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La Chine montre à la Russie qui est le patron : votre gazoduc Power of Siberia 2 peut encore attendre, M. Poutine

La Chine montre à la Russie qui est le patron : votre gazoduc Power of Siberia 2 peut encore attendre, M. Poutine
Les présidents russe et chinois Vladimir Poutine et Xi Jinping. (Contributor/Getty Images)

Depuis un an, la Russie est occupée à massivement rediriger ses échanges de l’Europe vers l’Asie. Notamment sur le plan de l’énergie, et plus particulièrement du gaz. Le Kremlin veut construire un nouveau gazoduc vers la Chine, mais celle-ci la fait languir.

Pourquoi est-ce important ?

En lançant une guerre en Ukraine, la Russie a fait capoter ses traditionnels échanges commerciaux avec les Européens et leurs alliés occidentaux. Elle est désormais contrainte de se tourner plein pot vers l'Asie, et son gros moteur chinois. Cela fonctionne pour certains produits, mais l'opération est encore loin d'être une pleine réussite. D'autant plus que, au vu de la situation, Moscou n'est pas en position de force.

Dans l’actu : une visite en Chine qui ne se clôt pas comme espéré.

  • Cette semaine, le Premier ministre russe Mikhaïl Michoustine s’est rendu en Chine avec plusieurs dossiers dans les bras.
  • Pour l’un d’eux, Power of Siberia 2, il a fait chou blanc.

Le contexte : pourquoi la Russie veut un nouveau gazoduc vers la Chine.

  • L’an dernier, suite aux sanctions prises à son encontre en raison de la guerre en Ukraine, la Russie a décidé de couper elle-même le robinet de gaz à bon nombre de pays européens.
  • Pendant ce temps, les Européens se sont efforcés de trouver d’autres voies pour s’approvisionner… tandis que l’axe gazier russo-européen a totalement explosé suite aux sabotages sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2.
  • L’opération a plus ou moins bien réussi, si bien qu’aujourd’hui, on les imagine mal – à quelques exceptions près – se retourner vers la Russie, même si la guerre venait à s’arrêter et les relations à dégivrer.
    • À Bruxelles, l’idée d’instaurer un embargo sur le gaz russe fait d’ailleurs son petit bonhomme de chemin, même si on en semble encore assez loin.
  • Avant la guerre, l’Europe était la destination n°1 du gaz russe. Moscou se démène donc pour trouver de nouveaux débouchés. Et elle compte notamment sur l’appétit chinois.
  • Le projet Power of Siberia 2, à l’étude depuis plus de dix ans, consiste à construire un gazoduc partant de la péninsule de Yamal, en Sibérie, pour rejoindre la Chine via la Mongolie.
    • Le gaz de Yamal était jusqu’ici surtout destiné au Vieux Continent : il faut bien l’envoyer ailleurs, désormais.

La Russie contrainte de baisser ses prix

Les négociations : la Chine est maîtresse de la situation.

  • Vous l’aurez compris, la Russie a tout intérêt à ce que le projet aboutisse le plus vite possible. L’un des grands objectifs du voyage de Michoustine était donc d’obtenir le feu vert chinois.
    • À en croire les propos tenus par Vladimir Poutine à l’issue de sa rencontre avec Xi Jinping en mars dernier, c’était du tout cuit : « pratiquement tous les paramètres ont été finalisés », s’était félicité le président russe.
  • Mais cette semaine, le feu chinois est encore resté à l’orange.
  • Certes, la Chine a elle aussi tout intérêt à ce que Power of Siberia 2 soit mis sur pied. Elle estime les gazoducs (terrestres) basés en Russie et en Asie centrale plus sûrs que les livraisons maritimes qu’elle peut recevoir depuis, par exemple, le Moyen-Orient.
  • Toutefois, la Chine n’est pas pressée. Et elle sait que Moscou ne veut (et ne peut) plus attendre. Cela met Pékin en position de force pour les négociations financières : elle peut faire pression pour obtenir le gaz russe qui sera envoyé via ce gazoduc aux prix les plus bas possibles.
    • Pour Power of Siberia, un autre gazoduc russo-chinois qui est lui déjà opérationnel, la Chine avait d’ailleurs déjà pu obtenir des prix bien plus bas à ceux que la Russie avait négociés avec l’Europe.
    • Les tractations avaient eu lieu bien avant la guerre en Ukraine, à une époque où la Russie n’avait pas autant besoin de la Chine qu’aujourd’hui. Autant dire qu’au vu des sales draps dans lesquels est actuellement le Kremlin, elle sent qu’il y a un coup encore plus joli à jouer.

Et maintenant : à quoi s’attendre ?

  • À priori, la Chine va finir par dire oui à la Russie. Mais avant cela, elle va continuer de jouer les prolongations afin d’obtenir les meilleurs rabais.
    • Selon certains analystes, la Russie pourrait devoir vendre son gaz à des prix inférieurs à ceux que la Chine paie à ses autres partenaires pour recevoir, comme le Turkménistan.
  • Une chose est sûre : ce n’est pas avec Power of Siberia 2 que la Russie parviendra à compenser les pertes de la très nette diminution de ses exportations vers l’Europe.
    • Selon Ronald Smith, analyste principal du pétrole et du gaz chez BCS Global Markets interrogé par le Financial Times, ce nouveau gazoduc pourrait ne rapporter que 2 milliards de dollars par an à Gazprom. Le Kremlin en récupérerait environ 4,6 milliards en droits et taxes.
    • Cette somme ne correspond même pas à la moitié des revenus mensuels énergétiques de la Russie en 2023.
    • Mais Moscou devra s’y plier : faute de grives, on mange des merles.
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