Alors que l’Europe cherche à accélérer l’électrification à coup de réglementation, ses ambitions pourraient être freinées par un manque d’investissement des industriels, dont l’attention est désormais accaparée par les États-Unis et leurs subventions vertes.
L’essentiel : 68 % de la production de batteries lithium-ion prévue en Europe risque d’être retardée, réduite ou annulée, selon une étude réalisée par l’ONG Transport & Environment, un groupe européen de campagne pour des transports propres, en raison de l’IRA (Inflation Reduction Act).
Les premiers effets se font déjà ressentir :
- Le géant suédois Northvolt a confirmé la construction d’une nouvelle usine aux États-Unis. Un projet « boosté » par les subsides verts décidés par Biden l’année dernière.
- Tesla a également freiné son projet de produire des batteries en Allemagne, privilégiant de nouvelles étapes de production aux États-Unis. Là encore, les incitations fiscales américaines sont pointées du doigt.
- Le projet de Lars Carlstrom de construire une gigfactory de batteries en Italie, Italvot, pourrait être relégué au second plan au profit de son grand frère, Statevolt, à savoir un projet similaire, mais prévu en Californie.
- D’autres projets en Serbie et en Espagne sont également menacés.
« L’Allemagne, la Hongrie, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni risquent de perdre le plus si les fabricants de batteries changent leurs plans », comme le montre ce graphique :

Solutions : l’ONG propose deux solutions pour éviter de voir les industriels quitter l’Europe au profit des États-Unis :
- La mise en place d’un soutien financier à l’échelle de l’UE pour augmenter la production de batteries.
- L’accélération des processus d’approbation des projets menacés par les subventions américaines.
Sans effort concret de la part de l’Union européenne, « la capacité de production de batteries équivalente à 18 millions de voitures électriques – 1,2 TWh – présente un risque élevé ou moyen d’être perturbé ou perdu », assure l’ONG. « L’Europe ne sera pas en mesure de satisfaire se demande de batteries en 2030 et devra importer de concurrents étrangers ».
À noter : une autre étude estime que l’impact de l’IRA en Europe sera limité en raison des critères stricts pour profiter des subsides américains et les subsides européens déjà en place.
Réponse attendue de l’Europe
« La fabrication de batteries dans l’UE est prise entre les feux croisés entre l’Amérique et la Chine. L’Europe doit agir ou risquer de tout perdre. Une politique industrielle verte axée sur les batteries avec un soutien à l’échelle de l’UE pour augmenter la production est nécessaire de toute urgence pour réagir aux subventions américaines et aux années de domination de la Chine. »
Julia Poliscanova, directrice principale des véhicules et de la mobilité T&E.
Les dirigeants européens sont montés au créneau pour critiquer les subventions vertes américaines, allant jusqu’à les qualifier d’anticoncurrentielles, sans qu’aucune réaction concrète n’ait été présentée, mais cela devrait changer dans les prochains jours.
- Le 14 mars prochain, la Commission européenne présentera en effet le Net Zero Industrial Act, son plan pour répondre – du moins, partiellement – à l’IRA.
Reste à voir si la réponse de l’UE sera suffisamment attractive pour pousser les entreprises européennes à rester et à développer leurs affaires sur le vieux continent et, pourquoi pas, attirer des industriels étrangers.
« La réponse de l’Europe devrait refléter la loi américaine sur la réduction de l’inflation en termes de focalisation, de simplicité et de visibilité. Un fonds central accessible à tous les États membres devrait donner la priorité aux chaînes de valeur des batteries, aux énergies renouvelables et aux réseaux intelligents. L’UE ne peut pas être compétitive si elle n’a pas une politique industrielle solide, axée sur l’augmentation de la production et récompensant les projets respectueux de l’environnement. »
Julia Poliscanova, directrice principale des véhicules et de la mobilité T&E.