Après la cacophonie, les jeux politiques. ‘Une équipe de 11 millions de Belges’, plaide Alexander De Croo depuis plusieurs comités de concertation. Dans les faits, la classe politique est divisée sur les mesures à prendre, et ça commence à se voir beaucoup.
Les mesures à peine actées de vendredi dernier pourraient encore changer. L’ouverture des commerces non essentiels n’est ici pas concernée. Il s’agit plutôt des restrictions concernant les fêtes de fin d’année, et spécifiquement Noël.
Pour rappel, chaque foyer n’est autorisé qu’à inviter une personne extérieure, avec qui il peut entretenir des contacts rapprochés. Une seule exception: les personnes isolées qui peuvent inviter chez elles jusqu’à deux personnes maximum.
Cette mesure stricte porte la marque du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (sp.a). Elle a été presque unanimement saluée par les experts. Mais au niveau politique, c’est beaucoup plus compliqué pour celui qui est au cœur d’une polémique pour une communication plutôt foireuse – le terme nous parait approprié – sur la décision de fermer les commerces non essentiels fin octobre.
Le ministre s’est fait taper sur les doigts. Par la N-VA bien sûr, par le MR, sans surprise, et même par Paul Magnette, interrogé ce matin sur La Première : ‘Je regrette ces propos. Ils ne sont pas corrects sur le fond et maladroits sur la forme. Cela crée de la confusion. Ce dont on a besoin c’est d’une ligne claire, d’un cap, d’une perspective et d’un cadre, d’une clarté sur les règles et pour l’expression.’
Pour ceux qui ont manqué cet épisode, le ministre de la Santé expliquait au micro de la VRT que la fermeture des magasins non essentiels, lancée début novembre, était une mesure-choc symbolique pour marquer l’opinion publique, et pas une mesure qui répondait à des données sanitaires tangibles sur les commerces. Le cabinet du ministre a depuis corrigé le tir. 14 experts sur 16 estimaient nécessaire la fermeture de ces commerces.
MR et PS, prêts à rediscuter pour Noël
Mais la polémique est loin d’être éteinte. Et elle se déplace donc sur la fête de Noël. Les Belges ne sont pas aveugles: aucun de nos voisins n’a adopté de politique si stricte.
Le MR est favorable à une réévaluation mi-décembre. Si les chiffres évoluent favorablement, le comité de concertation doit pouvoir rediscuter des mesures pour la fin d’année. Georges-Louis Bouchez a plaidé en ce sens sur LN24 et dans Sudpresse: ‘Si les chiffres continuent à aller dans le bon sens, il n’y aurait pas de raison de ne pas assouplir les mesures. Qu’on arrête avec les positionnements fermés. On ne peut quand même pas ne pas faire preuve d’humanité si la situation continue de s’améliorer.’
Le discours du PS est plus policé. Par respect pour le ministre de la Santé, lui aussi socialiste. Mais il ne dit pas autre chose: ‘Rien n’est jamais impossible. Si on devait observer que les chiffres s’améliorent de manière très nette dans les prochains jours, pourquoi ne pas évaluer ? Il n’y a pas de raison d’être plus strict que nécessaire’, a réagi Paul Magnette.
Mais pour les cabinets du ministre de la Santé ou du Premier ministre, rappelons-le encore, un socialiste et un libéral, pas question de revenir sur ces mesures avant 2021. ‘À la mi-janvier’, avait même précisé Alexander De Croo vendredi dernier. De leur côté, Frank Vandenbroucke (De Afspraak) et Conner Rousseau (Terzake) ne sont toutefois pas restés immobiles et ont effectué une sorte de mea culpa sur la communication. Le président du parti socialiste flamand a toutefois chaussé les crampons pour tacler le MR: ‘Nous connaissions l’attitude du MR dans les précédentes négociations. Ce n’est pas nouveau. Mais desserrer les mesures trop tôt nous a foutu dans la merde. Ce n’était pas intelligent.’ Une phrase peu goutée par les libéraux francophones. Nous revoilà quelques mois en arrière en pleine campagne électorale.
Pour la cohérence, on repassera…
Que les experts et le ministre de la Santé aient raison ou que ça soit leurs opposants importe finalement peu. Ce qui fait tache, c’est le manque de cohérence qui va sans aucun doute jeter le trouble sur le respect desdites mesures.
Les sorties des uns et des autres laissent à penser que les décisions sont uniquement politiques et pas objectivées. En d’autres mots, ‘pourquoi respecterais-je une mesure si je suis en désaccord avec elle ?’, pourront s’interroger les citoyens. Une cacophonie désastreuse pour le jeu d’équipe demandé par le Premier ministre.
Pourtant, le ministre de la Santé l’a rappelé, les objectifs à atteindre sont clairs. 3 indicateurs détermineront l’assouplissement des mesures:
- Le nombre de contaminations: 800 par jour sur les 14 derniers jours durant 3 semaines. Pour le moment, nous sommes à 2.866 sur les 14 derniers jours en moyenne.
- Le nombre d’hospitalisations : pas plus que 75 hospitalisations quotidiennes. Nous sommes à 255 sur les 14 derniers jours en moyenne.
- Que les indicateurs montrent une tendance à la baisse: on remarque ces derniers jours que les indicateurs baissent moins rapidement que les précédentes semaines.
Ou alors ces objectifs chiffrés, modélisés par les experts, seront-ils bientôt revus à leur tour ? Il est sans doute temps que le Comité de concertation, où quasi tous les partis en plus des différents niveaux de pouvoir sont représentés, devienne un vrai lieu de discussions politiques. Pour fixer un cap, une équipe, ‘de 11 millions de Belges’. Ceux qui en font une question uniquement politique sur la place publique jouent à un jeu dangereux.