Si quelques incertitudes demeurent quant à son passage vers l’espèce humaine, le SARS-CoV-2, le virus qui provoque chez nous l’infection au Covid-19, provient du panel viral que l’on trouve habituellement dans l’organisme de chauve-souris. Pour protéger l’humanité de futures transitions inter-espèces de virus semblables, une équipe de chercheurs pense avoir trouvé une possible panacée chez… les requins.
Une équipe de chercheurs vient de publier dans la revue Nature ses conclusions sur l’intérêt potentiel d’une petite protéine présente dans l’organisme de certains requins, comme le requin nourrice. Appelée VNAR, celle-ci fait partie du système immunitaire particulier de ces poissons cartilagineux, et fonctionne en quelque sorte comme nos anticorps. Or, la molécule VNAR est capable de neutraliser le virus WIV1-CoV, un type de coronavirus qui circule chez les chauve-souris, et qui s’avère déjà capable d’infecter un être humain.
Un arsenal contre les coronavirus du futur
« Le problème majeur est qu’un certain nombre de coronavirus sont prêts à émerger chez l’homme », explique Aaron LeBeau, professeur de pathologie à l’université du Wisconsin-Madison, qui a participé à la direction de l’étude. « Ce que nous faisons, c’est préparer un arsenal de molécules VNAR issues des requins qui pourraient être utilisées en cas d’épidémies futures de SRAS. C’est une sorte d’assurance pour l’avenir ».
Les VNAR anti-SARS-CoV-2 ont été isolés à partir des grandes bibliothèques synthétiques de VNAR trouvables chez les requins. D’une taille dix fois inférieure à celle des anticorps humains, les VNAR de requin peuvent se lier aux protéines infectieuses d’une manière unique qui renforce leur capacité à stopper l’infection.
« Ces petites protéines semblables à des anticorps peuvent pénétrer dans des coins et des recoins auxquels les anticorps humains ne peuvent accéder », explique M. LeBeau. « Elles peuvent former ces géométries très particulières. Cela leur permet de reconnaître des structures dans les protéines que nos anticorps humains ne peuvent pas lire. »
Moins cher et plus facile à fabriquer que des anticorps humains
Les chercheurs ont testé les VNAR des requins à la fois contre le SRAS-CoV-2 infectieux et contre un « pseudotype », une version du virus qui ne peut pas se répliquer dans les cellules. Ils ont identifié trois VNAR candidats parmi des milliards d’autres qui empêchent efficacement le virus d’infecter les cellules humaines. Les trois VNAR de requin étaient également efficaces contre le SARS-CoV-1, qui a provoqué la première épidémie de SRAS en 2003.
De quoi en faire un ajout très intéressant à notre arsenal médicamenteux, en vue des prochaines pandémies issues de souches virales semblables qui passeraient d’une espèce animale à l’humanité. Les thérapies futures comprendraient probablement un cocktail de plusieurs VNAR de requin afin de maximiser leur efficacité contre des virus divers et mutants. Cette nouvelle catégorie de médicaments est moins chère et plus facile à fabriquer que les anticorps humains. Elle peut être administrée dans l’organisme par différentes voies, mais elle n’a pas encore été testée chez l’homme. LeBeau étudie également la capacité des VNAR de requin à contribuer au traitement et au diagnostic des cancers.