Forte tension sur l’énergie au sein de la Vivaldi: socialistes et verts veulent tous deux marquer des points

Le dossier de l’énergie crépite au sein du gouvernement fédéral. Chaque parti au pouvoir a mis sur la table des propositions visant à réduire la facture, mais ce week-end, aucun accord n’a pu être trouvé sur ce qu’il convient de faire exactement. Les socialistes, en particulier, ont présenté toute une série de mesures, dont une réduction de la TVA et des chèques énergie. Mais Tinne Van der Straeten (Groen) aurait mis le hola, selon les socialistes, ce que dément avec véhémence Groen : « Leurs propositions n’avaient pas été suffisamment réfléchies. » Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) a décidé de reporter la discussion et demandé des « calculs supplémentaires ». Conséquence: l’ensemble de l’exercice budgétaire, qui aurait dû être achevé ce week-end, est reporté d’un week-end.

Dans l’actualité : énergie, énergie, énergie.

Le détail : Le sujet éclipse les discussions sur le budget fédéral.

  • C’est avec beaucoup d’enthousiasme que le Premier ministre De Croo a convoqué ses troupes ce week-end. Pas dans un château, mais simplement au Seize rue de la Loi, la résidence officielle du Premier ministre. L’objectif était de boucler le budget à temps pour le discours sur l’état de l’Union mardi prochain, et de préparer le paquet de réformes que le Premier ministre veut présenter.
  • À cette fin, un « plan de redémarrage et de transition » est en cours d’élaboration, avec différents groupes de travail chargés d’établir des plans et de formuler des propositions concrètes. Cela inclut entre autres le marché du travail, la numérisation ou encore les investissements stratégiques.
  • Dans le même temps, il y a le budget à régler. Après l’offre initiale classique (« 3 milliards d’efforts », demandés par la secrétaire d’État de l’Open Vld, Eva De Bleeker), et la réponse des socialistes selon laquelle 1 milliard d’efforts, comme convenu, était suffisant, le Premier ministre pensait trouver un compromis au milieu, à 2 milliards d’euros.
  • Mais c’était déjà de trop pour les socialistes. Compte tenu de l’imminence de la crise énergétique, ils ne voulaient absolument pas revenir au « business as usual » – comprendre : ne pas s’arrêter à la sacro-sainte rigueur budgétaire du « monde d’avant ».
  • Mais tout d’abord, il fallait clarifier les mesures concrètes à prendre, avec leurs effets correspondants sur le budget, avant de pouvoir réellement l’examiner. Après tout, toutes ces mesures visant à réduire le coût de la facture ont un impact sur le budget.

L’essentiel : on en revient à la question fondamentale : quelle est la meilleure façon de sortir d’une crise ? Maintenir ou non la pédale sur les dépenses publiques ?

  • C’est une vision qui existe depuis longtemps chez les socialistes : « Nous n’allons pas faire les mêmes erreurs qu’après la crise de 2008 ». Le sentiment est qu’après la crise bancaire, la doctrine budgétaire a été adoptée beaucoup trop rapidement, au lieu de maintenir un peu plus longtemps les dépenses publiques (qui sont autorisées et possibles en cas de crise). Et cela a étouffé la reprise.
  • Cette fois-ci, après la crise du Covid, les socialistes voient un schéma similaire. Les prix élevés de l’énergie sont un phénomène classique dans le contexte d’une forte augmentation de la demande qui accompagne une relance économique. Le fait de répercuter intégralement cette hausse de prix sur le consommateur risque alors d’éroder la confiance de ce dernier, et donc de freiner la reprise.
  • Lors du conclave budgétaire, cette question de principe s’est traduite par une discussion acharnée sur la manière de faire face à la crise énergétique : les socialistes ont présenté un volumineux document de 25 pages contenant toute une série de propositions:
    • Notamment une proposition visant à prolonger de manière permanente le tarif social, qui s’applique déjà à un peu moins d’un million de personnes.
    • Une réduction de la TVA en tant que telle n’est pas envisageable, mais il existe des compensations directes.
    • Ils pensent par exemple à un chèque énergie d’une valeur de 100 euros par famille.
  • L’essentiel de leur message rouge est que le surplus de recettes de la TVA et des prélèvements, dû à la hausse des prix, doit aller intégralement aux mesures de réduction de la facture. Et de préférence le plus tôt possible, avec des effets dès cet hiver pour le porte-monnaie du citoyen, donc déjà pour ce quatrième trimestre. Ils ont calculé que la somme en jeu s’élève à quelque 400 millions d’euros.
  • Le PS est passé à l’offensive à ce sujet vendredi, avec Paul Magnette (PS) et le vice-premier ministre Pierre-Yves Dermagne (PS). Mais du côté de Vooruit aussi, tout le monde était sur le pont : le président Conner Rousseau s’est rendu à VTM le vendredi et le dimanche et a également commencé à pousser les choses le samedi matin sur la VRT. « Des mesures dès maintenant », était le message.

