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Extension de l’OTAN : Comment Poutine a réussi à dresser un nouveau rideau de fer autour de son pays en liguant l’Europe contre lui

Extension de l’OTAN : Comment Poutine a réussi à dresser un nouveau rideau de fer autour de son pays en liguant l’Europe contre lui
L’OTAN se renforce, unie face à Poutine. | Getty /Fotojet

Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’OTAN apparaissait pour beaucoup de gens comme une relique de la guerre froide, qui avait, certes, contribué à protéger l’Europe occidentale d’une nouvelle guerre, mais qui depuis la dissolution de l’URSS n’avait plus lieu d’être. Depuis, elle a retrouvé toute sa raison d’exister, et 500 jours après l’invasion, l’Alliance atlantique n’a jamais été tant en phase avec son époque.

Dans l’actualité : ce lundi soir, le grand chef de l’OTAN, le Norvégien Jens Stoltenberg, a annoncé que sa rencontre avec le président turc Recep Tayyip Erdoğan et le Premier ministre suédois Ulf Kristersson dans le cadre du sommet de l’Alliance à Vilnius avait été plus que fructueuse. Il a confirmé que, après des discussions qu’on imagine interminables, le président turc a accepté de lever son veto à l’entrée de la Suède dans l’alliance, sa décision étant le dernier obstacle.

  • Un tel changement d’avis n’est évidemment pas motivé par l’altruisme, il a obtenu que la Suède s’engage dans la coopération en matière de lutte contre le terrorisme à l’encontre du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), tout en relançant les exportations d’armes vers la Turquie, selon Politico.
  • Mais le résultat est très visible, sur une carte du monde, avec l’adhésion de la Suède et de la Finlande, c’est un mur complet de pays alliés au sein de l’OTAN qui fait front face à la Russie, de l’Atlantique nord à la mer Noire – avec pour seule exception l’Ukraine, en guerre contre Moscou et alliée de fait de l’Alliance.

« Une fois que les Ukrainiens ont prouvé que tout le monde se trompait en pensant que le pays s’effondrerait en 72 heures, la conversation est rapidement passée de la sanction de la Russie à la fourniture d’une assistance militaire à un pays dont la plupart des Européens ont rejeté la demande d’adhésion à l’OTAN en 2008. Telle a été la réponse de l’Europe à une attaque contre un pays non membre. C’est de bon augure pour la solidarité de l’alliance. »

Tod Lindberg in : « This Isn’t Your Father’s NATO » une opinion publiée dans le Wall Street Journal

Quand l’Alliance fonctionne

Bien sûr, on peut regretter que l’avenir de l’OTAN ait été un temps en suspens de la décision d’Erdogan, un chef d’État à la limite de l’autoritarisme et qui a plus d’une fois joué double jeu avec Moscou, quand il ne menaçait pas carrément un partenaire de l’Alliance. Mais contre vents et marées, celle-ci avance. Et elle apprend à jouer au mieux avec les cartes dans sa main.

  • Le meilleur exemple en date est le deal sur les céréales ukrainiennes : pour s’assurer que le Kremlin laisse passer ces marchandises par la mer Noire, Erdogan – encore lui – a proposé de les faire escorter par sa marine. La Turquie étant membre de l’OTAN il s’agit de faire un parapluie impénétrable à toute attaque russe, car en vertu de l’article de l’Alliance, toute attaque contre un membre entraine la réaction de tous. Poutine peut gesticuler, si des navires turcs escortent les céréales, il ne peut rien tenter.
  • Il ne s’agit bien sûr pas de provoquer une guerre mondiale : personne ne veut d’escalade. Mais on peut réduire la marge de manœuvre de Poutine en ne cédant pas d’un pouce, le contraignant à reculer s’il ne veut pas enclencher l’irréparable.
  • La même logique équivaut en mer du Nord et dans l’Atlantique, autour des installations énergétiques et des câbles sous-marins, autour desquelles rodent des navires suspects. Et jusqu’ici, on peut souligner aussi le sang-froid de tout le monde au sein de l’OTAN face aux provocations régulières de l’armée russe.

Et maintenant, quid pour l’Ukraine (et la Géorgie) ?

Reste l’éléphant dans la pièce : l’OTAN peut-elle encore s’agrandir, élargissant son front face à une Russie de plus en plus agressive et isolée ? C’est plus compliqué.

  • L’Ukraine, déjà candidate en 2008, a toutes les raisons de vouloir rejoindre l’OTAN, mais elle est en guerre, ce qui est de facto un critère de fin de non-recevoir. En outre, le président américain Joe Biden a déclaré dimanche dernier que sa priorité n’était pas d’étendre plus l’OTAN mais de s’assurer que la configuration actuelle reste unie.

« Je ne pense pas qu’il y ait unanimité au sein de l’OTAN sur la question de savoir s’il faut ou non intégrer l’Ukraine dans la famille de l’OTAN maintenant, en ce moment, en pleine guerre. […] Si c’était le cas, nous serions en guerre avec la Russie. »

Joe Biden auprès de CNN
  • Autre « partenaire particulier » de l’OTAN : la Géorgie, sur l’autre rive de la mer Noire, considérée comme un « pays aspirant » depuis 2011. Le pays avait subi une guerre-éclair avec la Russie en 2008, Moscou occupant de fait 20% de son territoire. À l’époque, Barack Obama avait décrété qu’un statut de candidat ne suffisait pas à déclencher l’article 5, reculant de fait devant Poutine. A Tbilissi, on suit donc la situation ukrainienne de près.
  • Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a appelé en 2020 la Géorgie à saisir chaque occasion pour se rapprocher de l’Alliance et accélérer les préparatifs en vue de son adhésion. Côté Russe, « Nous ne déclencherons pas de guerre, mais une telle conduite compromettrait nos relations avec l’OTAN et avec les pays désireux d’entrer dans l’alliance », estimait le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov en 2009.
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