Faire taire l’inflation sans récession. L’espoir est de plus en plus permis. Est-ce que les banques centrales, tant critiquées, vont finalement réussir leur pari ?
Et si on félicitait les banques centrales ? Revoilà les espoirs de soft landing…

Pourquoi est-ce important ?
Vous le savez, les banques centrales tentent de faire baisser l'inflation à coup de hausses des taux d'intérêt. Le risque ? Plonger les économies occidentales en récession. Jerome Powell et Christine Lagarde, tant décriés pour ne pas avoir vu venir l'inflation, jouent les équilibristes depuis plusieurs mois. Et les nouvelles sont plutôt positives.Dans l’actu : il n’y a pas eu de récession.
- Premièrement, il n’y a finalement pas eu de récession en Europe, en début d’année. C’était le postulat de départ, qui a par la suite été contredit, pour être finalement corrigé par la mise à jour des derniers chiffres : la zone euro était bel et bien en (légère) croissance.
- C’est surtout symbolique : plutôt qu’une contraction de 0,1%, on parle maintenant d’une croissance de 0,1%. Pour rappel, une récession se caractérise par la contraction de l’économie durant deux trimestres consécutifs. Or, l’économie s’était effectivement contractée lors du dernier trimestre 2022.
- L’important : la récession a été évitée malgré les coups de boutoir des banques centrales, la guerre en Ukraine, la crise de l’énergie et des matières premières, la faillite de certaines banques régionales américaines et les tensions entre les États-Unis et la Chine, ce n’est pas rien… La machine économique n’est pas cassée.
- L’inflation ? Elle baisse clairement, à 5,5% au mois de juin pour la zone euro. L’inflation était passée à deux chiffres l’année dernière. Le problème reste cette inflation sous-jacente hors prix de l’énergie, du tabac, de l’alcool et des denrées alimentaires qui a légèrement augmenté dans la zone euro.
- Aux États-Unis, la croissance était même un peu plus forte et l’inflation est retombée à 3%. Les marchés immobilier et manufacturier ont marqué le pas, mais le marché du travail reste globalement très dynamique. Alors que tout le monde voyait une récession arriver pour le premier trimestre 2023, elle n’a pas eu lieu.
Et maintenant ? La récession n’est toujours pas au programme.
- Les chiffres officiels de croissance du 2e trimestre ne sont pas encore tombés. Mais plus beaucoup de monde ne voit venir la récession.
- Après une pause, Jerome Powell a annoncé hier la 11e hausse des taux d’intérêt pour porter les taux directeurs entre 5,25 à 5,50 %. Du jamais vu depuis 2001.
- Christine Lagarde s’apprête à faire la même annonce ce jeudi pour porter le taux à 3,75 %. Le niveau le plus élevé depuis l’automne 2000. Jusqu’en juillet de l’année dernière, ce taux était encore de -0,5 %.
- Dans son commentaire hier, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed) a clairement dit qu’il ne s’attendait plus à voir venir la récession. La Bank of America faisait la même constatation début juillet.
- Même son de cloche du côté du FMI, qui dans ses chiffres actualisés voit une croissance mondiale à 3% en 2023, et une croissance à 0,9% pour la zone euro. Seule l’Allemagne connaitrait une légère contraction en Europe. La déception principale vient de Chine, dont la croissance ne décollera pas des 5%. C’est décevant dans la mesure où la zone euro était par exemple à 3,5% l’année dernière, lors de la reprise post-covid. Troisième meilleure performance de tous les temps.

Mise en garde : on évitera une récession forte, mais pas un monde à croissance molle.
- Dans les faits, il est trop tôt pour féliciter les banques centrales. Car il est communément admis qu’il y a 12 à 18 mois d’écart au moins entre une hausse de taux et son impact sur l’économie réelle. Or les taux ont quitté le niveau zéro depuis à peine plus d’un an aux États-Unis et un peu plus de 9 mois dans la zone euro.
- L’incidence des taux d’intérêt élevés est toutefois déjà réelle dans plusieurs secteurs : les consommateurs et les entreprises empruntent beaucoup moins.
- Il y a toujours un risque de tirer trop fort le frein à main. Mais les banques centrales en sont conscientes et pourraient faire une nouvelle pause en septembre prochain. Tous les yeux seront à nouveau tournés vers l’inflation sous-jacente.
- Mais pas de récession forte au programme donc, et peut-être pas de récession du tout. Tout baigne ? Ce ne sera pas Byzance non plus. On fait sans doute face à plusieurs années de croissance molle : les réserves accumulées pendant le Covid et les aides gouvernementales vont définitivement se tarir. La parenthèse sera fermée et on retrouvera le monde pré-Covid.
- On observera alors attentivement le comportement des banques centrales : baisseront-elles leurs taux jusqu’à retomber dans le même piège ?