À moins de 100 kilomètres de notre frontière, des éoliennes sont en train d’être démolies afin d’étendre une mine de charbon à ciel ouvert. L’énergéticien RWE, à la manœuvre, a demandé – et obtenu – l’accord des écologistes pour pouvoir mener cette opération. Explications.
En Allemagne, on démolit des éoliennes pour exploiter plus de charbon, avec le feu vert des écologistes

Pourquoi est-ce important ?
Ce cas symbolise bien le paradoxe que traversent actuellement de nombreux pays européens. Là où certains misent sur le tandem nucléaire/renouvelable pour leur transition, d'autres, comme l'Allemagne, ont tourné le dos à l'atome et se voient contraints de continuer à soutenir des sources d'énergies très polluantes pour aller vers le tout renouvelable. C'est bien sûr temporaire : le vrai changement arrivera bientôt, dit-on à Berlin.Vous voulez être tenu au courant de tout ce qui se passe dans le monde de l’énergie ? Abonnez-vous ici à notre newsletter afin de ne manquer aucun de nos articles.
L’essentiel : les travaux ont débuté à Garzweiler.
- Cette semaine, RWE a commencé ses travaux de démantèlement d’un parc éolien situé à Garzweiler, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
- Une fois les sept éoliennes démolies, le groupe allemand pourra agrandir une mine de lignite à ciel ouvert.
Les détails : qui a dit oui ?
- Vous vous en doutez, RWE a dû obtenir des autorisations pour entamer un tel chantier. L’entreprise a obtenu les feux verts nécessaires l’an dernier.
- Afin de pouvoir extraire 15 à 20 millions de tonnes de lignite supplémentaires à Garzweiler, RWE a dû négocier avec le gouvernement fédéral et avec les autorités de Rhénanie du Nord-Westphalie.
- Dans les deux cas, rapporte EU Observer, l’entreprise a dû discuter avec des mandataires d’Alliance 90/Les Verts : le ministre fédéral de l’Économie et du Climat Robert Habeck et la ministre locale de l’Économie, de la Protection du climat et de l’Énergie Mona Neubaur.
- Notons que si les deux principaux interlocuteurs de RWE étaient des écologistes, les Verts n’étaient pas les seuls décideurs. Ils siègent dans une coalition avec les sociaux-démocrates (SPD) et les libéraux-démocrates (FDP) à Berlin et avec les chrétiens-démocrates (CDU) à Düsseldorf.
- En échange, les responsables politiques ont demandé à RWE de fermer ses dernières centrales à charbon en 2030 plutôt qu’en 2038.
- « C’est un bon jour pour le climat », avait commenté Habeck dans la foulée.
Une politique vraiment efficace ?
Les explications : du court terme.
- Cette opération correspond à ce que l’on a déjà vu l’an dernier en Allemagne ainsi que dans certains autres pays européens : recourir au charbon pour éviter les blackouts, en assurant que c’est une mesure exceptionnelle (et donc qui ne vaut que pour le court terme) liée à la crise énergétique provoquée par le déclenchement de la guerre en Ukraine.
- Pour 2022, on a pu s’apercevoir que l’argument était recevable. Selon un rapport que nous vous avons détaillé ici, l’Allemagne a été le pays européen à avoir diminué le plus nettement sa production d’électricité via le charbon sur un an : 10 térawattheures en moins.
- Un tableau encourageant qu’il convient toutefois de nuancer.
- Les prix élevés et la douceur de l’hiver dernier ont fait plonger la consommation d’électricité. Il y a donc eu moins besoin d’en produire, notamment par le charbon.
- En outre, si l’Allemagne a globalement diminué ses émissions de gaz à effet de serre en 2022, celles de son secteur énergétique ont tout de même augmenté, de 4,4%.
Pourtant : les détracteurs continuent de s’égosiller.
- Quoi qu’il en soit, les travaux entamés cette semaine à quelques dizaines de kilomètres de la Belgique font jaser.
- L’alliance « Alle Doerfer bleiben » (Tous les villages restent) se bat depuis plusieurs années contre l’extension de la mine de Garzweiler, qui a déjà provoqué la destruction de villages entiers.
- « Alors que la moitié de l’Europe brûle, la catastrophe climatique est alimentée ici comme s’il n’y avait pas de lendemain », s’est indigné un de ses représentants auprès de la TAZ.
- La campagne Beyond Fossil Fuels a aussi réagi aux travaux de démantèlement des sept éoliennes de Garzweiler.
- « L’urgence climatique actuelle nécessite des efforts urgents et concertés pour accélérer le déploiement de chaque éolienne, panneau solaire et pompe à chaleur que nous pouvons rassembler », a déclaré un de ses responsables.
- « Tout ce qui détourne de cet effort crucial, en particulier le démantèlement des sources d’énergie renouvelables pour extraire davantage de combustibles fossiles, doit être interdit sans équivoque », a-t-il ajouté.