L’île, toujours sous la menace chinoise, veut installer un esprit de résilience dans sa population. Les civils seraient préparés à se prendre en charge, à s’abriter, et à promulguer les premiers secours aux blessés tandis que l’armée défendrait le pays. Certains envisagent aussi la préparation à une guérilla populaire. Mais ce sont des initiatives privées qui tentent de leur inculquer ce genre de formation.
La tension reste élevée dans le Pacifique : le Parti communiste chinois, qui a récemment fêté ses 100 ans, semble de plus en plus convaincu que, s’il veut réaliser son rêve de réunir sous une seule bannière la Chine continentale et l’île de Taïwan, il devra utiliser la force. l’Armée populaire de Libération (APL), la force militaire chinoise, se modernise rapidement, en particulier dans le domaine naval et dans le matériel amphibie. Et l’État taïwanais, dont la présidente Tsai Ing-wen maintient une position pro-indépendance forte, n’est pas en reste et a récemment validé un contrat d’achat de pièces d’artillerie Paladin avec les Américains. Mais le déséquilibre des forces inquiète le gouvernement taïwanais : là où il peut compter sur 160.000 militaires pour défendre ses rivages, l’armée chinoise avance pas moins de deux millions de combattants sous le drapeau rouge.
Taïwan tente donc de former sa population à réagir au mieux en cas d’attaque, en particulier durant les premiers jours, quand les pouvoir publics seront trop sollicités pour être certains de pouvoir assurer la protection des civils. Ceux-ci sont donc encouragés à suivre des formations de réaction en cas de situation de crise, avec des cours de premiers secours par exemple, ou une gestion des stocks de nourriture. Un concept de résilience des populations civiles qui intéresse un nombre croissant de gouvernements : les Suédois l’ont théorisé sous l’œil attentif des pays de l’Otan, et les Ukrainiens s’y ont mis massivement, mettant en place un véritable programme obligatoire d’apprentissage de la résistance patriotique.
Tous prêts pour la guerre, ou une catastrophe
A Taïwan, la crise du coronavirus a endigué l’élan pour ce genre de préparation au pire. Mais Enoch Wu, ancien des forces spéciales et figure montante du parti au pouvoir Democratic Progressive party a fondé dans ce but Forward Alliance, une société visant à augmenter le niveau de préparation des Taïwanais en leur proposant des exercices plus vrais que nature. « Ils ont un rôle important dans la mission, mais derrière cela, nous avons besoin de plusieurs couches d’intervenants qui peuvent vraiment s’assurer que nos défenses sont aussi fortes que possible, afin que nous puissions repousser une action militaire » insiste l’ancien banquier et soldat reconverti en politique. « Il y a des blessures mises en scène, des agresseurs, les choses sont chaotiques, on ne sait pas qui est qui, et cela oblige nos équipes à opérer et à désamorcer la situation, à garder les gens en sécurité et à être utiles », explique Wu. « Ils apprennent que c’est la personne à côté de vous qui va compter le plus, que vous êtes un acteur, que vous avez le choix de vos actions et que vous pouvez faire la différence dans ces situations. »
Enoch Wu insiste : les ateliers pratiques de résilience forment à tout type de situation de crise. L’ancien soldat cite les tremblements de terre ou les typhons, toujours possibles à Taïwan. Mais aussi les accidents industriels ou ferroviaires, comme à Hualien, en avril dernier, quand un train a déraillé dans un tunnel, faisant une cinquantaine de victimes.
L’île assiégée
Mais c’est bien sûr la menace chinoise qui reste dans tous les esprits durant ces exercices, où les participants sont soudainement plongés dans un scénario dans lequel des dizaines de blessés – des comédiens- jonchent des rues plongées dans la fureur et la fumée. L’état-major de l’île ne le cache d’ailleurs pas : quand il faudra repousser les Chinois, chaque Taïwanais aura un rôle à jouer.
« Après nos premiers intervenants professionnels, nous avons besoin d’une population générale préparée au niveau de base pour être capable de s’aider elle-même, de s’entraider et d’aider sa communauté, et qui ne s’effondrera pas après le premier impact », dit Wu. « C’est essentiel dans toute situation d’urgence, surtout en temps de guerre ».
M. Wu a également appelé à des améliorations massives du système taïwanais d’abris contre les raids aériens, qui, à l’heure actuelle, sont principalement des sites tels que des parkings souterrains, sans installations supplémentaires ni fournitures d’urgence.
Longtemps en guerre larvée avec la République populaire de Chine, Taïwan reste un pays très militarisé, et le service militaire y est encore de vigueur. Une grande partie de la population a donc bénéficié d’un entrainement minimal. Mais beaucoup le jugent insuffisants, et les Taïwanais sont nombreux à se tourner des des cours privés ou des ouvrages consacrés à la gestion des situations de crise.
Pour aller plus loin :