La piqûre : cette offensive rouge s’est heurtée à l’opposition des Verts : ils ne laisseront pas à d’autres le soin de revendiquer « leur dossier ».

  • En attendant, tout le monde est d’accord sur l’extension du tarif social : cela semble être une évidence pour tous les partenaires du gouvernement.
  • Mais les libéraux et le CD&V ont fortement contesté les calculs des socialistes et ont estimé les 400 millions de recettes supplémentaires à bien moins: autour des 200 millions d’euros. En outre, ils comptaient sur ces recettes supplémentaires pour remplir le budget.
  • Mais la véritable frustration des socialistes ce week-end ne tournait pas autour des Bleus, mais des Verts : ils ont remarqué qu’à la table du gouvernement, ils n’ont pas obtenu le soutien attendu. « Tinne Van der Straeten (Groen) a systématiquement bloqué les propositions des rouges », entend-on dans les couloirs.
  • Les socialistes en veulent plus que le tarif social, mais « rien ne presse », a répondu Van der Straeten au reste des propositions rouges. Pourquoi ? Les Verts préparent eux-mêmes depuis un certain temps une réforme plus vaste sur l’ensemble de la facture énergétique.
  • Pour les Verts, toutes les taxes devraient être supprimées du projet de loi, et en échange, une taxe d’accise fédérale devrait être introduite : une proposition que Van der Straeten a élaborée avec le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V). Cependant, les effets se feront sentir au plus tôt l’année prochaine, ce qui n’a pas été du goût des socialistes.
  • En fait, la quasi-totalité de leur note de 25 pages a été balayée. Le chèque énergie ? « Trop cher en frais administratifs. » Une réduction de la TVA ? « Pas assez efficace, et effets négatifs sur l’indice. »
  • Les libéraux et le Premier ministre se sont repliés et ont laissé Van der Straeten faire le travail. Cette dernière n’a visiblement pas laissé les socialistes lui faire la leçon sur « son » domaine qu’est l’énergie, au grand dam des vice-premiers ministres rouges. « Notre objectif est le même que celui des socialistes, mais le chemin pour y parvenir est différent », a déclaré Groen par la suite.
  • Le fait que la présidente de Groen, Meyrem Almaci, se soit ensuite rendue dans l’émission De Zevende Dag, le dimanche, pour forcer le dossier de l’énergie, a fait bouillir les socialistes.
    • « Nous devons prendre des mesures immédiates », a-t-elle soudainement déclaré.
    • « Il faut faire plus que simplement accorder le tarif social. Il faut aussi donner une perspective aux autres personnes qui ne relèvent pas du tarif social. »
    • Ou encore : « Il serait cynique que le gouvernement fédéral ne restitue pas d’une manière ou d’une autre les ‘recettes excédentaires’ aux citoyens. »
  • Les socialistes étaient abasourdis : « Il faut oser. Les Verts et les Libéraux font front commun contre nos propositions. Et puis Almaci reprend le message de Paul et de Conner à la télévision, en prétendant qu’ils veulent aussi faire quelque chose rapidement pour tout le monde ? C’est vraiment à tomber par terre », explique, énervée, une source socialiste de haut rang.
  • En fait, les choses ne vont pas très bien depuis un certain temps entre Groen et Vooruit : lors des négociations gouvernementales également, les socialistes ont régulièrement eu le sentiment de ne pas être traités correctement par les Verts, qui ont plus d’une fois conclu un accord avec les libéraux pour faire valoir leur cause, plutôt que de travailler avec la « gauche ».
  • Les Verts, quant à eux, soulignent ce qu’ils considèrent parfois comme le « tournant à droite » que les socialistes flamands ont pris sous la direction de Conner Rousseau. « Parfois, on se demande vraiment qui sont nos alliés progressistes », entend-on au sommet chez les Verts.

