Comment déplacer tout un pays : un plan très sérieux face à la montée des eaux

Les populations du Pacifique sont de plus en plus confrontées à l’enjeu du sort de leurs îles : jusqu’à quand sera-t-il possible de s’accrocher, face à la montée des eaux ? L’abandon des territoires est un vrai casse-tête, tant économique que culturel. Mais l’exode n’est plus une perspective lointaine : les gouvernements se préparent aux grandes migrations.

Pourquoi est-ce important ?

Sur le front du changement climatique, nous n'en sommes plus tant à chercher des solutions qu'à tenter de limiter la casse. Si l'inquiétude grandit dans le monde occidental, pour certaines nations, en particulier dans le Pacifique, c'est déjà le niveau de l'eau qui monte. À tel point que certaines se lancent dans des déplacements massifs de leur population.

Le contexte : Alors que les dirigeants du monde se retrouvent à Charm el-Cheikh dans le cadre de la COP 27, dans l’archipel des Fidji, ainsi d’ailleurs que sur d’autres états insulaires du Pacifique, on se prépare déjà activement à la migration climatique.

L’exode vers l’intérieur des terres

  • La République des Fidji s’étend sur plus de 300 îles, qui regroupent un peu moins d’un million d’habitants. Or ceux-ci sont chaque année plus menacés par la hausse du niveau des eaux dans le Pacifique, qui peut atteindre 5 mm par an. En conséquence les inondations se font plus fréquentes, les côtes s’effritent, l’eau de mer envahit les cultures et sature de sel les terres autrefois cultivables.
  • Le gouvernement du pays a mis sur place, depuis quatre ans, un groupe de travail qui doit mettre sur pied l’évacuation future des populations fidjiennes menacées. Ce document épais de 130 pages s’intitule très cliniquement « Operating Procedures for Planned Relocations » mais il s’agit du mode d’emploi de ce qui sera sans doute le plus grand exode ce ce début de XXI siècle.
  • À l’heure actuelle, 42 villages fidjiens ont été désignés pour être potentiellement déplacés au cours des cinq à dix prochaines années, et six d’entre eux ont déjà été déplacés pour à l’intérieur des terres.
  • « Il ne s’agit pas simplement d’arracher 30 ou 40 maisons dans un village et de les déplacer plus haut dans le champ », rappelle auprès de The Guardian Satyendra Prasad, ambassadeur des Fidji auprès des Nations unies. « J’aimerais que ce soit aussi simple. » Les autorités du pays doivent relocaliser les écoles, les systèmes de soin de santé, et toutes les infrastructures y compris routières ou électriques, au fur et à mesure que les régions côtières doivent être évacuées. « Et au cas où même cela serait possible, vous devez déplacer les cimetières des gens. Essayez de faire ça. »

« Soixante-cinq pour cent de la population fidjienne vit à moins de 5 km du littoral. Cela fait beaucoup de monde. Vous aurez beaucoup plus de personnes vivant à l’intérieur des terres. »

Aiyaz Sayed-Khaiyum, ministre de l’Économie des Fidji, auprès de The Guardian

Un casse-tête économique et culturel

L’enjeu : délocaliser ses propres populations n’a rien de facile, et le gouvernement fidjien doit attribuer des fonds importants aux déplacements, mais aussi à la construction des nouveaux logements et des nouvelles infrastructures.

  • En 2019, il a annoncé la mise en place du premier fonds fiduciaire de relocalisation au monde pour les personnes déplacées par le changement climatique, financé par toute une série de nouvelles taxes, en particulier sur les revenus et le tourisme.
  • Toutefois la situation économique est délicate : en 2021, le PIB des Fidji s’élevait à 4,59 milliards de dollars, soit une baisse de près de 20 % par rapport à 2019, après que le Covid ait interrompu une industrie touristique très importante pour le pays.
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