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Les truffes de l’océan : l’exploitation minière en haute mer peut-elle sécuriser notre approvisionnement en métaux cruciaux pour la transition ?

Les truffes de l’océan : l’exploitation minière en haute mer peut-elle sécuriser notre approvisionnement en métaux cruciaux pour la transition ?
(Carolyn Cole/Los Angeles Times via Getty Images)

La transition climatique pousse les entreprises technologiques et énergétiques à investir davantage dans les « technologies vertes », telles que les voitures électriques et les panneaux solaires. Cependant, celles-ci nécessitent quantité de matières premières et de minéraux critiques. De ce fait, les entreprises étendent leurs activités minières non seulement sur terre, mais aussi sur les fonds marins. Business AM s’est entretenu avec Kris van Nijen, directeur général de Global Sea Mineral Resources (GSR).

Pourquoi est-ce important ?

Les fonds marins regorgent de matières premières précieuses utiles à la transition énergétique. Notamment le nickel, le cuivre, le cobalt et le manganèse, qui sont des éléments clés dans les véhicules électriques et les smartphones. Cependant, plusieurs chercheurs préviennent que nous allons bientôt nous heurter à une éventuelle pénurie de ces métaux, en raison de cette demande extrêmement accrue. La demande de nickel et de cobalt augmentera de 70% dans les années à venir, prévoit par exemple l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Les détails : Dans les profondeurs de la mer, le fond marin est jonché de millions de nodules polymétalliques, chacun de la taille d’une grosse pomme de terre, contenant des minéraux importants tels que le manganèse, le fer, le nickel, le cuivre et le cobalt. Des métaux cruciaux pour la transition énergétique.

  • L’exploitation minière en haute mer consiste à extraire ces nodules, également surnommées « truffes de l’océan ».
    • La haute mer concerne les zones maritimes qui ne sont sous l’autorité d’aucun État. Cela représente plus de 60% des océans.
  • Selon Kris Van Nijen, de GSR, le fond de l’océan Pacifique contient une énorme quantité de métaux cruciaux, plus que ce que l’on peut trouver sur le reste de la planète.
    • « Il y a plus de nickel et de cobalt dans cette zone que sur le reste de la planète. Le potentiel est donc assez important »

Aspirateur spécial

  • Pour extraire les nodules de manganèse du fond marin, GSR a développé un robot spécial qui les aspire, comme un aspirateur.
  • « Seuls les nodules sont aspirés. Les sédiments restent sur le fond marin et les nodules sont ramenés à la surface via un tube d’aspiration jusqu’au navire mère. Les vraquiers acheminent ensuite tout vers les ports, où les nodules sont transformés », explique-t-il. « De la sorte, nous pouvons produire des métaux avec 40% d’émissions de CO2 en moins, ce qui est un paramètre important si nous voulons lutter contre le changement climatique. »
  • Les activités sur les fonds marins peuvent également être facilement étendues et, une fois les matériaux extraits, déplacées vers un nouvel emplacement.
    • « Si nous allons extraire du nickel en Indonésie (sur terre), nous devons d’abord déboiser un morceau de forêt tropicale et creuser un grand trou dans le sol. Et nous ne pouvons pas non plus facilement déplacer les activités vers un nouvel emplacement sur terre plus tard : c’est plus facile en mer. »

Conséquences sur la biodiversité

  • Cependant, des scientifiques ont déjà averti à plusieurs reprises que les dommages causés aux écosystèmes par l’extraction de métaux des fonds marins étaient « dangereux », « imprudents » et « irréversibles ».
    • Les constructeurs automobiles allemands Volkswagen et BMW ont par ailleurs déclaré qu’ils n’achèteraient pas de métaux issus du minage en haute mer.
    • Les militants avertissent également sur le fait que l’on en sait encore trop peu sur les conséquences pour la vie marine. Les scientifiques plaident pour davantage de recherches avant de donner le feu vert à cette pratique.
  • Auprès de VRT News, la biologiste marine Ann Vanreusel (UGent) a notamment affirmé que des « panaches de fumée de sédiments » peuvent se propager sur de vastes zones du fond marin à la suite d’une exploitation minière en haute mer, et que c’est désastreux pour la biodiversité.
    • Selon Van Nijen, des recherches récentes ont montré que les panaches de poussière n’ont qu’un caractère local : « En 2021, nous avons mesuré la turbidité (une mesure de l’opacité de l’eau due à la présence de matières en suspension, ndlr) produite par notre robot. Cela a montré que l’impact est local », assure-t-il.
  • Globalement, les partisans de la pratique affirment que l’exploitation minière en haute mer est une bonne alternative car, par rapport aux activités terrestres, elle ne laisse aucun déchet et elle produit moins de substances nocives.
  • Rutger Bosland, chef de projet d’Allseas, une société néerlandaise active dans le secteur, affirme qu’il y a suffisamment de matériaux au fond de l’océan Pacifique « pour la production de 140 millions de voitures électriques.« 
  • En attendant, aux Nations unies, par le biais de l’Autorité internationale des fonds marins, on discute de l’avenir de l’exploitation minière en haute mer afin d’aboutir à un « code minier ». Il déterminera qui est autorisé à creuser dans les fonds marins en haute mer, où et dans quelles conditions. 
    • Pour l’instant, toutes les activités commerciales sont suspendues.
    • Mais le temps presse, l’élaboration du cadre réglementaire devant être finalisée d’ici juillet, suite à une demande d’exploitation d’une entreprise canadienne appuyée par les autorités de Nauru.
    • Ce délai semble impossible à respecter. Nauru devrait alors pouvoir solliciter un contrat d’exploitation pour la société qu’il sponsorise. Et certaines ONG, comme Greenpeace, alertent quant au fait qu’il y aurait de bonnes chances que celui-ci soit accordé.

(OD)

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