The Big picture : « Le Premier ministre gère-t-il bien la situation ? », se demande-t-on au sein de la majorité.

  • Avec cette ambiance en dessous de zéro sur la facture énergétique, et une guerre ouverte sur le revenu précis de la TVA, le dossier du marché du travail a été discuté dimanche.
  • Mais là non plus, ce n’était pas une discussion très agréable : les désirs du PS, avec le ministre de l’Emploi et vice-premier ministre Pierre-Yves Dermagne aux commandes, sont tout simplement très éloignés de ceux des libéraux et du CD&V. Inévitablement, les lignes de fracture idéologiques sont remontées à la surface, dans un contexte déjà peu amical. Le Premier ministre De Croo a donc décidé dimanche soir de suspendre l’affaire : il n’y avait aucune chance de déblocage. Les discussions reprendront cet après-midi.
  • L’horizon a en fait été repoussé d’une semaine : le budget ne doit pas être présenté avant le week-end prochain. La Commission européenne attend une réponse d’ici la mi-octobre de toute façon, et puis il y a le discours de rentrée du Premier ministre mardi prochain.
  • C’est le nouveau délai qui devrait être réalisable : entre-temps, la température peut se refroidir un peu.
  • Néanmoins, l’approche de De Croo fait l’objet de critiques. En effet, pourquoi le Premier ministre a-t-il annoncé que le budget serait réglé ce week-end, s’il estimait que le dossier de l’énergie était « dangereux » ? « Pas aussi intelligent que tout le monde le pense », a fait remarquer sèchement un membre de l’équipe Vivaldi, à propos de la de la tête de l’équipe.
  • En fait, De Croo avait besoin d’un succès. Car depuis son retour, les turbulences n’ont pas cessé au sein de son équipe. D’abord sur le dossier des retraites, puis sur les discussions sur le marché du travail et maintenant sur le budget. Il n’y a pas de trêve au sein de la Vivaldi.

Plus qu’un détail : le budget fait place à une série de mesures symboliques

  • Presque tout le monde a complété sa liste de souhaits. Des dossiers symboliques font leur apparition. Par exemple, De Standaard rapporte que les Verts veulent à nouveau limiter le nombre de collaborateurs des anciens ministres. Cette proposition était également sur la table lors des négociations gouvernementales, mais elle est tombée à l’eau en raison du veto du MR : on se souvient que toute une série de ministres libéraux sont partis à la retraite. Il s’agit de quelques millions d’euros par an.
  • Autre montant plutôt symbolique : les quelque 40 millions par an que coûte le régime fiscal et social du football professionnel. Cela rend les clubs professionnels belges un peu plus compétitifs par rapport aux clubs étrangers en ce qui concerne la rémunération de leurs joueurs, mais le dossier est là aussi devenu un symbole : « Que les footballeurs professionnels paient autant d’impôts que la femme de ménage », tel est le slogan des socialistes, des Verts, mais aussi du CD&V, qui mène le forcing avec le ministre des Finances Vincent Van Peteghem.
  • L’Open Vld propose un consensus : seules les cotisations à l’ONSS doivent dorénavant être payées intégralement. La question est de savoir si cela est possible pour le MR : le président Georges-Louis Bouchez (MR) a juré de protéger le football professionnel.
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