La justice européenne a validé mercredi les rabais fiscaux obtenus par Amazon au Luxembourg, désavouant la Commission européenne qui y voyait des aides d’État illégales pour un montant de 250 millions d’euros dont elle avait exigé le remboursement.
Bruxelles estimait qu’Amazon avait bénéficié d’avantages illégaux, grâce à un accord de 2003 (reconduit en 2011) avec l’administration luxembourgeoise, qui dans les faits lui a permis de soustraire à l’impôt trois quarts des bénéfices que l’ensemble de ses ventes dans l’UE lui permettait de réaliser. Les activités européennes d’Amazon sont en effet basées au Grand-Duché. De 2006 à 2014, le fonctionnement de la structure européenne du géant américain, validé par la décision fiscale anticipative du Luxembourg, permettait à Amazon EU de transférer la plus grande partie de ses bénéfices vers une autre société, une sorte de coquille vide faisant le lien entre l’Europe et la maison-mère aux Etats-Unis. Cette société, sorte de portefeuille dématérialisé de droits de propriété intellectuelle, n’est pas assujettie à l’impôt en Europe.
A partir de 2014, Amazon a changé son fonctionnement en Europe. Mais la Commission a estimé en 2017 qu’il y avait eu dans la période préalable un avantage illégal faussant la concurrence, à hauteur de 250 millions d’euros, qu’il convenait donc de rembourser avec intérêts. Le Luxembourg et Amazon avaient formé un recours en justice.
Le Tribunal de l’UE a conclu mercredi qu' »aucun des constats exposés par la décision attaquée ne suffit à démontrer l’existence d’un avantage (…) de sorte qu’il y a lieu de l’annuler dans son ensemble », communique le même jour la Cour de Justice de l’Union européenne. Dans les grandes lignes, il estime que la comparaison avancée par la Commission pour prouver qu’il y a eu avantage par rapport à une taxation « normale » et correspondant aux bénéfices réels n’est pas assez solide.
L’exécutif européen a cependant la possibilité de faire appel devant la CJUE, comme il l’avait fait après sa défaite retentissante contre Apple l’an dernier. La Commission européenne avait en effet perdu en juillet 2020 devant la même juridiction qui avait annulé le remboursement à l’Irlande de 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux.
Engie
En revanche, dans une autre affaire jugée mercredi, le Tribunal de l’UE a donné tort au Luxembourg et à l’énergéticien Engie dont les montages financiers douteux ont bien constitué, selon lui, un avantage indu. Là aussi, il est question d’un traitement fiscal préférentiel accordé par le Luxembourg, pour le transfert d’activités entre sociétés du groupe Engie. En 2008 et 2010, des actifs ont ainsi été transférés via un montage financier complexe à deux filiales luxembourgeoises, dont la quasi-totalité (99%) des bénéfices n’étaient pas imposés. La Commission a estimé en 2018 qu’il y avait là un avantage anticoncurrentiel octroyé à Engie, et a demandé que le Luxembourg récupère de la société quelque 120 millions d’euros d’impôts impayés, auxquels s’ajoutent des intérêts.
Engie et le Luxembourg ont attaqué cette décision devant la justice européenne. Mais le Tribunal a ici validé l’approche de la Commission, « consistant, en présence d’un montage sociétaire et financier complexe, à appréhender la réalité économique et fiscale plutôt qu’une approche formaliste consistant à prendre isolément chacune des opérations du montage », communique-t-il mercredi. Dans ce dossier, l’exécutif européen a bien démontré qu’il y avait « dérogation aux règles fiscales applicables aux autres contribuables se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable », note-t-il.
Là aussi, un pourvoi est encore possible, devant la CJUE.
‘Transparence fiscale’
Le gouvernement luxembourgeois a réagi sans attendre, mercredi, se félicitant de l’arrêt concernant Amazon et « prenant note » de celui sur Engie. « Le Luxembourg analysera l’arrêt avec toute la diligence requise et réserve tous ses droits », peut-on lire dans un communiqué du ministère des Finances.
« Les arrêts ne remettent par ailleurs nullement en question l’engagement du Luxembourg en faveur de la transparence en matière fiscale et de la lutte contre les pratiques d’évasion fiscale », ajoute-t-il.
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