Partir ou rester ? C’était le grand dilemme de 2022 pour toutes les multinationales implantées en Russie, certaines, comme McDonald’s, étant d’ailleurs de véritables symboles de l’ouverture du pays à la chute du communisme. Mais malgré la tache que cela peut faire sur l’image d’une marque, liquider toutes ses activités dans un pays n’est pas si facile, par exemple à cause d’un système de magasins franchisés. Quoiqu’il en soit, après un an et demi de conflit, partir n’est plus vraiment une option pour les dernières enseignes encore présentes.
Partir au plus vite, pour limiter les pertes : la nouvelle retraite de Russie est celle des entreprises occidentales. Certaines sont toujours présentes toutefois, mais elles sont en fait coincées par la législation mise en place très rapidement par le Kremlin. D’abord, ce sont les taxes sur les délocalisations qui ont enrayé les départs. Maintenant, Poutine peut faire main basse sur tout ce qui l’intéresse.
- Le gouvernement russe a largement modifié les règles pour les entreprises multinationales souhaitant quitter le pays : le régime a mis en place un système d’appropriation par décret des avoirs des firmes étrangères qui tenteraient de partir.
- En juillet dernier, Danone et Carlsberg en ont fait les frais : alors que ces deux marques recherchaient des repreneurs pour leurs actifs respectifs afin de trouver une porte de sortie, l’État a décrété que ceux-ci revenaient dans son escarcelle. Depuis, c’est un proche du dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov qui a hérité de ces avoirs, dont la brasserie Baltika, filiale de Carlsberg.
« L’expropriation de Danone et Carlsberg a été un geste significatif, car elle a rendu les actions du gouvernement russe envers les entreprises restantes imprévisibles. Cela a envoyé un signal clair aux entreprises encore présentes que même les entreprises non stratégiques pouvaient être ciblées »
Maria Shagina, chercheuse principale pour les sanctions économiques, les normes et la stratégie à l’Institut international d’études stratégiques, au micro de CNBC
Le système que bâtit ainsi Poutine tient autant d’une sorte de capitalisme d’État oligarchique, où le grand patron distribue les avoirs comme autant de fiefs rentables, et de la prise d’otage pure et simple, du point de vue des entreprises. Si elles restent, c’est à leurs risques et périls. Si elles partent, c’est en laissant tout derrière elles.
- Parmi les grandes entreprises occidentales encore en activité en Russie, on compte Unilever, Nestlé, Philip Morris, UniCredit, Raiffeisen et PepsiCo, dénombre CNBC. Heineken a déclaré à la fin du mois d’août avoir enfin trouvé un acheteur, le groupe brassicole russe Arnest. Les revenus de Heineken en Russie en 2022 s’élevaient à 613 millions de dollars, selon l’École d’économie de Kyiv. Les entreprises encore présentes en Russie sont fortement critiquées par les Ukrainiens.
- Au total, on estime que 500 firmes environ seraient dans cette situation. Beaucoup disent chercher des repreneurs pour leurs filiales dans le pays, mais c’est visiblement un vrai chemin de croix.