La génération Z : la prochaine menace existentielle pour Google après ChatGPT

La semaine dernière, nous avons expliqué que Google risquait de perdre ses lucratifs revenus de moteur de recherche avec la montée en puissance de ChatGPT, même si beaucoup de choses peuvent encore être améliorées sur ce chatbot.

Cette semaine, cependant, sont arrivées des nouvelles encore pires, notamment que la génération Z – pour l’instant seulement aux États-Unis – commence à exclure les amis qui ne possèdent pas un appareil Apple. Une situation improbable. On savait depuis un certain temps déjà que le système d’exploitation d’Apple (iOS) avait dépassé le système Android en Amérique. Mais cela va bien sûr beaucoup plus loin. Que se passe-t-il ici et qu’est-ce que cela signifie pour Google à long terme ?

Pas de raison de paniquer, vraiment ?

On pourrait d’abord douter de ce mouvement de fond. L’OS d’Alphabet, la société mère de Google, détient toujours une part de marché impressionnante de 70 %. Cependant, on constate que ces quatre dernières années, Apple a commencé à réduire ce déficit et a gagné 7 %.

La génération Z ne devrait rien avoir à faire avec Android

Cette semaine, on a appris que les jeunes de la génération Z excluent leurs amis ou camarades de classe en fonction de la marque de leur téléphone portable. Ce genre d’histoire existait déjà depuis un certain temps, mais cette discrimination croissante est un fait nouveau. Même le Financial Times y a consacré une page entière.

Cela ressemble à un fait divers, mais c’est une situation qui en dit long. La génération Z – née après 1996 – constitue le groupe le plus important d’utilisateurs d’Apple, à hauteur de 34%. Le contraste est saisissant avec Android, qui ne compte que 10% de ses utilisateurs dans ce groupe cible. Cela a permis à Apple de passer la barre des 50% de parts de marché aux États-Unis l’année dernière. En 2019, la marque à la pomme n’en représentait qu’à peine 35% – une croissance furieuse, en d’autres termes.

L’obsession de la Gen Z

La génération Z passe plus de 6 heures par jour sur son smartphone. L’une des applications les plus utilisées dans l’écosystème Apple est la plateforme de messagerie iMessage. Les propriétaires de téléphones mobiles contrôlés par Android peuvent également envoyer des messages au sein de ce système, mais ceux-ci deviendront verts au lieu d’être bleus.

Cela signifie également que la qualité des photos est réduite, car l’application iMessage passe à une norme de texto inférieure. Aujourd’hui, il y a des vidéos virales sur TikTok dans la catégorie populaire « He’s a 10 but » (c’est une personne qui vaudrait 10/10 en termes d’attractivité, mais…), dans laquelle les personnes qui ont un Android ne sont notées que 0 ou 2 car elles n’ont pas d’iPhone.

Personne n’est autorisé à entrer dans le « Fort Apple »

Tout cela est dû à l’ambition d’Apple de construire un système fermé, où seuls les propriétaires d’appareils de la marque bénéficient d’un excellent service. Tim Cook, le grand patron d’Apple, a répondu laconiquement à la question d’un utilisateur : celui-ci voulait savoir pourquoi il était si difficile de communiquer avec sa mère, qui possédait un téléphone Android. La réponse de Cook ? « Alors achète un iPhone à ta maman. »

D’ailleurs, cette génération est attachée à cet iPhone, et ce, même si les prix s’envolent et que le téléphone Apple moyen est 3 fois plus cher qu’un équivalent Android. C’est du moins ce que révèlent les chiffres du cabinet d’études de marché Counterpoint.

Un autre cabinet d’études de marché, Canalys, a calculé que 83 % des jeunes qui possèdent un iPhone veulent rester chez Apple. Pour les utilisateurs d’Android OS, ce chiffre n’est que de 40 %. En outre, Apple vend beaucoup d’autres matériels supplémentaires. Pour 100 iPhones, elle vend 26 IPads, 17 smartwatches Apple et 35 paires d’Airpods.

Google prend des coups

Google est donc perdant sur tous les fronts. Son système d’exploitation est de moins en moins utilisé, ce qui, à long terme, signifie que ses partenaires comme Samsung auront aussi de plus en plus de mal.

De plus, Google paie une somme monstrueuse pour proposer son moteur de recherche sur l’OS d’Apple. La facture atteindrait 20 milliards de dollars en 2022, contre 1 milliard de dollars en 2014. En 2022, ce paiement de Google représente près de 20% du bénéfice d’exploitation d’Apple, qui s’élève à 114 milliards de dollars.

Comme si l’attaque frontale de ChatGPT et de Microsoft ne suffisait pas, Apple grignote également la domination de Google sur le marché. Si, la semaine dernière, nous avons évoqué le match de boxe entre Sundar Pichai, d’Alphabet, et Satya Nadella, de Microsoft, cette fois, c’est entre le même Pichai et Tim Cook.

Sundar Pichai (Google), Satya Nadella (Microsoft)

Des conclusions troublantes

Bien que ce ne soit pas une conclusion commerciale, on peut tirer deux implications sociales troublantes de cette histoire.

Les entreprises technologiques n’ont-elles vraiment aucune éthique et ne pensent-elles qu’à l’argent ? « Chapeau Apple. » D’un point de vue commercial, on ne peut que convenir que « Fort Apple » répond à tous les critères d’une affaire de premier ordre qui mériterait d’être enseignée à Harvard. La question se pose toutefois de savoir si personne à Cupertino ne s’interroge jamais sur le fait que les jeunes d’aujourd’hui travaillent tout un été pour acheter un iPhone afin de s’intégrer socialement. Et qu’en plus de cela, ils construisent un tel mur autour d’eux qu’ils commencent à exclure leurs amis et à ne pas leur permettre de communiquer correctement avec des utilisateurs non-Apple. La réponse de Tim Cook en dit long.

Il est encore plus alarmant de constater qu’un « système d’exploitation » est aujourd’hui la base d’une discrimination ouverte. En ces temps de mondialisation, comment se fait-il qu’une partie de la génération Z se livre à des pratiques aussi condamnables ? Poser la question, c’est y répondre. Plus que jamais, nous vivons dans un monde de doubles standards, dont nous souffrons tous. Nous voulons être verts mais continuer à voler, nous voulons de l’inclusion mais de préférence pas trop près de chez nous.


Xavier Verellen est auteur et entrepreneur (www.qelviq.com)

MB

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