés par des acronymes :
- TINA ou « there is no alternative » (il n’y a pas d’alternative) : comme il n’existe pratiquement aucun produit à intérêt fixe offrant une protection contre une inflation élevée, même les épargnants les plus réfractaires au risque envisageront de faire un saut en bourse. Cela peut accroître la demande d’actions, ce qui alimente encore plus les prix des actions. Une spirale auto-alimentée est ainsi enclenchée. L’organe de surveillance de la BCE parle d' »exubérance » sur les marchés boursiers et met en garde contre un éventuel krach. « Les valorisations élevées rendent certains marchés financiers vulnérables à une révision des prix. »
- FOMO ou « peur de manquer » : De plus en plus d’épargnants et d’investisseurs ne veulent pas manquer la prochaine hausse des marchés boursiers et sautent dans le train. Un effet FOMO encore plus fort pourrait être à l’œuvre sur le marché de l’immobilier. Non seulement les acheteurs potentiels peuvent considérer l’immobilier comme un investissement sûr en raison des récentes hausses de prix, mais ils craignent également que la maison de leurs rêves devienne inabordable si les hausses de prix se poursuivent et que les taux d’intérêt hypothécaires augmentent à moyen terme.
Lagarde peut-elle encore tout contrôler ?
Tout cela conduit à une situation quelque peu schizophrénique. Alors que la politique monétaire de la BCE alimente les marchés boursiers et immobiliers, cette même BCE met en garde contre d’éventuelles bulles sur le marché. Christine Lagarde maintient pour l’instant les taux d’intérêt historiquement bas, alors qu’un autre camp en interne appuye pour que la BCE bouge enfin.
Mais ces faibles taux d’intérêt sont bons pour les Etats qui peuvent ainsi financer leur endettement. Un endettement fustigé par le même rapport. L’Etat est gagnant, mais l’épargnant est perdant, ce qui le mène à prendre plus de risque et à se confronter à une correction boursière.