Pression de l’Inspection économique pour empêcher la progression de la fraude sur le terrain du football belge. Des enquêtes sont menées actuellement, en équipe notamment avec la Fédération royale belge (RBFA), la Pro Leagure et la Cellule de Traitement des Informations Financières (CTIF). Le but: objectiver les risques de blanchiment de capitaux et de financement d’activités terroristes dans le microcosme du ballon rond.
Football Leaks: enquêtes en cours sur les risques de blanchiment et de financement du terrorisme en Belgique
Pourquoi est-ce important ?
Depuis l'opération « Mains propres » en 2018, de nouvelles révélations dans le cadre de l’enquête journalistique Football Leaks ont encore dernièrement rappelé les excès dans le monde du football, singulièrement dans le chef des agents. Les montants disproportionnés, les montages d’une trouble complexité et les conflits d'intérêts dévoilés ont ravivé les craintes d’une fraude organisée, à laquelle des acteurs du secteur en Belgique ne seraient pas étrangers. Voilà pourquoi il est essentiel que le football tombe également sous le coup de la loi anti-blanchiment.À l’heure où l’Europe vibre au rythme des exploits footballistiques, où nous attendons vivement ce dimanche pour soutenir nos Diables face au Portugal, la réalité financière vient encore tacler ce passionnant milieu sportif.
Les inspecteurs du SPF Économie réalisent actuellement une analyse approfondie des risques économiques liés aux clubs de foot, aux sponsors, aux investisseurs et aux agents sportifs dans l’espoir de mettre hors-jeu les pratiques de blanchiment de capitaux et prévenir d’éventuels financements du terrorisme.
L’opération de l’Inspection économique est menée en large collaboration avec notamment la CTIF, la RBFA, l’organisation du football professionnel belge (Pro League) et autres institutions.
« Pour des raisons de confidentialité et afin de garantir leur bon déroulement, nous ne communiquons jamais d’éléments sur des enquêtes en cours », précise Etienne Mignolet, porte-parole du SPF économie.
Nouvelle réglementation économique
Les résultats de ces enquêtes seront en tout cas traduits dans un règlement, qui précisera les obligations des clubs de football et de la Fédération en matière de prévention du blanchiment et du financement terroriste, et serviront à conclure un accord de coopération avec les régions concernant les agents sportifs.
« Le contenu du règlement est en cours de discussion avec la Pro League qui représente les intérêts des clubs. La première étape, qui consiste à déterminer les risques dans le secteur en fonction des opérations, touche à sa fin. Le règlement sera adopté sur base du résultat de ces discussions. L’objectif est fixé à fin 2021 », détaille le SPF Économie.
Pour mémoire, la Belgique avait tardivement transposé l’année dernière la 5e directive européenne anti-blanchiment (2018/843) qui fut accompagnée d’une modification importante lors du vote au parlement, à savoir l’assujettissement du secteur du football à la législation. Un détail de taille dont devraient découler toutes sortes de procédures et contrôles supplémentaires.
Lenteurs administratives ?
Près d’un an après ces nouvelles dispositions, impossible d’affirmer qu’un système satisfaisant est en place. Comment les agents des joueurs de football pourraient-ils totalement se conformer à des obligations imposées par la loi alors que la date d’entrée en vigueur n’a pas été fixée ?
« La loi a conditionné l’entrée en vigueur de l’assujettissement des agents sportifs à la conclusion d’un accord de coopération entre les Régions et le fédéral. Des discussions seront lancées avec les Régions à la rentrée. Aucune date d’entrée en vigueur ne peut dès lors être fournie à ce stade », indique le porte-parole du SPF.
En revanche, selon la fameuse loi, les clubs de football professionnels de haut niveau devraient être assujettis dès jeudi prochain, le 1er juillet 2021. Un arrêté royal est en cours de préparation afin d’enregistrer les clubs auprès de l’administration, a indiqué au parlement le ministre de l’Economie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne (PS). « Un projet arrêté royal est en cours de finalisation. Cet enregistrement est un acte technique qui ne conditionne en rien l’entrée en vigueur de la loi. Les clubs de football assujettis sont déjà identifiés par le SPF Economie », précise la direction communication du service fédéral.
Mauvais contrôle ?
L’opacité financière semble malheureusement se cramponner au milieu du foot. Mais les autorités belges ont-elles joué sans faute leur rôle dans l’arbitrage et les éventuelles sanctions ?
« Au cours des dernières années, aucune action de contrôle n’a été lancée spécifiquement en matière de clubs de football », a récemment concédé par écrit le ministre des Finances, chargé de la Coordination de la lutte contre la fraude, Vincent Van Peteghem (CD&V).
Nuançons que les clubs de football peuvent être sélectionnés dans n’importe quelle action fiscale. Et qu’en l’absence d’un code d’activités économiques spécifique (code Nace-Bel), certains problèmes d’identification et de monitoring se posent.
Il y a dix ans, l’administration générale de la fiscalité avait organisé des séances d’information à l’intention des clubs sportifs avec pour ambition que les responsables puissent « en connaissance de cause » remplir leurs obligations fiscales et sociales et respecter la réglementation du travail.
Aussi discutable en soit l’impact, une nouvelle campagne d’information similaire devait déjà être menée cette année. Mais le SPF Finances a préféré postposer.
« Afin d’assurer une bonne interaction avec le secteur, il est prévu d’organiser ces sessions d’information en présentiel », a jugé bon de préciser le ministre des Finances.
À cause de la pandémie, le fisc attend pour organiser ses sessions que les conditions sanitaires le permettent, et que les compétitions amateurs reprennent. Les séances de cette campagne de sensibilisation sont donc « provisoirement prévues » pour l’automne 2021.
Pour aller plus loin:
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