Dès le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de nombreuses entreprises occidentales ont juré qu’elles quitteraient la Russie. À la fin de l’année, force est de constater que ce grand exode n’a pas eu lieu : l’écrasante majorité des entreprises occidentales est toujours présente.
Malgré les annonces de départ en grande pompe, la plupart des entreprises occidentales sont toujours actives en Russie

Pourquoi est-ce important ?
Faire du commerce dans un État qui attaque brutalement son pays voisin est mal vu. Les entreprises ressentent la pression et veulent quitter le pays, mais ce n'est pas toujours si facile que cela ne paraît.Dans l’actu : une étude de l’Université de Saint-Gall, en Suisse, sur les entreprises occidentales qui ont quitté, ou non, la Russie.
- Juste avant l’invasion, 2.405 filiales de 1.404 entreprises européennes et/ou des pays du G7 étaient actives en Russie, indique le rapport consulté par CNBC.
- À la fin de l’année, à peine 9% de ces entreprises avaient cédé au moins une filiale établie en Russie.
- On se souvient par exemple de McDonald’s et Starbucks qui ont rapidement plié bagage et vendu leurs enseignes (reprises par de pâles copies), ou Equinor pour qui les négociations de cession d’actifs ont duré des mois. D’autres acteurs, comme le groupe français Mulliez (Auchan, Leroy Merlin et Decathlon), ont indiqué dès le départ qu’ils resteraient en Russie.
- « Les sorties confirmées des entreprises de l’UE et du G7 qui avaient des participations en Russie représentent 6,5 % du bénéfice total avant impôt de toutes les entreprises de l’UE et du G7 ayant des opérations commerciales actives en Russie, 8,6 % des immobilisations corporelles, 8,6 % des actifs totaux, 10,4 % des recettes d’exploitation et 15,3 % du total des employés », expliquent les responsables de l’étude.
- En d’autres mots : les entreprises qui ont levé le camp étaient moins rentables et avaient une plus grande masse salariale que les entreprises qui sont restées.
- Les États-Unis arrivent en tête des sorties, avec à peine 18% des entreprises ayant cédé des filiales. Suivent le Japon (15%) et l’UE (8,3%).
- De l’autre côté, ce sont les entreprises allemandes qui sont les plus actives en Russie, représentant 19,5% des entreprises occidentales toujours présentes.
La citation : remise en question de la volonté d’exode.
« Ces résultats remettent en question la volonté des entreprises occidentales de se découpler des économies que leurs gouvernements considèrent désormais comme des rivaux géopolitiques. Les résultats de l’étude sont un reality check du récit selon lequel les préoccupations de sécurité nationale et la géopolitique conduisent à un dénouement fondamental de la mondialisation. »
Simon Evenett et Niccolo Pisani, professeurs responsables de l’étude
Une sortie difficile mais inévitable
L’essentiel : pourquoi un taux si faible, malgré les annonces de vouloir quitter la Russie dès l’invasion ?
- La banque britannique Barclays a également étudié le phénomène. Elle indique que la volonté de quitter la Russie est bien là, notamment à cause de la pression des parties prenantes et du risque d’être impacté par les sanctions. Mais dans la pratique, il y a des démarches compliquées à faire.
- En quelques chiffres : la banque représente 29 entreprises (actives dans les biens de consommation). 15 se sont engagées à sortir de Russie, mais seulement 6 n’y sont pour l’heure parvenues. Pour certaines, l’enjeu est énorme : la Russie représente par exemple entre 5 et 10% des bénéfices du groupe Henkel.
- « En plus du manque de clarté sur la valeur des actifs, la liste des acheteurs potentiels est courte, et la liste des acheteurs potentiels qui sont exempts de sanctions est encore plus courte », expliquent les analystes qui ont sondé les clients de la banque, cités par CNBC.
- Mais la banque s’attend à ce que les entreprises soient petit à petit contraintes à quitter la Russie, même sans pouvoir sauver leur mise. Lentement elles seront poussées vers le choix de partir en perdant de l’argent (car il serait impossible de tout vendre à un prix « juste ») ou de rester.
- Au prix de subir toujours plus de pressions, car de l’autre côté, le conflit semble loin de toucher à sa fin, et avec les livraisons de chars modernes, et peut-être bientôt d’avions de chasse à l’Ukraine, les relations entre l’Occident et Moscou s’enveniment davantage. Le commerce entre les deux serait en tout cas en chute libre.