Pendant que les attaques ukrainiennes se multiplient, le barrage cède à Krakhova : des évacuations massives sont en cours de part et d’autre du Dniepr

La rupture du barrage ce mardi matin menace toute une série de localités, de part et d’autre du fleuve. Les Ukrainiens accusent les Russes de sabotage, mais rien n’est certain. En attendant, les combats continuent et s’intensifient dans l’est du pays.

Dans l’actualité : très tôt ce matin, le barrage hydroélectrique de Nova Kakhovka, sur le Dniepr, dans le sud du pays, a été détruit. L’armée ukrainienne porte le blâme sur les Russes, qui occupaient le site.

  • Ces derniers jours, le niveau d’eau en aval du barrage avait plusieurs fois été jugé inquiétant ; il était jugé plus haut d’un mètre du niveau normal en cette saison, le 25 mai dernier. « L’élévation du niveau du Dniepr, qui a entraîné l’inondation d’habitations dans la région de Zaporizhzhia, est liée à l’occupation russe du barrage de Kakhovka », estimait à l’époque la compagnie publique Ukrhydroenergo.
  • Mais depuis ce matin, il n’y a plus qu’une brèche béante en guise de barrage, dans laquelle l’eau s’engouffre. La police ukrainienne vient de lancer un ordre d’évacuation dans toute une série de localités proches de l’embouchure du fleuve. « L’eau atteindra un niveau critique dans cinq heures » estimait le responsable de la région de Kherson, Oleksandr Prokudin.

La montée des eaux et les centrales

Les conséquences : elles pourraient tout bonnement être catastrophiques, et ce, de part et d’autre de la ligne de front. Sabotage longuement planifié, ou accident ? Impossible à dire pour l’instant, même si les Ukrainiens penchent vers la première option.

  • Les localités à évacuer et les populations à prendre en charge vont occuper les Ukrainiens à un moment qui semble crucial sur le front, encombrant la logistique. On parle de 22.000 personnes à évacuer.
  • Gonfler les eaux du Dniepr et les rendre impropres à toute tentative de traversée pourrait renforcer les défenses russes de cette partie du front, alors que celles-ci craignent des actions contre la Crimée toute proche. Le fait que les eaux du réservoir de Kakhovka étaient déjà anormalement hautes, comme pour en maximiser les effets, vient renforcer la thèse intentionnelle.
  • Mais un responsable russe de l’énergie avertissait aussi en mai que le barrage risquait d’être submergé par des niveaux d’eau records, note The Guardian. L’agence Tass a estimé que 80 localités seraient vraisemblablement touchées sur la rive occupée du Dniepr. En outre, le réservoir jouait un rôle dans l’approvisionnement en eau potable de la Crimée, très dépendante à ce niveau. On ne tarit pas les sources d’une zone qu’on pense bientôt assiégée.
  • Le barrage alimentait aussi les cuves de refroidissement de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, mais dont les six réacteurs sont à l’arrêt et déjà refroidis, ce qui devrait garantir la sécurité du site.

Sur le front

Les combats : les attaques ukrainiennes se multiplient, mais il est trop tôt pour voir se dessiner leurs objectifs.

  • Les Ukrainiens maintiennent un blackout très efficace, et les rares infos qui remontent sur leurs actions sont russes – et invérifiables. Le ministère russe de la Défense a déclaré lundi qu’une opération ukrainienne de grande envergure avait commencé dans cinq localités de la région orientale de Donetsk. Il annonçait les avoir repoussés avec de lourdes pertes, ce qu’aucune source ne confirme.
  • Des observateurs pro-russes sur Telegram signalent attaques et bombardements dans l’oblast de Donetsk, avec des chars Leopard engagés à Novodonetske. Là encore, impossible d’en être certain.
  • Des responsables américains en contact avec leurs homologues ukrainiens, mais tenus à un embargo strict, ont confirmé sous couvert de l’anonymat auprès du New York Times qu’ils considéraient la contre-offensive de Kiev comme lancée. Ceux-ci pensent aussi que les unités ukrainiennes avaient entamé une poussée initiale pour déterminer les positions et la force des Russes.

La stratégie : couper le pont terrestre ?

  • Les attaques signalées se trouvent en tout cas plus à l’est et au nord que ce qui était supposé. Les Ukrainiens ne semblent pas chercher à percer directement vers la Crimée, pourtant un objectif assumé aussi stratégique (c’est de là que partent nombre de bombardiers et missiles) que symbolique.
  • En perçant à Donetsk, les Ukrainiens pourraient se rabattre vers le sud et la mer d’Azov, coupant le pont terrestre qui relie la Crimée au continent. Elle isolerait ainsi quasiment la péninsule, à part via le pont de Kertch, qui a déjà fait preuve de sa vulnérabilité.
  • Mais gardons en tête que ce genre d’opération militaire peut prendre des semaines. Rien n’est certain, tout est possible. Nous sommes en plein brouillard de la guerre.
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