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Par crainte de froisser la Chine, la France s’oppose à l’ouverture d’un bureau de l’OTAN au Japon

Par crainte de froisser la Chine, la France s’oppose à l’ouverture d’un bureau de l’OTAN au Japon
Emmanuel Macron lors de son voyage en Chine. (LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images)

L’idée est dans les cartons depuis plus de quinze ans, mais elle a pris un sérieux coup d’accélérateur ces derniers mois : le Japon aimerait accueillir un bureau de l’OTAN à Tokyo. Or, ce projet déplaît fortement à la Chine. Et si les USA n’en ont cure, la France, elle, prône la prudence.

Pourquoi est-ce important ?

La guerre en Ukraine a provoqué un regain des tensions aux quatre coins de la planète. De nombreux pays ont soudainement ressenti le besoin de renforcer leurs liens avec des alliés qui n'étaient pas encore tout à fait officiellement les leurs jusqu'alors, comme la Finlande et la Suède avec l'OTAN. Et la situation de plus en plus tendue entre la Chine et Taïwan n'arrange rien.

Dans l’actu : la France refuse que l’OTAN s’implante au Japon.

  • Selon les informations du Financial Times, la France fait barrage au projet de l’OTAN d’ouvrir un bureau à Tokyo.
  • Paris estime qu’il vaut mieux éviter de fâcher la Chine, qui verrait cela d’un très mauvais œil.

Le contexte : en Asie de l’Est, tout le monde est tendu.

  • Nous vous en parlions il y a quelques semaines : le Japon est de plus en plus intéressé par l’ouverture d’un bureau de l’OTAN dans sa capitale.
  • « La raison pour laquelle nous discutons de ce sujet est que depuis l’agression de la Russie contre l’Ukraine, le monde (est) devenu plus instable », avait alors avancé l’ambassadeur du Japon aux USA, Koji Tomita. « Ce qui se passe en Europe de l’Est ne se limite pas à la question de l’Europe de l’Est, et cela affecte directement la situation ici dans le Pacifique. C’est pourquoi une coopération entre l’Asie de l’Est et l’OTAN (devient) de plus en plus importante. »
  • Les points de tension sont nombreux dans la région :
    • Une Chine qui multiplie les manœuvres d’intimidation à l’égard de Taïwan.
    • Des États-Unis qui maintiennent leur soutien à la nation insulaire.
    • Une Corée du Nord toujours aussi isolée et qui ne rassure pas ses voisins.
    • Un Japon et une Corée du Sud qui tentent coûte que coûte de raffermir leurs liens avec les USA, qui ne demandent pas mieux.
      • Le Premier ministre Fumio Kishida, devenu l’an passé le premier dirigeant japonais à assister à un sommet de l’OTAN, sera de la partie à Vilnius le mois prochain pour la prochaine réunion.
    • Une Russie qui, bien qu’elle soit pour l’instant bien occupée vers l’ouest, est finalement elle aussi juste à côté de ces pays asiatiques.

Pas une adhésion à l’OTAN, mais une belle poignée de main

Les explications (1) : à quoi servirait ce bureau ?

  • Face à cette situation peu confortable, le Japon accueillerait donc avec plaisir un bureau de l’OTAN à Tokyo. Cela ne ferait pas de lui un membre de l’Alliance, bien sûr, mais ce serait un petit soutien bienvenu.
  • L’OTAN compte une grosse dizaine de bureaux dans des pays non membres. Ils sont surtout conçus pour faciliter le contact avec le gouvernement et l’armée du pays hôte.
  • C’est notamment le cas en Ukraine, et l’on voit depuis maintenant plus d’un an que si les troupes otaniennes ne combattent pas directement sur place, leur soutien logistique permet à Kiev de résister tant bien que mal à l’envahisseur russe.

Les explications (2) : pourquoi la France s’y oppose-t-elle ?

  • L’ouverture d’un tel bureau nécessite le soutien unanime du Conseil de l’Atlantique Nord, le principal organe de décision politique de l’OTAN.
  • Si la France dit non, le Japon n’aura donc pas son bureau otanien.
  • Les tractations sont en cours et il y a eu très peu de déclarations officielles sur le sujet. Mais selon les personnes interrogées par le FT, Paris estime qu’une telle décision risque de « contribuer à la tension entre l’OTAN et la Chine ».
    • Cela pourrait, en outre, « saper la crédibilité de l’Europe auprès de la Chine ». Prier Pékin de ne pas armer Moscou tout en serrant la main de Tokyo pourrait être perçu comme une fameuse trahison par la Chine.
    • Selon lui, l’Alliance doit s’en borner à son essence – et à ce à quoi renvoie son nom : l’Atlantique Nord.

Rien d’étonnant, finalement

Le rappel : en Chine, Macron avait fait preuve de la même prudence.

  • En réalité, la position française n’est pas vraiment une surprise. Il y a deux mois, au retour d’un voyage en Chine, Emmanuel Macron avait vexé les États-Unis – et énervé certains responsables européens – en appelant les Européens à construire une « autonomie stratégique » afin de faire de l’Union européenne une « troisième superpuissance« .
    • Il avait notamment préconisé d’utiliser cette stratégie vis-à-vis de la Chine. « La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise », avait-il précisé.
  • La semaine dernière, le président français avait également clairement exposé sa position sur l’éventuelle expansion de l’Alliance. « Si nous poussons l’OTAN à élargir son spectre géographique, nous ferons une grosse erreur », a-t-il martelé.
  • Il y a donc peu de chance que la France change d’avis dans les mois à venir. Quitte à continuer de s’opposer aux velléités américaines.
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